Renaud-Brassens

 Slam autour des titres

 

             J’étais un petit garçon élevé au sirop de la rue, le mégot à la bouche rêvant d’une brave Margot nue et d’un magot pour m'envoler vers les nues. La rue qui vous nourrit et embellit la merde je l’aimais moi, le mécréant des jours de messe qui sans le latin nous emmerde, fainéant mais créant pendant ce temps de jolies histoires avec le corps bandant de mon illusoire gonzesse.
            A mon grand frère revenant d’Italie où il était parti sur les conseils de la mère à Titi, revenant un calice entre les fesses tel un mauvais sujet repenti, j’ai dit : tu as étudié au Vatican eh, Dugland ? Alors je lui brisait les tympans en chantant « étudiant poil aux dents », parti abruti tu es revenu con-verti mais quand on est con, on est con alors, toi tu pries et moi je ris, je ne connais que le ptit bal du samedi soir, étudiant la meilleure façon de m’asseoir sur mon cul pour tchatcher les rupines allez, « viens chez moi, j’habite chez une copine, tu verras y aura deux gars qui la tienne et trois qui rapinent ». Oui, je brûlais mes fanges de lécher la frange et le nombril d’une femme de riche et pas celui de la femme d’un agent de police mais le frangin m’a dit : « t’es aussi sexy que mon nain de jardin alors oublie Blanche neige et contente-toi d’avoir un bon copain, une gueule d’aminche avec qui boire mais arrête la guinche sur la piste de danse où tu te déglingues, on dirait un fou t’as l’air d’un dingue. Tu n’es qu’un orphelin et les gamins comme toi, quatre-vingt-quinze fois sur cent, Cupidon s’en fout. Je t’ai bien vu avec la petite de la bande à Lucien. Ben celle-là comme les autres mignonnes habituées aux sofas doux, ces p’tites connes des orphelins comme nous, ta Doudou, elle s’en fout ». A la fin de cette phrase est apparu mon premier cheveu blanc. J’ai failli rédiger mon testament, j’avais quinze ans, j’en paraissais cent. « J’ai quinze ans, et je suis pas content, j’serai puceau dans mille ans…. »
            Pourquoi je n’aurais pas le droit d’aller à la chasse aux papillons avec Manon, passer la prendre au Crillon où elle s’ennuie, ma Mimi, au beau milieu de la nuit sur mon ptit cheval blanc l’emmener voir Ménilmontant, s’arrêter sur la butte et pour quelques billets sous un noyer me noyer dans son corsage dont vous ne saurez ici ni le goût ni l’montant ? Ouai, je suis un voyou mais je la vois déjà, une fois qu’elle aura vu le loup, dégoulinant carrément elle demandera câlinement : « c’est quand qu’on va où ?». Alors je pousserai ma monture jusqu’à la pointe de l’Hexagone, avec ma ptite femme à cent sous s’allonger sous les vagues et se marrer sadiquement en pensant au roi des cons dans sa pelure, mon frangin sous sa tonsure. Mais cette ordure m’a ramené à ce monde trop dur : «  laisse béton mon vieux Léon, la mauvaise réputation ça te collera au fion que tu le veuilles ou non. Tu vas au bal des pucelles et on te mate comme le gorille, le pédophile qui veut jouer au jeu du Père Noël et de la petite fille. Et si t’en trouves une qui t’émoustille il y aura toujours cinq cent connards pour gueuler que t’as pas de famille, qu’tu vis dans un trou comme un crevard, eh oui c’est pas du pipeau t’es né dans un chou pourri et c’est pas de pot ! Tu es né un 22 septembre sous l’orage et le vent d’une plage de Sète, sur le sable et pas dans une chambre dorée où le bonheur se reflète, accouché sous une étoile qui n’avait pas le goût de la fête.
            Alors écoute-moi mon gavroche, ce jour-là c’est un Mistral navrant qui t’a définitivement fait les poches je sais c’est moche but it is not because you are gentil qu’elles seront bien remplies, le temps ne fait rien à l’affaire et, sauf le respect que je vous dois mon cher frère, sachez que dès que le vent soufflera il vous poussera loin de vos camarades bourgeois. Ne crois pas qu’il suffit de passer le pont et d’oublier ton HLM pour qu’on t’aime, pour caresser le con brûlant d’une moins bohème, car la mauvaise réputation c’est comme un blason que tu traînes. La belle peau aime celle qui lui ressemble, un poème ne suffit pas pour qu’elle tremble. Mais tant qu’il y aura des hommes n’écoute pas ceux qui te diront marche à l’ombre car dans cet océan nous sommes comme la petite vague qui avait le mal de mer, à chaque paragraphe le vague à l’âme on le slam car nous sommes les pornographes pour qui ne souffleront jamais les trompettes de la renommée, on pète sur les stars mal nommées, nous les pochtrons traînant la vie, ses bars et ses bastons comme si chaque soir était le dernier bal, le dernier bastion alors, remets la main sur ton flingue, use ta dernière balle sur les dingues qui voudraient te voir mourir pour leurs idées, nous sommes les Pères Noël noirs de ce monde sans cadeau alors, puisque le petit chat de notre espoir est mort, hurlons le vin et le pastis, les femmes ridées et les copains d’abord !

 Source: Greg Aurius (Journaliste) Royaume des Borgnes

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