Alcoolémie -et toxicomanie- : 

Dépistage sur le lieu de travail.

La jurisprudence et les textes de loi encadrent strictement les moyens auxquels Le chef d'entreprise peut recourir pour contrôler l'état d'ébriété d'un salarié ou sa toxicomanie. En ce qui concerne l'alcoolisme, c'est par le biais du règlement intérieur que le chef d'entreprise délimite le cadre de la consommation d'alcool et qu'il précise les conditions d'un éventuel contrôle de l'alcoolémie. Certains postes de travail comportant de grandes exigences en matière de sécurité et de maîtrise du comportement peuvent justifier un dépistage de la toxicomanie

Les interdictions

En matière de consommation d'alcool, le code du travail établit un certain nombre d'obligations ou d'interdictions en ce qui concerne l'entrée de boissons alcoolisées dans l'entreprise. Ainsi l'article L. 232- 2 du code du travail interdit à toute personne ayant autorité sur les salariés de laisser introduire des boissons alcoolisées sur les lieux de travail. Il stipule également que l'employeur doit interdire l'entrée ou le séjour de salariés en état d'ivresse dans l'établissement.
Ce principe d'interdiction peut se trouver à l'origine de problèmes d'ordre juridique et déontologique notamment au regard des atteintes aux libertés individuelles que peut comporter son application. En effet le chef d'entreprise, pour respecter l'interdiction de séjour de salariés en état d'ébriété dans son établissement, doit s'assurer que les salariés qu'il a sous sa direction ne sont pas ivres. Il peut donc vouloir mettre en place des dispositifs lui permettant de contrôler cet état.
La jurisprudence et les textes encadrent strictement les moyens auxquels le chef d'entreprise peut recourir pour contrôler l'état d'ébriété d'un salarié ou sa toxicomanie.

Les conditions de recours au dépistage

En ce qui concerne l'alcoolisme, c'est par le biais de son pouvoir de direction et en particulier par le règlement intérieur, que le chef d'entreprise délimite le cadre de la consommation d'alcool en l'interdisant. C'est par ce biais qu'il peut également être amené à préciser les conditions d'un contrôle de l'état d'ébriété des salariés et notamment l'utilisation d'alcootests. À ce sujet, la circulaire du 15 mars 1983 précise que la clause d'un règlement intérieur qui prévoirait le recours à l'alcootest peut être considérée comme portant atteinte aux droits des personnes et libertés individuelles. Or, le principe en la matière édicté par l'article L. 122-35 du code du travail est le suivant : le règlement intérieur ne peut contenir des restrictions aux libertés individuelles que si elles sont justifiées par la nature de la tâche à accomplir et proportionnées au but recherché.
La position de l'Administration à ce sujet consiste à dire que le recours à l'alcootest ne peut être systématique. La circulaire réserve la possibilité d'un recours à un alcootest dans les cas où il s'agit de vérifier le taux d'alcoolémie d'un salarié qui manipule des produits dangereux ou est occupé à une machine dangereuse, ou encore conduit des véhicules automobiles, notamment s'il transporte des personnes.
La jurisprudence a également une position restrictive en ce qui concerne le contrôle de l'état d'ébriété. Dans l'arrêt Corona du 1er février 1980, le Conseil d'État a relevé que l'utilisation de dispositifs de contrôle de l'alcoolémie constituait une atteinte aux droits de la personne qui ne peut être justifiée qu'en ce qui concerne les salariés occupés à l'exécution de certains travaux dangereux ou à la conduite de certaines machines. Il s'agit des cas où les salariés sont employés à des postes de sécurité (il n'existe pas de définition légale du poste de sécurité. Il est d'usage de considérer qu'il s'agit d'un poste susceptible d'être dangereux pour celui qui l'occupe mais également pour les autres salariés). L'alcootest ne peut donc s'adresser à l'ensemble des salariés.
Dans l'arrêt RNUR du 9 octobre 1987, le Conseil d'État a jugé également que le recours à l'alcootest ne pouvait avoir pour objet que de prévenir ou de faire cesser immédiatement une situation dangereuse et non de permettre à l'employeur de faire constater par ce moyen une éventuelle faute disciplinaire. Le dépistage de la toxicomanie des salariés obéit aux mêmes principes. Les restrictions aux droits et libertés du salarié ne peuvent s'envisager que sous l'angle de la sécurité.
Une note adoptée par le Conseil supérieur de la prévention des risques professionnels fait le point sur les questions d'ordre éthique et juridique posées par le dépistage de la toxicomanie en entreprise. Cette note publiée dans une circulaire n° 90/13 du 9 juillet 1990 précise que rien ne justifie la mise en place systématique d'un dépistage. C'est au médecin du travail dans le cadre de la détermination de l'aptitude médicale au poste de travail qu'il appartient de décider d'avoir recours à des examens complémentaires, et par exemple à un dépistage. Le chef d'entreprise n'est pas amené à pratiquer lui même le test de dépistage et il ne peut juridiquement imposer au médecin du travail le recours à un test de dépistage pour constater l'aptitude d'un salarié. Le médecin du travail jouit en effet d'une indépendance professionnelle.
Pour déterminer dans quels cas un dépistage de la toxicomanie peut s'avérer nécessaire lors de l'appréciation de l'aptitude, la circulaire précise que le médecin peut s'aider des principes qui ont été établis en la matière par le comité consultatif national d'éthique pour les sciences de la vie et de la santé. Dans un avis du 16 octobre 1989, ce comité indique que certains postes de travail comportant de grandes exigences en matière de sécurité et de maîtrise du comportement peuvent justifier un dépistage. Il s'agit de postes pour lesquels l'usage de drogues peut créer des risques soit pour le salarié, soit pour des tiers ou d'autres salariés de l'entreprise. Il n'existe cependant pas de liste préétablie d'activités ou d'emplois entraînant la mise en oeuvre d'un dépistage systématique.

Modalités de dépistage et garanties

Dans les cas où il est justifié par des considérations de sécurité, le recours à l'alcootest ou au dépistage de la toxicomanie doit être réalisé dans certaines conditions et entouré de garanties. Le dépistage de la toxicomanie est un test biologique pratiqué par un médecin ou un biologiste qui détecte la consommation, récente ou non, de produits stupéfiants.
Le salarié doit être préalablement informé par le médecin du travail de la nature et de l'objet du test biologique qu'il va subir. Il doit également être informé des conséquences que le médecin peut tirer des résultats du test en ce qui concerne son aptitude au poste de travail.
Les résultats des dépistages sont soumis au secret médical.
Le médecin du travail doit se borner à faire connaître l'aptitude ou l'inaptitude du candidat à un poste ou du salarié à l'employeur. Il ne doit en aucun cas révéler un renseignement confidentiel tel que le diagnostic, la nature ou l'origine de l'inaptitude, ou révéler une toxicomanie comme telle.
L'alcootest, qui mesure un niveau d'imprégnation alcoolique, peut être pratiqué par un non-médecin. Étant donné qu'il ne peut avoir pour objet que de prévenir ou de faire cesser une situation dangereuse et non de permettre à l'employeur de faire constater une faute du salarié, la jurisprudence considère qu'il n'y a pas lieu d'imposer la présence d'un tiers ou de prévoir la possibilité d'une contre-expertise.

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