Lettre aux sceptiques
Par arlequin, le 13 octobre 2006
 Trouvé sur le forum des Etats généraux de l'alcool.
 

                                                                           

                 Ami(e) sceptique,

Je suis un ancien sceptique.
La première fois où j'ai rencontré des alcooliques abstinents, j'ai eu l'impression de voir une bande de fous.
Ils étaient tous heureux alors qu'ils avaient abandonné ce qui comptait le plus: l'alcool.
Heureux dans leurs privations, ils étaient également calmes. Ils recevaient avec beaucoup de compréhension et compassion, mes attaques à leurs égards.
Toutefois et malgré leur folie, j'y retournai chaque semaine.
A cette sombre époque aussi étrange que cela puisse être, c'était le seul endroit où des gens étaient heureux de me voir.
J'étais plutôt personna non grata partout ailleurs. J'avais perdu depuis de longs jours toute dignité. Seule cette petite étincelle dans une petite salle d' un hôpital brillait encore. Elle allait se révéler capitale dans mon parcours.

C'est lors de mon sevrage que mon scepticisme allait recevoir une première attaque, elle se révélerait cruciale.
Nous fûmes conviés à une réunion où on nous expliqua la maladie alcoolique et son processus biologique. Je compris que:
- mes neurones avaient changé, des membranes avaient durcies...
- Et surtout que ce malencontreux processus était irréversible.
Cette mutation était la cause de tous mes tracas.
Dés lors, je compris que j'étais un Mutant.
Les dieux m'avaient retiré définitivement le pouvoir de boire sans conséquences graves. Ils ne me le rendraient pas.
Toutefois, je compris par la suite qu'il ne fallait pas crier au loup. Ils me conféraient également dans leur grande bonté d'autres pouvoirs.

Ils m' offraient l'occasion de retrouver la santé physique et morale.
C'était déjà bien. Mais pour un Mutant, ils accordaient bien plus encore.

Je reçus des pouvoirs que tous les abstinents reçoivent:
-la double vue
-un autre sens

Pour l' illustrer, je vous donne un exemple, la double vue permet ceci:

-Quand tous lisent sur une bouteille ou une pub "l'abus d'alcool est dangereux pour la santé-consommer avec modération" nous lisons "l'abus d'alcool a niqué ta santé-ne pas consommer même avec modération"
-Quand tous lisent "un verre ça va, trois verres bonjour les dégâts" nous lisons "zéro verre ça va, un verre c'est reparti les dégâts"

L'autre sens est notre capacité à nous reconnaître, à parler la même langue sans jamais nous être rencontrés auparavant, un même alphabet au quatre coins du monde.
Nous ne pouvons être trompé par une personne dans le déni. Nous sentons toutes traces d'alcool dans les visages,paroles,postures et gestes.

Parallèlement à ces pouvoirs généraux, chacun d'entre nous a reçu des pouvoirs particuliers liés à sa nature.

Moi,Arlequin,j'ai reçu des Dieux le pouvoir de colorier les mots. Ici,tous ont des pouvoirs particuliers qu'ils ont développé à l'arrêt de l'alcool.

Juste un petit bémol , après la lecture de ces phrases, Ami sceptique, ne va pas crier sur tous les toits que tu es un Mutant car je crains que tu te retrouves ailleurs que chez les alcooliques.
Ne te confectionne pas non plus un habit en arpentant tous les bars pour répandre la bonne parole de l'abstinence.
Essaye de passer par n'importe quel chemin, mais d'abord par toi même pour trouver ton Abstinence.
Mets en balance le pouvoir que tu perds avec les pouvoirs que tu gagnes,puis choisis.
 

Je terminerai par une phrase de Derrida qui s'applique à tous, je te l'offre,Ami(e) sceptique:

"Prenez votre temps,mais dépêchez-vous de le faire, car vous ne savez pas ce qui vous attend".

Toutefois, le scepticisme que je peux t'enlever avec un grand plaisir est celui ci:
Si tu te demandes où je vais chercher ce que j'écris, je te réponds au même endroit que les ignominies que je sortais quand je buvais,dans mes neurones.
La différence est que je n'arrose plus mes fleurs cérébrales avec du désherbant.

Bien à Vous,

 

Ce texte , je l' ai écris pour fêter ma première année d' Abstinence, en 2005.


 Impossible de contacter " Arlequin" . S'il se reconnaît, qu'il me maille

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