Après Renaud chante Brassens,                         

                       Renaud chante l'OM    

Hasta la Victoria peuchère !          Plus;   Chronique de Guy Carlier          

           Provencal du 24 avril 1996

Finalement vous aviez raison, le foot, ça rend con. Pour vous expliquer comment j'en suis arrivé à cette évidence, il me faut vous raconter un peu tout début le début. Vous n'êtes pas sans ignorer que je passe la plus grande partie de mes vacances à L'Isle-sur-la-Sorgue, une charmante petite ville du Vaucluse située à soixante-dix bornes de Marseille. Il y a environ six ans un voisin m'a proposé de m'emmener au Stade Vélodrome assister à un match de l'OM. J'aime bien le foot (je vous en veux même pas de ne pas l'aimer) et, au début des années 1980, je m'étais déjà fourvoyé dans un stade, en l'occurrence au Parc des Princes, pour soutenir Saint-Étienne puis Lens face au PSG. Puis le drame du Heysel et le hooliganisme en général m'avaient définitivement écœuré de la fréquentation de ces lieux où quarante mille têtes semblent se partager un seul cerveau atteint d'encéphalopathie spongiforme. Mais, ce jour-là, sensible aux arguments de mon Marseillais de voisin quant à l'ambiance bon enfant qui, selon lui, animait les tribunes du Stade Vélodrome, je l'accompagnai. Dans les quarts de virage, au milieu du petit peuple de Marseille, j'avoue que je fus conquis. Lorsqu'un de mes voisins de gradins cria à l'arbitre "Salaud!" une dizaine de supporters se tournèrent vers lui avec des "Ohhh!" indignés. "Soyez poli quand même, pas la peine de l'insulter!" déclara un vieux à l'intrépide. "Eh ça va ? Tout à l'heure vous le traitiez d'enculé!" Le vieux répondit alors avec l'accent du Vieux Port :"Ah mais, c'est pas pareil, enculé c'est pas une insulte, c'est son prénom!"

Je retournai alors régulièrement au Stade et je rigolais bien. Marseille brilla pendant plusieurs saisons, affronta les plus grands clubs d'Europe et remporta la Coupe au grand désespoir des Parisiens qui courent encore après. Pour une fois, c'était le Sud, Marseille la pauvre, la Méditerranéenne, la cosmopolite (la magnifique), qui faisait la nique à la capitale bourgeoise et arrogante. Seule ombre au tableau de ma satisfaction, Bernard Tapie, que, décidément, malgré le prestige dont il bénéficiait à Marseille, je ne pouvais pas encadrer, trop attaché que je suis à la morale et l'honnêteté. Les magouilles d'icelui amenant l'OM au purgatoire de la D2, le show-biz, les médias, les chroniqueurs sportifs, tels des rats quittant le navire en détresse, commençant à baver sur cette Marseille qu'ils avaient adulée quelque temps auparavant, mon intérêt se transforma en acharnement. Je pris ma carte d'abonné du virage sud et m'intégrai chez les Winners, le club de supporters où mes potes Rachid, Moïse et Christian affichent des drapeaux du Che, des banderoles "Stop Nazis!" et des drapeaux israéliens, comme un défi aux nazillons du Kop de Boulogne du PSG. 

                                                                                       

Depuis quelques mois une jeune journaliste de "Télé-foot", Marianne Mako, ayant eu vent de ma présence régulière chez les Winners, souhaitait m'arracher quelques mots d'interview. La semaine dernière, à l'occasion d'un match contre Auxerre, je finis par céder à son insistance et lui proposai de la rencontrer trois minutes dans un bistrot près du stade. Comme je suis trop gentil ou trop con, j'acceptai qu'elle et sa petite équipe, caméra et son, me suive pour filmer mes réactions durant tout le match. Arrivés au virage sud, au milieu de mes potes, elle se fit bien un peu chambrer, cinq mille voix entonnant sur l'air des lampions "Marianne Mako est à genoux devant nous et elle nous suce le bout!" Mais elle ne s'offusqua point de ce fantasme collectif si ouvertement avoué. Mieux, elle sympathisa avec les plus acharnés et trouva l'ambiance extraordinaire, chaleureuse et sympathique. Après la défaite (imméritée...), alors que nous quittions le stade et que je lui vantai la fraternité qui régnait dans ces tribunes, que je lui expliquais qu'ici il n'y avait ni racisme ni violence, que je n'avais jamais assisté au moindre baston, elle eut la mauvaise idée de me proposer encore trois mots d'interview, juste pour que j'exprime ma déception après cette victoire des Auxerrois. Des milliers de personnes qui, dans notre dos, quittaient le stade légèrement dépités, une centaine de braillards hystériques attirés par le projo de la caméra se détachèrent alors pour venir nous entourer, d'abord en chantant leur amour pour l'OM puis leur haine pour la rivale de toujours, Paris-Saint-Germain. Jusque-là ce fut bon enfant... Jusqu'à ce qu'un plus excité commence à insulter la journaliste parce que TF1 = Paris, parce que Paris = PSG, même si je suis la preuve vivante que pas forcément. En quelques secondes la foule devint furieuse, le cameraman reçut un bourre-pif, le preneur de son un caillou, Marianne Mako se fit cracher au visage par dix bons enfants et les trois se firent traiter de quelques noms d'oiseaux même pas dans le dictionnaire. Avant qu'ils ne se fassent véritablement lyncher par cette meute hystérique, nous avons tous promptement entamé un repli stratégique vers une autre sortie.

Finalement vous aviez tort. C'est pas le foot qui rend con, c'est la foule.

Merci au HLM des Fans

 

 

 

 

Entre 12.39 et 14.59 le fameux reportage  de la vidéo  réalisée par Marianne Mako qui participait à Télé Foot.
Effectivement, Renaud raconte dans la chronique ci dessus comment on crachait sur M.M. à la fin du match parce qu'elle était "parisienne".

 

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Aussi parallèlement ", Guy Carlier, célèbre chroniqueur a sorti un livre en 2001 aux éditions "Hors Collection" et France Inter s'appelant "Splendeurs et misères du petit écran". Dans ce livre, on lit la chronique suivante pas très gentille pour Renaud !


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<Hier, j'ai regardé Téléfoot et j'y ai vu le chanteur Renaud, déguisé en supporter de l'OM, nous expliquer combien il se sent heureux de faire partie du "Kop des winners" du Stade-Vélodrome. Puis on nous l'a montre -avec blouson, écharpe et grosse caisse, éructant quelque Kronenbourg- hurler sa haine pour un penalty refusé, criant "Oh hisse enculé!" à chaque dégagement du gardien de but adverse... Et même chantant dans la sono des chants de haine... Dieu merci, il s'est empressé de nous rassurer en disant : "C'est pas d'la vraie haine, c'est d'la haine pour rire!" Ah, la vache, au Heysel, qu'est-ce qu'ils ont dû se marrer !
Dis-moi, Renaud, quand tu chantais dans "Madame Thatcher" : "Femme je t'aime car tu ne seras jamais supporter", c'était de la vraie démagogie ou de la démagogie pour rire ?>> 
Sur Renaud. avril 1996

 

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    J'ai raté Télé-Foot     J'ai raté Télé-Foot     J'ai raté Télé-Foot

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Ca f'sait douze bières que j'menfilais
Faut dire qu'on était samedi soir
J'étais tranquillement écroulé
D'vant la télé sur mon plumard
Y'avait Jean Pierre El Kavada
Qui m'racontait l'Afghanistan
Et la Pologne et le Liban
Le Salvador y connaît pas
L'information pour ces mecs-là
C'est d'effrayer l'prolo l'bourgeois
A coups d'chars russes d'Ayatollah
" Demain faites gaffe y va faire froid "
Et à part ça " eh bien ça va
S'y s'passe quelque chose on vous l'dira "
 
V'là ma gonzesse qu'entre dans ma piaule
Qui m'dit qu'est-c'tu fais planté là
T'en as pas marre de ces mariole
T'en a pas marre d'leurs tronches de rats
L'lui réponds j'en ai rien à foutre
Mais j'veux pas rater télé-foot
 
Cette soirée s'annonçait super
J'me suis enfilé une bibine
Pour l'numéro un Mick Jagger
Avec Dylan et Bruce Springsteen
J'avais pas bien lu manque de bol
C'est l'numéro un Bécassine
Avec une turlutte à Guignol
Une main au cul à Colombine
Si ça fait marrer vos lardons
Moi ça m'a carrément gonflée
S'en est fallu d'peu nom de nom
Qu'j'balance ma bière dans la télé
Mais vaut mieux rire de ces crevure
Que d'gaspiller d'la nourriture
 
V'là ma gonzesse qu'entre dans ma piaule
Qui m'dit qu'est-c'tu fais planté là
T'en as pas marre de ces mariole
T'en a pas marre d'leurs tronches de rats
L'lui réponds j'en ai rien à foutre
Mais j'veux pas rater télé-foot
 
Après j'me suis r'gardé Dallas
Ce feuilleton pourri dégueulasse
Ca fait frémir le populo
De voir tous ces enfants d'salauds
Faire l'apologie du pognon
De l'ordurerie et de la crasse
Y nous prennent vraiment pour des cons
 
Eh maint'nant qu'on est socialistes
Fini les feuilletons américains
On veut des feuilletons soviétiques
Et même des belges y'en a des biens
Y'en a un c'est l'histoire d'une frite
Qu'est amoureuse d'un communiste
 
V'là ma gonzesse qu'entre dans ma piaule
Qui m'dit qu'est-c'tu fais planté là
T'en as pas marre de ces mariole
T'en a pas marre d'leurs tronches de rats
L'lui réponds j'en ai rien à foutre
Mais j'veux pas rater télé-foot
 
Alors elle m'dit au lieu d't'aliener
Avec cette télé à la con
T'entends pas qu'ta gosse c'est réveillée
Va lui faire chauffer son biberon
Pi si c'est pas trop te d'mander
Faudra qu'tu change la caisse du chat
Grouille-toi sinon tu vas rater
Pierre Cangioni et Stopyra
En arrivant dans la cuisine
J'me suis dit tiens un p'ti Ricard
Mais après mes quatorzes bibines
J'étais un p'tit peu dans l'coltard
J'ai bu un grand verre de Blédine
J'me suis vautré dans la caisse du chat
Et dans le biberon de ma gamine
J'ai mis d'la sciure et du Pastaga
 
La moralité d'cette chanson
Elle est super ah ouais je veux
C'est qu'la télé c'est très dangereux
Et le football aussi un peu...

(Renaud Séchan )

Renaud