Six ans qu’il est absent

Renaud le mal de vivre

Ses amis chanteurs comme le public, tous rêvent de le voir revenir. Mais lui reste enfermé dans son spleen.

C’est bête à dire, mais la France a besoin de Renaud. Elle le réclame. De Bruel à Grand Corps Malade en passant par Doc Gynéco, on le célèbre. Depuis « Hexagone », ses chansons sont devenues des classiques, quand ce ne sont pas des hymnes. Elles font désormais partie du patrimoine national. Renaud n’est plus seulement l’ami de Titi, le pote à Manu, mais aussi l’égal de Brel. Il n’est plus simplement le voisin de palier de Gérard Lambert, mais le voisin de postérité de Léo Ferré. Hélas, aujourd’hui, Renaud ne répond plus. (1 Note de SVPat ) Il est prostré. Quelque part. Loin de Paname. A L’Isle-sur-la-Sorgue. Il avait espéré que l’enfance allait durer plus longtemps que l’enfance : mais non. Il voulait changer le monde, et le monde n’a fait que vieillir. L’homme que le pays regrette et tente à toute force de rappeler sur scène ou sur disque n’est ni Bonaparte, ni de Gaulle, ni Sarkozy mais un freluquet à santiags, un titi à Perfecto, un loulou mitterrandien.

Si nous sommes Charlie depuis cinq mois, nous sommes Renaud depuis trente ans. Ce pâlichon poulbot, bâti comme un moineau, ce poids plume à foulard ravacholien est devenu notre conscience nationale. Un Marianne mâle. Un Marianne mec, comme il dirait. Oui : pour se lire elle-même, se déchiffrer, se comprendre, se situer, la France avoue, dans une manière de « coming out» unanime, avoir toujours besoin de celui qui, mieux qu’aucun autre, sait la dénoncer sans jamais la trahir, la dézinguer sans jamais l’agonir. Si les Français ne font pas le deuil de ce pamphlétaire au cœur gros comme ça, aujourd’hui détruit par les chagrins d’amour à répétition, c’est parce qu’il était le seul à les chanter sans fioritures, d’homme à homme. L’air de rien, au zinc, il les éclaire, pose son intelligence sur leur bêtise, leur chauvinisme ou leur rudesse. Le coup de génie de Renaud est pourtant celui-là : prendre de la hauteur depuis les bas-fonds. Ou plutôt : se servir des bas-fonds pour prendre de la hauteur.

Le 20 mai 2015  Paris Match n°3444

 

1)Note de SVPat , webmaster du Site:  Il semblerait que Renaud , fidèle à ses habitudes, ne réponde plus aux "Journaleux people"  mais il sait aussi donner de ses nouvelles .

 Le jour même de la parution de ce Paris-Mach, il fait savoir par l'intermédiaire de Facebook, qu'il se remet à écrire et annonce:  ET DE DEUX !

 

Renaud

Merci à Greenpuce pour les scans...  ... elle sait que je suis un peu myope !