Elle descend Renaud ? Ça casse sec ? Et alors !
Cher Renaud,
Dans ton disque, ce qu’il y a de mieux, ce sont les dessins de toi en rouge et
noir avec ton air buté et perdu, signés Patrice Killoffer. Ce qui n’est pas une
bonne nouvelle pour le disque. Quand on a été un héros pour toute une
génération, le grand frère de tous les petits bandanas rouges de la planète
Terre, c’est difficile de le rester. Je sais. Mais maintenant que tu es le héros
de ta blonde Romane, tu t’en contentes, et c’est énervant. Ce n’est pas parce
qu’elle a du rattrapage à faire, question de génération, que tu dois recommencer
de zéro la provoc à deux balles et les bourgeois, c’est comme des cochons.
Tu n’es même plus drôle à force de ressasser les clichés sur les bobos ou les
fachos qu’on devient forcément si on «préfère la CIA au KGB». Tu sais quoi?
Personne ne se pose la question, ni le matin ni le soir. Tu as l’air malin à
faire la promo de ton disque avec Vincent Delerm, que tu conchies, et un air
faussement complice, sur le site de ta maison de disques.
Avant, tu savais ne pas pactiser ni avec l’ennemi par toi désigné, ni avec le
grand capital. Tu fais vieux con à ne plus aimer les blagues de blondes parce
que ta nouvelle blonde est blonde, justement, et que tu poses maintenant en
féministe sourcilleux. Tu es tellement amoureux que tu en deviens gnangnan et
tes chansons d’amour dégoulinent d’acné – tu as oublié qu’on ne faisait pas de
belles chansons avec de bons sentiments? Les vieux, forcément «merveilleux», le
paysan, forcément «ton frère»?
Tu as «retrouvé ton flingue», dis-tu? Ta «plume», ton «arme à poing»? Va
réclamer, ils te l’ont échangée dans ton dos, ton modèle radote. Les rappeurs
sont «tous des crétins», vraiment? Réveille-toi, le monde a tourné depuis 1984,
Schwarzie ne tourne plus de films au cinéma et ton antiaméricanisme primaire
tourne à l’obsession pathologique.
Arrêter de fumer, c’est difficile, on est tous d’accord, mais cela vaut-il trois
minutes trente-quatre? C’est cela, ta version de la chanson de combat? Tu te
moques de Souchon et de sa Foule sentimentale – tu as tort. Tu es aigri et
parano là où il est subtil et troublant. Les gens ne sont pas que des bœufs et
la foule «obéissante et fanatique», «parquée dans des Zénith / Comme dans des
hangars à bestiaux» te remercie par avance de l’honneur que tu lui feras
d’assister au «concours des blaireaux / Brandissant des briquets».
Faut pas se foutre de notre gueule, Renaud, nous qui t’aimions. Tu n’aimes plus
que Romane, je sais, au point de lui pondre cinq chansons d’amour neuneus sur
les dix-sept de ton dernier album. C’est trop.
La seule chanson de bien, sur ton disque, c’est Adieu l’enfance, à ta fille de
20 ans dont «l’insouciance des 10 ans» a «disparu». Les choses parfois ont une
fin, et quand tu le reconnais, c’est très beau.
Isabelle Falconnier
© Copyright by L'HEBDO - www.hebdo.ch - 28.09.2006
Elle descend Renaud , Ça casse sec.. et alors ?
Jeudi 28 septembre 2006 - http://www.nouvelobs.com/articles/p2186/a318059.html
Renaud de la méduse
Le nouveau Renaud s'appelle « Rouge Sang ». Les paroles sont dignes des brèves
de comptoir, la musique fait un boucan d'enfer et la voix est toujours enrouée.
Il ne reste plus à l'ami de Coluche que des révoltes ventripotentes et des
succédanés d'indignation. Il se dresse contre « les Bobos » - quel courage -,
dénonce ces nouveaux beaufs qui « aiment Jack Lang et Sarkozy / Mais votent
toujours écolo » et lui, Renaud, qu'on a connu anarcho-mitterrandiste, où se
situe-t-il, au fait ? « Dès que le vent tournera, je repartira »... Dans ce
disque qui est une grande entreprise de dénigrement de soi et d'une incohérence
épuisante, il est le fumeur intoxiqué qui part en guerre contre l'industrie du
tabac et devient l'avocat des blondes tout en faisant, dans une autre chanson,
le portrait-robot d'une « facho »... forcément blonde. Dans ce titre destiné à
vendre son disque en période préélectorale, il ne va pas plus loin que : Sarko,
facho, le peuple aura ta peau !
Ailleurs, il offre à Alain Souchon une très élégante « Sentimentale mon cul ! »
pour railler les foules « parquées dans des Zénith comme dans des hangars à
bestiaux ». Toutes les foules sauf la sienne, sa foule sentimentale à lui grâce
à laquelle il vient de s'acheter un 4x4 de bobo. Inutile de s'étendre sur les
initiales « RS & RS », celles de sa femme Romane Serda et de Renaud Séchan qu'il
grave dans l'écorce des arbres (pas très écolo mais trop mignon). Des initiales
qu'on a vues cet été dans la presse people depuis que le chanteur a cédé
l'exclusivité des photos de son mariage contre un joli pactole. Le reste de
l'album est à l'avenant : bâclé, inintéressant, décevant. Qu'est devenu le
polémiste qui, avec son parler verlan, semait la zizanie et savait émouvoir avec
des chansons sur les femmes, les enfants, les mineurs de fond et les marins
disparus ? « C'est pas l'homme qui prend la mer, c'est la mer qui prend l'homme
», chantait-il. A présent, c'est Renaud qui prend l'eau.
Sophie Delassein