C’était ta fête… et j’aurai pu te téléphoner ! Bruno

Bruno : « C’est toi ? »
Renaud : « Ben oui, on s’connaît ? »
Bruno : « Non… Enfin, moi oui, mais toi non. »
Renaud : « C’est pas très clair ton truc là… »
Bruno : « Laisse Bêton »
Renaud : « Ahahah… Elle est bonne !!! »
Bruno : « Moi j’te connais, ch’uis fan depuis quoi… Hexagone…»
Renaud : « Ah oui, quand même…»
Bruno : « Et toi, tu ne me connais pas because you aaaaaarrreeee… »
Renaud : « Dis donc, c’est un festival…»
Bruno : « Un fan parmi tant d’autres, mais accro à mort…»
Renaud : « Ben, Merci…»
Bruno : « Merci à toi, pour tout… Ou presque…»
Renaud : « Mais, de rien…»
Bruno : « Tu me manques mon pote. »
Renaud : « C’est vrai ? »
Bruno : « Ben oui… Tu fais chier. Qu’est-ce que tu fous ? »
Renaud : « Ben, c'est-à-dire que…»
Bruno : « Oui ?»
Renaud : « Euh… Hum… Oumpf…»

Bruno : « Te fatigues pas, tu cuves toujours…»
Renaud : « Oui, je crois…»
Bruno : « Ben non, justement, tu sembles ne plus croire en rien…»
Renaud : « En personne, plus exactement…»
Bruno : « Sympa pour nous, tes fans…»
Renaud : « Mais, ça n’a rien à voir…»
Bruno : « Et tes potes, tes proches, ta famille ?»
Renaud : « Je ne sais pas, je perds pied, je me noie…»
Bruno : « Dans l’alcool…»
Renaud : « Bah oui, l’eau c’est dégueulasse…»
Bruno : « Je sais, les poissons baisent dedans…»
Renaud : « Bien vu…»
Bruno : « Tu ne t’en tireras pas par une pirouette, tu deviens quoi ?»
Renaud : « Tu ne lis pas les journaux ?»
Bruno : « Pas ceux susceptibles de parler de ça, non… Tu ne nous as pas éduqué à cela…»
Renaud : « Eduqué ? C’est pas un peu fort ?»
Bruno : « Non… Il y a les parents et l’école, bien sûr, et puis il y a ceux qui t’expliquent tout ce que ces deux là ne veulent pas te dire… Les artistes dignes de ce nom qui font ton éducation culturelle, sociale et parfois politiques, un peu comme des potes bienveillants ou des grands frères… Tu en étais…»
Renaud : « Ah oui… Je ne savais pas…»
Bruno : « Tu ne savais pas ou tu t’en foutais ?»
Renaud : « L’un et l’autre… L’un puis l’autre.»
Bruno : « Difficile à comprendre ton mal de vivre… Tu avais tout : le succès, le fric, l’amour, une fille aimée, un public fervent, la reconnaissance des critiques et des gens… Et même du talent…»
Renaud : « Je ne comprends pas non plus…»
Bruno : « Tu étais le porte-parole d’une génération, Putain…»
Renaud : « Putain de camion ? Excuses, je tentais une diversion…»
Bruno : « Tu surfais sur le succès, les modes, les années… Et Vlan… Voilà que tu te noies dans un verre de Ricard…»
Renaud : « … Ou deux…»
Bruno : « Hexagone, putain, HE XA GO NE !!! L’Hymne d’une génération… Une révolte en chanson, l’une des dernières, sans doute, doublée d’un cours d’histoire…»
Renaud : « C’était y’a si longtemps…»
Bruno : « Pas temps que ça… 36 ans à peine… 36… Le Front Popu… 36… La moitié d’une vie… 36… Pas assez pour que vienne l’oubli…»
Renaud : « 36… 51 -15…»
Bruno : « Et puis après… Manu, Chanson pour Pierrot, Les Charognards, La teigne, Miss Maggy, Putain de camion, Mistral Gagnant, La Médaille, Son Bleu… Autant de titres qui se bousculent dans nos têtes et font battre nos cœurs…»
Renaud : « Désolé…»
Bruno : « Tu veux te foutre en l’air, on a bien compris, et comme t’aimes pas les armes, alors, t’y vas petit à petit, tu veux visiblement te suicider, mais nous on t’a rien fait… Je te réécoute souvent, enfin, tes albums, mais pas les derniers… T’entendre avec ta voix de maintenant, m’est insupportable, je ne peux plus te voir non plus, ça fait trop mal. Alors j’écoute ce que tu fus, ce que tu fuis, et tes chansons n’ont pas vieilli. Tes mots avaient alors des couilles, tes notes aussi, aucun d’entre eux ne lève le coude, ne baisse la tête, ne devient vieux.»
Renaud : « Je ne sais plus qui je suis…»
Bruno : « Tu es celui que tu fus, un peu vieilli, tu es celui que l’on continue à aimer, malgré tout, malgré toi, tu as été le jour, et tu te nuis, tu es cette fleur de Paname un peu flétrie, tu es celui qui tourne le dos à la vie.»
Renaud : « Je ne sais plus…»
Bruno : « Tu n’as jamais su… Tu as toujours senti, l’air du temps, le sens du vent, l’âme des gens, et le cœur des enfants…»
Renaud : « Tout était si naturel alors…»
Bruno : « Aujourd’hui, l’enfant c’est toi, qui casse sa vie comme on casse un jouet, par dépit, par colère, par impuissance… Un jouet qu’on aime bien, notre préféré, celui qui va le plus nous manquer… Pour les faire chier eux… Va comprendre…»
Renaud : « Je…»
Bruno : « Je, je, je… Mais tu ne joues plus le je… Alors, j’aimerais te citer un ami, un poète, un philosophe, un éclaireur et un con qui avant de vivre sa vie à l’envers nous retournait le cœur…
A m'asseoir sur un banc cinq minutes avec toi, Et regarder le soleil qui s'en va, Te parler du bon temps qu'est mort et je m'en fous, Te dire que les méchants c'est pas nous, Que si moi je suis barge, ce n'est que de tes yeux, Car ils ont l'avantage d'être deux. Et entendre ton rire s'envoler aussi haut Que s'envolent les cris des oiseaux. Te raconter enfin qu'il faut aimer la vie, Et l'aimer même si le temps est assassin, Et emporte avec lui les rires des enfants, Et les mistrals gagnants, Et les mistrals gagnants…»


Le mistral souffle sur ta vie depuis trop longtemps, tu n’as même plus la force de t’accrocher aux vieilles branches que nous sommes et que tu as su faire pousser en les arrosant de ton humanité, alors quoi, le Mistral a gagné ?

C’est ça le nouveau titre de la chanson de ta vie ? Mistral Gagné ?

 

Bah tu vois poteau, aujourd’hui c’est ta fête, où que tu sois, quoi que tu fasses, saches qu’on est las de ce non toi, mais qu’on est là pour te servir de toit, le jour où tu auras décidé de continuer à vivre…

 

© Bruno Labeau

 

 Source Facebook  Renaud ou Grincheux pour les intimes

 

Renaud