«Écrire, c'est une forme de thérapie» 

Extrait de l'Express

Le titre Docteur Renaud, Mister Renard arbitre l'affrontement entre «Renaud les idéaux» et «Renard les idées noires». D'où vient cette schizophrénie?

Une dépression sournoise m'est tombée sur le coin de la gueule à 45 ans. C'était un mélange de mal de vivre, de paranoïa, d'hypocondrie, de stress, de fuite du temps, de mélancolie, de désillusion. La séparation conjugale qui a suivi n'a fait qu'aggraver les choses. Je n'ai pas choisi les meilleurs remèdes - antidépresseurs, pastis... - mais j'ai agi sans dandysme, sans rock'n'roll attitude. J'étais juste pitoyable.

La pochette de votre disque, dessinée par Titouan Lamazou, vous cadre dans un bar. Le bistrot est d'ailleurs le point cardinal de vos chansons...

Depuis cinq ans, je vis entre les quatre murs de ce bar, à cette place-ci. C'est ma première maison, mon bureau, mon salon, mon abreuvoir et même mon assommoir, pour être précis... C'est là que mes potes et mes proches ont assisté avec inquiétude à ma déchéance.

«Je me demande si je n'ai pas chanté dans le vide» Desproges, Fallet, Brassens, Coluche... sont au cœur de Mon bistrot préféré, un texte dédié aux copains montés au ciel.

C'est tombé dru ces derniers temps. J'ai cité la liste des gens que j'ai aimés, qui ont été mes amis et ceux que je n'ai pas connus mais qui ont contribué à mon éducation, à ma culture. Avec le regret, après coup, de n'avoir pu rajouter les noms de Mouloudji, Caussimon et Gosciny, de Piaf, Fréhel, Barbara, Duras. La perte de ces chers disparus a contribué à ma dépression.

Comment vous en êtes-vous sorti?

J'ai fait une longue tournée de 200 concerts il y a deux ans, sans aucune promotion. Mon mal-être était palpable: j'avais 10 kilos de trop, mes cordes vocales étaient altérées par le tabac et l'alcool, et pourtant, au final, 250 000 personnes m'ont dit qu'elles m'aimaient, moi qui m'aimais si peu. Ça a été une bouée. Puis j'ai replongé de plus belle. J'ai eu mon plus grand choc aux Victoires de la musique, l'an passé, lorsqu'on m'a offert une victoire d'honneur que j'ai prise pour «posthume», à l'occasion de mes vingt-cinq ans de carrière.

Et alors?

J'ai croisé sur l'écran de contrôle mon visage bouffi, traqueur, triste et malheureux comme un chien perdu dans cette assemblée où je ne me suis jamais senti à l'aise. Peu à peu, après plusieurs cures de désintoxication, l'écriture et l'activité en studio m'ont aidé à tourner la page. Écrire, c'est une forme de thérapie.

 Source:L'Express du 30/05/2002 

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