RENAUD AU RHENUS  - STRASBOURG,
Assagi, mais révolté toujours
Dans un Rhénus comble, Renaud est revenu ce mardi soir (10 avril) à Strasbourg, de sa voix éraillée, sur plus de trente ans de militantisme musical. Et laissa entrevoir le scénario de son possible retrait de la scène.
Grâce à un habile jeu de lumières, l'immense décor - une reconstitution des toits de Paris - permet une scénographie particulièrement réussie. Clin d'oeil volontaire au dernier concert des Beatles donné sur le toit de leur maison de disques en 1969 à Londres, l'actuelle tournée, pour l'album Rouge Sang, risque fort, à en croire l'ex-loubard parisien, d'être également celle de ses adieux à la scène.
Le désormais néo-Londonien, mais qui « paye toujours ses impôts en France », semble tout dévoué à sa (nouvelle) vie de famille, comme en témoignent les titres dédiés à ses enfants : Malone en ouverture, ou encore Lolita et En Cloque. Et Renaud lui-même met en scène ce nouveau départ : sauvé de la dépression, comme l'on sait, par sa nouvelle muse, la chanteuse Romane Serda (Ma Blonde), il rompt avec la gémellité antagoniste représentée par son alter ego alcoolo Mister Renard, qui n'est plus qu'un mauvais souvenir, tout comme avec ses démons nicotinés (Arrêter la clope !). L'homme est neuf, et revigoré !
Mais ce Renaud revitalisé pratique hélas trop souvent le rubato, accélérant brusquement la mélodie pour se rattraper plus lentement en fin de morceau, quand il n'en oublie pas un couplet (Mon amoureux) ou ne gâche pas ses meilleurs titres (Laisse béton) - les musiciens n'ont qu'à suivre.
Reste que ni sa nouvelle paternité ni son expatriation ne lui font perdre de vue qu'il est avant tout « un humain », et que face au patriotisme français aujourd'hui exacerbé « y'a des cailloux qui se perdent » (Marchand de Cailloux, La Médaille). Défendant des causes justes avec une voix qui l'est nettement moins, il vient Dans la jungle rappeler le sort de l'otage Ingrid Bétancourt, ex-candidate présidentielle en Colombie, enlevée par la guérilla des FARC en 2002, et avec Leonard's song soutenir le militant amérindien Leonard Peltier, qui détient le triste record du plus vieux prisonnier politique américain. Agrippé aux mollets de l'injustice, Renaud, malgré sa préretraite annoncée, n'est pas prêt de lâcher prise.

Vincent Lavigne


Les Dernières Nouvelles d'Alsace - 12/04/2007 - Page imprimée depuis l'adresse: http://www.dna. fr/local/culois/20070412_ DNA002254.html

Renaud