L'ABSTINENCE

           AU FIL DU TEMPS

On ne peut pas laisser croire à une personne qui s'engage dans le processus de désalcoolisation qu'elle sera à même de reprendre dans les années à venir une consommation " raisonnable".

 

Il n'est pas possible d'évoquer l'abstinence sans aborder la maladie et l'addiction qui nous obligent, nous contraignent à cette position extrémiste. 

Seule l'abstinence totale et sans faille permet d'endiguer la maladie alcoolique et nous ne connaissons aucune autre alternative viable. Une fois le déni évacué et le sevrage physique réussi il reste un long chemin à parcourir avec l'aide du personnel médical et des associations.

 

1- L'ABSTINENCE EST UN BUT : LE MALADE ENTRE EN RESISTANCE

 

La première étape n'est pas la plus simple, lorsqu'il s'agit de revenir dans le quotidien tant l'alcool reste omniprésent dans la vie de tous les jours.

Les sollicitations sont nombreuses, les tentations constantes, les envies tenaces et vivaces...

L'abstinence est alors une obligation, un objectif, un but impératif et il s'agit de le tenir à court terme. 

On compte d'abord en heures, puis en journées, avant les semaines, les mois, les semestres et pour finir les années.

Pour moi cette étape a duré environ deux ans alors que j'étais sorti de cure gonflé à bloc, mais cette énergie s'étiole petit à petit. 

Le stock d'optimisme se dégonfle comme un ballon de baudruche et se réduit à peau de chagrin au bout de six mois. 

On s'habitue au bien être et aux avantages procurés par l'abstinence et on doit se colleter au présent avec les ardoises du passé qui remontent à la surface car personne n'efface le passé du malade alcoolique et il faut assumer les factures tant financières que morales. Pas si simple...

Le cerveau réclame l'alcool à cor et à cri pour apaiser les tensions et parce que c'est le seul moyen de défense ou d'évasion qu'on utilisait jusque là. 

C'est l'époque où les associations ont un rôle essentiel pour maintenir et renforcer le malade dans sa volonté de résister vaille que vaille. Chacun y va de son petit conseil, de sa réflexion amicale visant à la revalorisation du parcours et donc du malade. La vie des permanences jalonne celle du convalescent qui attend avec impatience la prochaine rencontre et s'oblige à tenir jusque là, par respect pour le groupe. En plus il y a aussi ces listes de téléphone et ces personnes que tu peux appeler si tu vas trop mal pour leur parler, vider ton sac, sans jamais être jugé et recevoir toujours du soutien en retour. Cette chaîne d'amitié reste un atout majeur et n'a pas de prix ; c'est la force du groupe et son expérience au service de l'individu. En parallèle il est possible de consulter un addictologue ou un psy si nécessaire.

 

2- LE BUT SE TRANSFORME EN ITINÉRAIRE : LE MALADE ENTRE EN RESILIENCE

 

Avec le temps, les envies s'estompent, les sollicitations se font moins pressantes pour peu que l'on revendique son statut de malade alcoolique et petit à petit on s'aperçoit que l’abstinence n'est plus un but ni un objectif mais un moyen, un itinéraire pour aller plus loin, pour se réaliser davantage. 

Riche de nos deux années de combat, on se sait capable de résister, on se sent moins fragile, plus confiant et non sans raison. La timidité s'estompe, les doutes s'effacent d'eux-mêmes, l'estime de soi et l'amour propre regagnent du terrain si bien que même les échecs ou les déceptions ne nous terrassent plus.

Nous avons appris à rebondir et tirons une force incroyable de cette victoire face à l'alcool, sans pour autant fanfaronner. En effet nous savons rester humble et nous remettre en question de façon permanente car nous restons buveurs guéris en rémission. Nous avons tous en mémoire des cas de rechute de malades après des années d'abstinence. Nous avons tous ce monstre tentaculaire dans nos entrailles, cette pieuvre qui ne demande qu'à sortir des profondeurs à la première goutte d'alcool pour nous posséder à nouveau. Mais nous avons aussi le souvenir de tous les ennuis générés par notre alcoolisme. On se visualise la balance de Roberval avec les deux plateaux : d'un côté les bienfaits de l'alcool, de l'autre les méfaits tellement plus lourds et nombreux que même la balance en sursaute. Le choix est vite fait et la tentation repoussée : le fléau de la balance contre le fléau alcool...

 

3-LES CLÉS POUR VIVRE UNE ABSTINENCE HEUREUSE :

 

Tant que l'abstinence est un but, il faut rester égoïste et centré sur soi.

Attendre de terminer sa phase de reconstruction avant de vouloir s'occuper des autres.

Eviter de remplacer une addiction par une autre (hyperactivité, etc..).

Solliciter l'aide des associations et du corps médical.

Ne jamais oublier car l'oubli est le premier pas vers la rechute.

Assumer et revendiquer le fait d'être malade alcoolique.

Etre fier de soi et de son parcours. Gagner de l'amour-propre.

Apprendre à gérer et maîtriser ses émotions (attention les émotions positives sont tout aussi dangereuses que les négatives).

S'ouvrir sur la vie et sur les autres

 

La Mouche.

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