La médaille
                                                                                                                                                          

Paroles et Musique: Renaud Séchan   1994  "A la belle de mai"    

Un pigeon s'est posé
Sur l'épaule galonnée
Du Maréchal de France
Et il a décoré
La statue dressée
D'une gastrique offense
Maréchaux assassins
Sur vos bustes d'airain
Vos poitrines superbes
Vos médailles ne sont
Que fientes de pigeons
De la merde
1
Un enfant est venu
Aux pieds de la statue
Du Maréchal de France
Une envie naturelle
L'a fait pisser contre elle
Mais en toute innocence
Maréchaux assassins
Le môme mine de rien
A joliment vengé
Les enfants et les mères
Que dans vos sales guerres
Vous avez massacrés

2

Un clodo s'est couché
Une nuit juste aux pieds
Du Maréchal de France
Ivre mort au matin
Il a vomi son vin
Dans une gerbe immense
Maréchaux assassins
Vous ne méritez rien
De mieux pour vos méfaits
Que cet hommage immonde
Pour tout le sang du monde
Par vos sabres versé

3

Un couple d'amoureux
S'embrasse sous les yeux
Du Maréchal de France
Muet comme un vieux bonze
Il restera de bronze
Raide comme une lance
Maréchaux assassins
L'amour ne vous dit rien
A part bien sûr celui
De la Patrie hélas
Cette idée dégueulasse
Qu'à mon tour je conchie

4

“ Maudite soit la guerre ” 

            Ce monument extraordinaire fut construit le 29 janvier 1922, sur la proposition du maire, Jules Coustaud, adoptée par le Conseil municipal et le Comité des Anciens Combattants. 

        Il porte en frontispice les palmes de la victoire (ou de la paix ?) et l'inscription "Nos chers enfants" comme n'importe quel monument aux morts de l'époque. En dessous se lit la longue litanie des malheureux hommes qui sont morts dans cette guerre d'épouvante que fut celle de 1914-1918.  Rien que du classique, direz-vous. 

        C'est ensuite que cela se corse. Dès la conception du monument, il a été décidé de stigmatiser la guerre. Cette inscription leur paraissait une évidence. Avec 63 tués, cette petite commune avait lourdement payé la facture de la guerre. Et puis le camp militaire de la Courtine est situé à côté. C'est là que furent enfermés les soldats russes qui refusèrent de combattre après la Révolution de 1917. Y a-t-il  là des causes à effets ?  

        En effet, sous les noms des morts est inscrite l’inscription “ MAUDITE SOIT LA GUERRE ”. Cette inscription  n'est pas un ajout . Elle apparaît sur un bandeau de pierre en relief, à l'identique du bandeau qui porte l'inscription “ Nos chers enfants”

         

                                                         

            Devant le monument de Gentioux, a été ajouté une statue de bronze d'un enfant qui dresse un poing vengeur en direction de l'inscription “ Maudite soit la guerre ”. On le voit, les larmes aux yeux et la colère au cœur, brandissant le poing contre cette sale guerre qui lui a pris son père ou son frère (ou les deux). Il porte une blouse et des sabots. A la main il tient sa casquette. A l'évidence c’est un petit paysan. Il appartient à cette paysannerie encore si nombreuse au début du 20e siècle et qui fournit les gros bataillons de l'armée française et... la majorité des morts de la guerre. A lui tout seul il est le peuple.

           

            Le monument de Gentioux n’a toujours pas été inauguré officiellement (1). En effet, les autorités n’ont jamais accepté son caractère pacifiste ni la connotation symbolique du poing brandi qui est un appel à la lutte et au rassemblement des exploités. Ce monument est devenu  un symbole et un lieu de visite(2) pour tous les pacifistes.  

Renaud

(1) En 1922, malgré le refus de la Préfecture d’être présente à la cérémonie inaugurale, la population est réunie avec le Maire et le Conseil municipal.

    Dans une interview à Limousin Magazine, en novembre 1971, le Maire précise : « Jamais (...) notre monument aux morts ne suscita de discussions, de polémiques parmi les citoyens de la commune qui ne partageaient pas forcément les mêmes idées politiques. Le cri de révolte contre la guerre (...) traduit tout simplement les sentiments de gens de très modestes conditions qu’avaient indignés et meurtris quatre années de misères, de larmes et de deuils. »

(2) Gentioux à  65 km au sud de Guéret dans la Creuse