Est-on alcoolique à vie ?

Poser cette question  laisse entendre en filigrane qu'on voudrait bien que ce ne soit pas le cas.

 

Une personne qui a un usage nocif de l'alcool, qui s'alcoolise trop, ou trop fréquemment, est capable de diminuer sa consommation d'alcool si elle n'est pas alcoolique au sens strict, c'est-à-dire si elle n'est pas alcoolo-dépendante.
 

Mais si elle l’est devenue, elle n'a pas, ou elle n'a plus, la capacité de maîtriser sa consommation d'alcool. Elle ne peut désormais ni la diminuer durablement, ni l'arrêter. Malgré les dégâts causés. Malgré la connaissance des conséquences néfastes.

 

 

Je ne connais pas, et les associations d'entraide non plus, de cas d'alcoolo-dépendants confirmés qui puissent reboire impunément. Dans les zones cérébrales impliquées, dans le fonctionnement des neurotransmetteurs, il s'est produit des modifications définitives. Si on remet de l'alcool dans le circuit, les mécanismes acquis sont réactivés instantanément, comme jadis.

Autrement dit : alcoolique un jour, alcoolique toujours sachant qu'à l'instars d'une femme qui ne peut être " un peu " enceinte, il n' a pas des "un peu" alcooliques !

Il n'y a donc pas d’ "anciens" ou "ex-alcooliques", il y a des alcooliques qui boivent, et des alcooliques rétablis qui ne boivent pas du tout d'alcool. Des alcooliques abstinents. Qui sont toujours des alcooliques, mais sans présenter aucun des symptômes de l'alcoolique "en activité".

Le temps d'abstinence ne fait rien à l'affaire : si un alcoolique reboit un verre, après deux ans, dix ans, vingt ans, s’il oublie qu’il est alcoolique, il rechute. C'est à dire qu'immédiatement, ou après un court laps de temps, il va se remettre à boire comme avant, à nouveau sans pouvoir s'arrêter.

   La rechute peut être plus ou moins grave (elle peut être mortelle), plus ou moins longue, mais il y a rechute, et en aucun cas une simple re-consommation, ni une nouvelle virginité. L'alcoolisme demeure quelque part une déficience honteuse. C'est un mot précis mais qui reste aussi une injure. Pour passer l'éponge, effacer le passé, il faudrait que le comportement redevienne socialement normal, que l'alcoolique, maintenant assagi, puisse boire "comme tout le monde". Sinon la réintégration dans le troupeau n'est pas complète, la stigmatisation demeure.

Ce que les gens ne voient pas d'emblée, ni les abstinents de fraîche date, ni le reste de la société, c'est qu'être alcoolique à vie est plus proche de la bénédiction que de la calamité. L'alcoolique qui durablement ne boit pas d'alcool, peut se rétablir dans tous les autres aspects de son existence et, souvent, avoir une vie meilleure que dans la partie alcoolisée. L'abstinence est le passage obligé qui lui permet de reconquérir qualité de vie, liberté, bien-être.
Mais, pour l'instant, l'image déplorable de l'abstinence occulte encore souvent cette perspective.

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