Facteurs et cadres du 2ème arr. de Marseille :

Discours de victoire au 139ème jour de lutte

Intervention d’Alain Croce
CGT - Marseille 02


22 février 2011

Chers amis, chers camarades,
Factrices, facteurs et cadres de Marseille 02,
Mesdames, messieurs,

Nous voici parvenus à un moment important de notre conflit. Il s’agit pour nous d’évaluer au terme d’un conflit exceptionnel, l’état des avancées et acquis qui nous permet de décider du moment enfin arrivé de suspendre notre action gréviste tout en poursuivant bien évidemment la lutte, car elle est loin d’être terminée, sous d’autres formes que nous déciderons comme nous en avons l’habitude de manière démocratique.

Dans un conflit, je vous l’ai souvent répété, il y a le point de départ et le point d’arrivée. Mesurons donc à partir du départ du conflit, le 7 octobre 2010, cela fait aujourd’hui exactement 139 jours.

Ce matin là, alors que depuis quelques jours à peine, Jessica Dedieu, jeune CDD a vu son contrat interrompu, la raison invoquée étant le tiers temps alors qu’elle est là depuis plus de 7 mois, il est fait appel, pour la première fois dans le centre courrier, à un INTÉRIMAIRE en remplacement.

Immédiatement à 100 % sans préavis, l’ensemble du personnel et cadres de Marseille 02 arrête le travail. La situation en effectif est déplorable, le volant de remplacement totalement absorbé par diverses absences pour maladie ne permet pas de faire face, les congés ne peuvent d’ailleurs pas être pris. Les discussions avec le directeur d’établissement qui appelle sa hiérarchie n’aboutissent pas dans un premier temps, puis évoluent, celui-ci indiquant que « l’on peut appeler une étudiante en remplacement demain matin… »

Le lendemain matin, les collègues de travail décident de reprendre le travail, les effectifs étant comblés par Jessica rappelée et Amandine jeune étudiante qui travaille souvent à 02.

C’en est trop pour La Poste qui fait appel à un huissier de justice alors que le travail a repris, pour constater la présence sur le lieu de travail des deux jeunes gens menacées par l’huissier et le directeur d’établissement de « détournement de courrier et de matériel » si elles restent dans le bureau, revenant ainsi sur l’engagement de la veille, tout cela afin d’imposer dans le centre… un INTÉRIMAIRE.

Cette volonté d’imposer l’INTERIM à tous prix, jusqu’à la provocation d’en faire travailler un seul dans le centre tout au long de la grève, était l’objectif majeur de La poste.

Celui-ci fera de la doublure à la demande des chefs d’équipe le vendredi 8 et le samedi 9 octobre. Courageux, il refuse de partir seul en tournée, se déclarant solidaire du mouvement. Le samedi en fin d’après-midi, il recevra un coup de fil lui indiquant que sa mission est terminée.

Le lundi 11 octobre, le personnel et cadres refusent de prendre le travail apprenant ce fait, qu’un AUTRE INTÉRIMAIRE est appelé en remplacement, avec toujours le refus d’utiliser les deux jeunes CDD.

C’est donc un CHOIX DÉLIBÉRÉ DE LA POSTE qui veut imposer l’intérim dorénavant en remplacement à Marseille 02. Ce nouvel intérimaire, courageux lui aussi refusera de travailler tout seul alors que le bureau est totalement arrêté, il sera lui aussi remercié, remplacé par un troisième intérimaire trié sur le volet afin qu’il travaille quoi qu’il advienne. On connaît les formes de pression envers les jeunes…

C’est donc un nouvel arrêt sans préavis en ce 11 octobre qui fera dire cyniquement aux dirigeants de La Poste que la CGT s’agite à la veille du conflit des retraites.

Bien évidemment, chacune, chacun mesure la portée de l’attaque sur les retraites.

Bien évidemment chacune, chacun, on a en discuté longuement, a décidé de s’engager avec toute la France dans ce conflit des retraites. Mais il n’en demeure pas moins, d’ailleurs la longueur du conflit l’a démontré, que l’enracinement premier de l’action porte sur l’emploi, le type d’emploi pour assurer le service public sur le 2ème arrondissement de Marseille.

C’est cela qui sera au cœur du conflit, enrichi par les 47 points revendicatifs sur l’emploi, les salaires, les promotions, le respect de notre organisation basée sur les 32 heures et le samedi sur deux de repos, des conditions de vie et de travail décentes.

La Poste refusera TOUTE DISCUSSION SUR CES 47 POINTS REVENDICATIFS, et ce pendant 100 jours, sous le prétexte fallacieux que le contenu était trop national. Ils exigeaient que l’on retire tous les points qu’ils jugeaient nationaux, laissant ainsi seulement les points jugés locaux. Ce que nous refuserons totalement tout au long de ces 100 jours où diverses actions et initiatives furent prises.

Pendant 100 jours, seules étaient accordées des « rencontres » avec le directeur d’établissement baptisés pompeusement par La Poste « des échanges »… Avec la volonté de négocier, nous avons participé à plus d’une vingtaine sans aucune autre réponse de La Poste que celle qui consistait à demander : « qu’avez-vous à déclarer… » Une véritable provocation pendant des jours et des jours.

Nous avons su collectivement déjouer toutes les provocations, toutes les manœuvres, tous les pièges tendus et ils furent nombreux. Aucune faute de parcours des grévistes ne fut commise afin de ne pas dévier du cœur du conflit, le ciment de notre unité : LES REVENDICATIONS.

Même les convocations au commissariat de Police des deux jeunes CDD pour « présence illicite dans les locaux de La Poste », feront long feu, Police et Parquet ne suivant pas les dirigeants de La Poste.

Un force plus que tranquille, une force sereine, implacable, déterminée et unie n’a jamais abandonné les grévistes.

C’est cette force, cette conviction profonde, enracinée, cette unité exemplaire qui a toujours su s’extraire des débats parfois vifs et longs, mais toujours démocratiques ou chacune, chacun, compte dans la réflexion et la prise de décision qui a toujours prévalue.

Cette force elle est en nous, dans nos cœurs mais également dans nos têtes. C’est cette force qui renverse les montagnes. C’est cette force dans laquelle chacune, chacun puise quand la fatigue se fait parfois sentir.

Car oui, nous ne le nions pas, ce fut un combat long et difficile dans les conditions d’aujourd’hui, de la France d’un Sarkozy droit dans ses bottes.

Dans une France où La Poste de Bailly se veut le meilleur élève de la nouvelle Société Anonyme.

Dans quel conflit local d’un centre courrier d’un peu plus de 50 agents a-t-on vu la main mise de Paris d’une manière aussi forte ?

Ce sera encore le Président de La Poste qui indiquera à la Sénatrice et notre Fédération en faire pratiquement une affaire personnelle de Marseille 02 au travers du « dirigeant historique de la CGT Poste qui s’offrait (sic) un conflit long, un feu d’artifice, avant son départ en retraite… »

Comment peut-on analyser de manière aussi piteuse la durée d’un conflit à La Poste ?

C’est faire peu cas de la détermination du personnel quand il se bat et du niveau de l’exaspération face à un tel comportement.

Des dirigeants de pays qui se croyaient à l’abri de leurs peuples qui souffraient en silence, sont entrain de le payer chèrement. Le temps viendra de payer la note, en France et à La Poste.

Face à la souffrance au travail qui se développe, au malaise profond qui mène parfois jusqu’au suicide, nous avons répondu par la seule réponse qui soit : l’action collective.

Nous ne sommes pas des héros, nous sommes simplement des hommes et des femmes debout qui avons su passer de l’INDIGNATION chère à Stéphane Essel, à la RÉSISTANCE face à ceux qui voulaient se montrer inflexibles et intransigeants.

Et UNE NOUVELLE FOIS A MARSEILLE 02, n’en déplaise à ceux qui nous répétaient : « cette fois, vous allez tout perdre… »

L’ACTION COLLECTIVE A PAYE.

Mesurons le chemin parcouru depuis le 7 octobre 2010 au vu du relevé de décisions de La Poste que nous avons conclu et que nous ne signerons pas, car seule La Poste s’engage sur son contenu.

Profitant du conflit, ils voulaient nous engager dans une réorganisation avec notre accord sur facteur d’avenir.

Non seulement ils ne l’ont pas, le projet est reporté à d’éventuelles et futures discussions dans lesquelles la lutte actuelle pèsera, soyons-en certains.

Nous reprenons le travail avec le respect du relevé de décisions de 1995 qui reconnait notre système d’organisation basé sur les 32 heures et le samedi sur deux, incluant le maintien du service COLIS à 02.

Alors qu’un taux de vacances d’emplois est imposé partout dans tous les services courrier jusqu’à 5% d’emplois laissés vacants, non seulement nous imposons ZÉRO VACANCE D’EMPLOI, mais en plus nous faisons combler un départ en retraite et toute nouvelle vacance qui surviendrait.

La Poste voulait IMPOSER TOUT REMPLACEMENT PAR L’INTÉRIM à Marseille 02, un troisième statut précaire dont le nombre a été multiplié par 5 dans notre département. La force du conflit et son rapport de forces permet de le juguler. A compter du 31mars 2011, il est mis fin au contrat en intérim à Marseille 02.

Non seulement l’emploi vacant est comblé par un(e) fonctionnaire ou du CDI, mais les absences seront comblées à nouveau par des CDD longs ou saisonniers (au minimum 3 dans un premier temps, plus si nécessaire en fonction de l’écoulement des reliquats de congés, certains pouvant être monétisés à la demande des agents à raison de 12 jours en année effective).

Alors que 900 emplois viennent d’être supprimées dans notre département depuis 2007, qu’il en est prévu 250 pour 2011, notre conflit à permis de débloquer l’embauche de 50 CDI dans les semaines à venir dont 20 contrats pro pour les Bouches-du-Rhône, nous n’y sommes pas pour rien.

Concernant la jeune CDD Jessica Dedieu, interdite pour son « refus d’obéissance » d’après La Poste de tout travail jusqu’à ce jour, La Poste s’engage à la reprendre dans ses services immédiatement dès la reprise en CDD dans notre groupement, pour qu’ « elle puisse se payer son permis de conduire ». Ainsi à la prochaine session qui va s’ouvrir à Formaposte, Jessica pourra, à l’issue de sa formation, sans entrave, bénéficier d’UN CDI.

Avec un total de 4 agents minimum supplémentaires, il ne sera pas tenu compte des contraintes budgétaires pour 2011 palliant ainsi aux absences de toute nature (maladie, accident, congés…)

Enfin, même si une Poste revancharde veut faire payer cher en journées de grève retenues l’engagement des grévistes et ne veut pas prendre en compte sa responsabilité dans la longueur du conflit, après d’âpres discussions 25 journées ne seront pas retenues (dimanches, jours fériés, remise en marche ou 1 jour supplémentaire reste possible).

Quand on mesure le point de départ et le point d’arrivée, avec des circonstances politiques les plus mauvaises du moment. Un pouvoir et une direction qui se veulent autoritaires tant au plan national qu’au plan local. On l’a vu avec le mépris affiché lors de la votation citoyenne en octobre 2009 sur La Poste.

Un pouvoir qui rêve de faire plier Marseille et les Marseillais, au travers d’attaques incessantes contre ceux qui luttent et en premier lieu la CGT accusée par les dirigeants UMP d’être « le cancer du Port de Marseille ».

Avec le recul imposé par nos camarades des Ports et Docks, NOUS LEUR INFLIGEONS UN SÉRIEUX REVERS.

Ils sont en RECUL SUR LEURS INTENTIONS DE DOMINATION SANS PARTAGE, de vouloir imposer à tous prix en cassant toute résistance.

ILS SONT EN RECUL SUR LE DÉVELOPPEMENT DE L’EMPLOI PRÉCAIRE, dorénavant la précarité est dénoncée partout dans la Fonction Publique et au-delà.

UN VÉRITABLE EMPLOI PUBLIC POUR UN VÉRITABLE SERVICE PUBLIC POSTAL, FACTEUR C’EST UN MÉTIER.

L’idée a fait son chemin. Nous ne sommes pas étrangers au positionnement politique à gauche jusqu’à devenir, souhaitons le un programme.

Nous ne sommes non plus pas étrangers à la prise de position partagée qu’il faut revenir sur la loi qui a transformée La Poste en Société Anonyme. Il faudra l’abroger et revenir à une réappropriation publique de La Poste.

Alors OUI, nous avons beaucoup de monde à remercier.

Merci à toutes celles et ceux qui nous ont soutenu depuis le premier jour.

Merci à la population du 2ème arrondissement, à son collectif de défense des usagers de La Poste, présent à nos côtés chaque jour.

Merci à toutes les organisations de La CGT, de la fédération du secteur des activités postales et des télécommunications, du syndicat départemental CGT Poste, de ses militants, à notre ami Richard Garro qui a su s’intégrer au côté des grévistes jusqu’au bout de la négociation.

Merci à toutes les organisations interprofessionnelles qui au travers de l’UD CGT, ont participé à faire en sorte que cette lutte aboutisse.

Merci en particulier à ceux qui dans la même période, mènent des combats qui se sont épaulés.

Je pense aux Fralib de Gémenos, à ceux de Net Cacao avec lesquels des liens ineffaçables sont ancrés à tout jamais dans nos cœurs.

Je pense aux camarades du Port, des dockers, de la SNCM, de la RTM, de la CAF… Et des milliers d’autres dont on risquerait d’oublier en les citant tous, leur apport.

Merci aussi aux associations diverses, à VSP, au Secours Populaire Français et à ses dirigeants, à notre ami Daniel, sans lesquels nos familles n’auraient pu tenir aussi longtemps pour subsister.

Merci à notre ami Christophe Vissant, postier, coureur de l’extrême, qui a mené avec nous jusqu’au bout cette fameuse course qui a traversé Marseille et qui nous a permis lui aussi, à sa manière, de franchir enfin cette ligne d’arrivée.

Merci à David, Marius, Alain ou Claude qui par leurs gestes ont fait eux aussi manger les grévistes et affirmer leur solidarité.

Merci à tous ceux que je ne peux citer.

Enfin un grand merci à toutes les organisations politiques qui sur place, ont envoyé nombre de leurs dirigeants y compris nationaux, pour soutenir notre conflit, du parti socialiste au NPA, aux organisations qui composent le Front de Gauche comme le Parti de Gauche, la Gauche Unitaire ou le Parti Communiste Français et sa section des postiers communistes avec notre ami Michel (reportage en clip assuré), pour lequel nous avons une reconnaissance particulière.

En effet, exceptionnel aura été l’engagement des élus et dirigeants communistes de notre département qui se sont investis dans diverses organisations de solidarité tant morale que financière, qu’il serait trop long de citer tant la liste est longue.

Merci aussi à ces milliers d’anonymes qui pour beaucoup malgré les difficultés de la vie, sont venus verser de l’argent pour que la lutte continue et soit gagnante.

On revoit les images de ce papi de Fontaine de Vaucluse venu spécialement en train verser toutes ses économies pour disait-il « que votre résistance vive ».

On revoit ces anonymes poussant la porte de la cafétéria, là où nous tenons nos assemblées, discrètement aller jusqu’à l’urne de la solidarité et repartir après avoir glissé un billet.

Tous ces soutiens tant moraux, physiques que financiers ont été une aide exceptionnelle sur ce qu’on peut appeler aujourd’hui UNE GRANDE VICTOIRE.

OUI c’est une authentique VICTOIRE, car c’est la VICTOIRE DES VALEURS HUMAINES qui l’a remportée sur le chacun pour soi.

OUI c’est une authentique VICTOIRE, car c’est une victoire sur la fatalité et le règne des décideurs sans partage.

OUI c’est une authentique VICTOIRE car au vu du résultat, nous avons gagné POUR L’EMPLOI ET LE SERVICE PUBLIC A LA POSTE.

OUI enfin, c’est une authentique VICTOIRE car c’est la victoire de l’unité des jeunes, des moins jeunes, du précaire, du CDI et du fonctionnaire. Celle des cadres avec le personnel.

OUI c’est une victoire aussi historique que celles qui ont jalonnées les luttes du 2 ème arrondissement depuis l’ancienne Recette Principale de La Poste Colbert pour arracher les 35 heures, puis les 32 heures et le samedi.

Victor Hugo a dit que « ceux qui vivent sont ceux qui luttent ! »

Alors à Marseille 02, nous pouvons dire que nous vivons pleinement nos luttes et que nous luttons pleinement pour nos vies.

Nous sommes particulièrement fiers des jeunes de notre service qui ont démontré qu’ils étaient prêts pour continuer et poursuivre pour de futures batailles en portant haut et fort, les valeurs collectives de la CGT car comme le dit notre chanson de lutte : « 02 est bâti sur roche, 02 ne périra pas ! ».

CETTE VICTOIRE, il faut la faire partager, car c’est aussi la victoire de tous ceux et toutes celles qui ont pris part à ce succès.

Je vous l’avais dit au début de ce conflit, je reste un adepte de cette formule que nous venons de vérifier.

« D’abord ils vous ignorent, ensuite ils se moquent de vous, ensuite ils vous combattent et enfin vous gagnez ! »

Elle est celle du grand homme que fût GANDHI

Aujourd’hui, NOUS AVONS GAGNÉ, merci à vous tous pour ce nouveau succès que nous fêterons dignement.

ADHÉREZ A LA CGT POUR CEUX QUI NE LE SONT PAS ENCORE MÊME S’IL EN RESTE PEU A MARSEILLE 02 avec 85% de syndiqués CGT.

 

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