J'écris pour
dire combien ma déception est grande.
Peut-être suis
je seul, ou est-on des milliers,
A croire que
le phoenix a péri dans ses cendres,
Que, de son
souvenir, on doit se contenter?
Que sa magie
des mots s'est éteinte à jamais,
Refroidie dans
les restes de l'ancien brasier.
Je garde son
empreinte un peu fossilisée,
Comme la
précieuse preuve des années traversées.
Fatiguées,
fatiguées.
Fatiguées sa
conscience et sa lucidité,
Sa saine
indignation que l'on a tant aimées
Et que le
temps qui passe a fini par brûler.
Fatiguées,
fatiguées.
Fatigué mais
poussé à pas encore se taire
Même si ses
sorties peuvent sembler minables
Et qu'il peine
à faire croire qu'il serait encore vert.
Pour donner le
change, il est de plus en plus mal.
Hélas il a
perdu son espiègle écriture
Et l'admirable
verve qu'il avait naguère.
Bien souvent
aujourd'hui, il se caricature,
Voulant
compter encore mais prouvant le contraire.
Fatigué,
fatigué.
Fatigué mais
sortant des titres alimentaires,
Bien que mal
inspiré, diminué et amer,
Cherchant sans
la trouver l'inspiration d'hier.
Fatigué,
fatigué.
Fatigué et
reclus chez lui au quotidien,
Interrogeant,
sans doute, à quoi rime la vie.
Porté à bouts
de bras par quelques uns des siens,
Qui l'aiment
plus que tout ou profitent de lui.
Ses chansons
d'autrefois, je les connais par cœur,
Ses moindres
jeux de mots, le moindre de ses vers,
Il restera
toujours une place dans mon cœur
Pour celui qui
a si bien chanté la galère.
Fatigué,
fatigué,
Fatigué de
fumer et fatigué de boire,
De noyer son
chagrin dans ses verres de Ricard,
Et de juguler
sa mysanthopie notoire.
Fatigué,
fatigué.
Celui qui
autrefois traduisait notre rage,
Chantait si
bien l'amour, la banlieue, les oiseaux,
Prenant de la
bouteille et puis prenant de l'âge,
S'est rangé
par défaut au côté du troupeau.
Dans ses
chansons, jadis, j'ai trouvé mes racines,
Les prémices
larvés de mon engagement,
De le voir
aujourd'hui m'attriste et me chagrine.
Mon enfance
s'en va, balayée par le vent.
Fatigué,
fatigué.
Fatigué de
pleurer ceux que l'on a aimé,
Surtout ne
plus rien dire mais ne rien oublier,
Des airs et
des paroles qui nous ont façonnés.
Fatigué,
fatigué.
Fatigué de
savoir combien on s'est leurré.
Fatigué de
classer tous ces beaux discours
A la rubrique
des souvenirs insensés.
Fatigué,
fatigué.