J'ai vu et revu ....  Renaud
2 SEPT. 2012

J'ai vu Renaud
Hier, samedi 1er septembre, j'ai vu Renaud.
D'accord je l'avais vu très souvent, sur une scène.
Là j'ai vu Renaud Séchan, Mr Séchan.
Mon amoureux m'a proposé d'aller à l'Isle sur la Sorgue parce qu'il savait qu'il vivait là-bas.
Mon amoureux aime me faire plaisir.
Au restaurant où l'on m'avait dit qu'il avait ses habitudes, il n'était pas.
La serveuse, interrogée par mes soins, et là depuis une semaine seulement, est allée aux renseignements:
"Oui, il passe quelquefois...."
Je me suis dit "c'est mort pour Renaud, mais on va profiter de ce bel endroit pour se balader".
Après le déjeuner nous partons pour une visite en règle de ce beau village.
Beau, mais qui sent le "riche".
Qui essaie de rester "authentique" en gardant ses façades anciennes de magasins bourgeois.
Mais bon, beau quand même avec ses terrasses en bordure de la Sorgue.
Justement, à l'approche d'une terrasse, une tête grise, de dos.
Je ne vois que les épaules et le crane, mais j'ai la sensation que c'est Renaud.
Je demande confirmation à mon amoureux dont le regard est très affiné: c'est bien lui.
Une table de 3, lui est sur la banquette, contre la vague haie végétale.
Il à un verre de bière à la main, une cigarette dans l'autre.
Il tremble.
En face de lui deux hommes qui déjeunent, qui ont l'air d'être pour lui une compagnie silencieuse.
Que de choses se passent dans ma tête à ce moment là!
Renaud, celui que j'aime et que j'admire depuis "laisse béton".
Celui que j'ai vu maintes fois en concert, avec toujours le cœur battant.
Celui dont je connais toutes les chansons, dont j'ai lu tous les éditos dans Charlie-Hebdo.
Celui dont la descente aux enfers me peine.
Cette occasion ne se représentera sans doute pas, j'y vais.
Je lui demande si je peux me permettre de le déranger, lui dit qu'il n'en a peut-être pas envie, il ne répond pas, son regard est doux.
Alors je lui dis combien je l'apprécie, combien j'aime tout ce qu'il a pu écrire, dire, chanter, combien il a compté dans ma vie.
Il opine à plusieurs reprises et me dit merci une fois.
Je lui dit que je suis émue de le voir.
Il ne dit rien, toujours rien, mais semble touché.
Peut-être est-ce ce que je veux croire...
Je pars en lui disant que j'espère pouvoir écouter de nouvelles chansons...
Mon amoureux me récupère, je pleure.
Mon amoureux me dit qu'il ne m'a pas regardée, et c'est vrai, il a toujours regardé devant.
Mais il n'a pas eu l'air importuné.
Et s'il avait été seul, je lui aurait demandé de "m'asseoir 5 minutes avec lui"... Si....
Je ne pense pas que Renaud puisse revenir sur le devant de la scène, il est abîmé, très abîmé, loin, sans doute dans une profonde dépression.
J'ai eu l'impression de voir un vieillard alors qu'il a 60 ans.
Mais je suis heureuse de l'avoir vu, de lui avoir parlé.
Renaud fait partie de ma vie.
Et hier je l'ai vu.

 Source     

 


Voici une suite, en quelque sorte.

 

 
1 DEC. 2013

[...]
Samedi on va à l'Isle sur Sorgue avec un alibi: l'exposition photos de Robert Doisneau.
Est-ce un hasard que cette expo soit dans la ville où réside son plus fervent admirateur?
Nous allons droit vers "le Bouchon" pour déjeuner.
Renaud est là, toujours à la même place.
2 personnes à sa table, avec qui il n'échange quasiment pas.
Nous choisissons une table où je le vois bien.
Je lui dis bonjour, il me répond d'un signe de tête.
Je pense que peu de personnes savent que là où ils déjeunent il y a Renaud.
Il faut dire qu'il ne ressemble plus beaucoup au Renaud qui passait à la télé.
A la table d'à côté, un couple. Monsieur se retourne vers la rue, et son regard s'arrête sur Renaud. Il dit à la dame qui l'accompagne: "on dirait Renaud, tu crois que c'est lui?".
Renaud ne mange jamais. Il fume, et devant lui toujours un grand verre qui doit représenter au moins une double ration de pastis, vu l'intensité du jaune.
J'ai la sensation qu'il se laisse partir à petit feu.
Il regarde de temps en temps autour de lui. Son regard est profondément humain, doux, toujours aussi bleu, un peu délavé.
Je lui tendrais juste une petite carte sur laquelle j'ai écrit: "Merci Mr Séchan, pour tout". Il est là incognito et le déranger me semblerait indécent.
Il repart vers 14h avec l'homme qui est assis à sa table, monte dans sa voiture.
Sa table n'est pas desservie. Elle doit lui être réservée en permanence.
Avoir vu Renaud sur scène applaudi par des milliers de fans, l'avoir vu à la télé, dans les journaux, et le voir là. Habillé sans aucune recherche, un peu comme s'il prenait au passage les vêtements qui traînent. Pas coiffé.
Renaud se moque éperdument de son image, il est loin dans sa tête.
Des questions se bousculent dans la mienne: voit-il sa fille, son fils, son petit fils. Y a t'il encore des gens qui le soutiennent?
Un jour nous apprendrons que Renaud n'est plus là.....
Le café bu nous allons vers l'exposition de Robert Doisneau.
Un film d'une heure vient de commencer.
Un film qui raconte comment Doisneau photographiait, attendant des heures à un endroit précis jusqu'à ce que quelque chose s'y passe.
Un film qui nous fait rentrer dans son univers.
Puis nous regardons les photos exposées.
La banlieue, des instantanés, des photos plus réfléchies, les petites gens en général.
Il y a beaucoup d'humanité dans les photos de Robert Doisneau.
En rentrant nous avons écouté "Rouge Gorge", la chanson que Renaud a écrite sur Doisneau, et c’était la fin d'une belle journée!

   Source

 

 NOUVEAU

13 févr. 2014
Renaud, encore et encore....
 

Hier j'ai proposé à maman de l'emmener balader, et elle m'a laissé le choix de la balade.
J'ai proposé l'Isle sur la Sorgue....
Maman connait l'admiration que je porte à Renaud et n'a pas été dupe de la raison de mon choix. Mais elle gardait de bons souvenirs de cette ville où elle s'était promenée avec Papa, et cela nous permettait d'aller ensuite voir la Fontaine de Vaucluse qui était en pleines eaux.
Arrivées vers 11h30, nous avons arpenté les rues de l'Isle, qui à cette époque est plutôt déserte.
On reconnait une ville touristique au fait qu'il y a beaucoup de boutiques "typiques de la région", en l’occurrence provençales, et fermées hors-saison.
Nous avons vu la Sorgue qui était à deux doigts de sortir de son lit.
Puis nous nous sommes dirigées vers "le Bouchon", restaurant "passage obligé".
La table où Renaud s'installe habituellement et qui n'est pas dressée d'habitude, était dressée, prête à recevoir des clients.
J'ai pensé que je ne le verrai pas.
Et puis pendant que l'on nous prenait la commande, il est arrivé avec un comparse.
Il s'est installé juste derrière nous, j'étais donc face à lui.
Lui avait le dos contre le mur afin de voir toute la terrasse.
Des cheveux tout frais lavés et coiffés et un menton bien lisse, à peine rasé.
A peine arrivé, son pastis était servi.
Un très grand verre plein au 2/3 de pastis et de glaçons, qu'il complète avec très peu d'eau.
J'ai très peu d'expérience en matière de pastis, mais je pense bien que c'était au moins un double.
Il en a bu 4 de la même taille pendant l'heure et demie où il était en face de moi.
Les cigarettes s’enchaînent sans temps mort.
Mais après chaque cigarette allumée, il remet soigneusement le paquet dans sa poche.
Deux hommes sont arrivés, l'un en tenue de chantier, qui semblait lui parler de travaux chez lui (chez Renaud).
L'autre l'a salué d'un sonore "mon ami Renaud!", qui, il y a quelques années, aurait soulevé une émeute.
Il se sont tapé dans la main comme de vieux amis.
Ils ont commandé un apéritif chacun et se sont installés en face de lui.
Ils ont commencé à parler moto, avec un magazine de moto à la main.
J’entendais parler de "Norton", "de casque au bol", à 2 ou 3 reprises Renaud a dit quelques mots, uniquement quand ils sollicitaient son avis.
Renaud est absent, ailleurs.
Un drôle de tic déforme régulièrement sa mâchoire.
Il a téléphoné quelques minutes, avec un smartphone décoré d'une coque à oreilles colorées.
J'ai pensé que cela pouvait être un cadeau de son fils.
Quand il n'y a plus eu qu'une personne à sa table, je suis allée le voir.
Je lui ai demandé l'autorisation de le saluer, et lui même m'a saluée très courtoisement.
Je lui parlé du projet de disque de reprises qui semble se préparer, et il m'a répondu: "je ne m'en occupe pas". Je lui ai dit mon souhait que ses chansons ne soient pas abîmées par d'autres et il a semblé totalement indifférent à cette remarque.
Je lui ai demandé: "comment vous allez?", et il m'a répondu: "très bien".
Cette réponse m'a fait mal puisqu'il n'a rien d'un homme qui va bien.
Et je l'ai remercié une fois de plus, comme à chaque fois que je lui ai parlé, de son oeuvre, de tout ce qu'il peut représenter pour moi et tant d'autres.
Il m'a remerciée en retour.
Et voila.
Quelques minutes après, il est reparti, toujours accompagné.
La terrasse était pleine, et, hormis les habitués qui doivent le voir régulièrement, je pense que personne ou presque ne l'a reconnu.
De temps un passant lui fait un signe de la main auquel il répond.
Qu'est-ce que cela m'apporte d'avoir envie d'aller voir si souvent un homme en pleine descente aux enfers?
Je ne sais pas, mais j'en ai envie, et même besoin.
Peut-être qu'à l'annonce de sa disparition je serais rassurée de me dire que je lui ai parlé plusieurs fois, que j'ai pu lui exprimer ce qu'il représentait pour moi et tant d'autres.
En le regardant, seul ou presque, et n'attirant quasiment plus aucun regard, je me disait que cet homme remplissait des salles immenses, ne pouvait pas se déplacer normalement tellement il était populaire et aimé.
La sublime chanson "Mistral Gagnant" est passée, parmi les autres chansons diffusées par le restaurant. Renaud n'a pas bronché une seconde.
Au point qu'il m'était difficile de croire que cette personne en face de moi, avec son verre à la main, était l'auteur de cette merveille.
Et je suis repartie, comme chaque fois, à la fois heureuse et chamboulée.
Il est dur de voir un homme se couper du monde à coups de Ricard, mais c'est son choix.
Ma journée d'hier a eu une couleur particulière.
Et la Fontaine de Vaucluse, bouillonnante et grondante, était très belle aussi.

 

 

 

Merci à Guylaine des Mots Bleus  et Marie La Belge, du Forum du HLM des Fans   pour me l'avoir fait découvrir!

Renaud