Rouge Sang
Un nouvel album dont la verve tourne à vide
En 2002,
l'album Boucan d'enfer formait un exercice d'auto-apitoiement (divorce, déprime,
pastaga, etc.). L'argumentaire du nouveau disque de Renaud, Rouge sang, dans les
bacs lundi 2 octobre, opte pour le parti inverse : requinqué par l'amour, le
"chanteur énervant" aurait retrouvé toute sa verve antisociale pour tirer à
nouveau à boulets rouges ("J'ai retrouvé mon flingue", assure-t-il) sur ses
cibles historiques : les "salauds" et les "blaireaux".
Mais aussi Les Bobos. Impossible d'échapper à ce premier extrait, appât matraqué
par les radios depuis l'été. En sortant de son repaire de La Closerie des lilas,
Renaud Séchan a donc pris connaissance de cette espèce (déjà en voie de
disparition), les "bourgeois bohèmes". Il aurait pu aussi bien écrire une
chanson sur les zazous. Donc, selon la méthode du "name-dropping", Philippe
Djian rime ici avec Cioran et Télérama avec le catalogue Ikea. Cette litanie
paresseuse de poncifs kidnappant au passage les disparus ("Ils aiment Desproges
sans même savoir que Desproges les détestait") est à peine rattrapée par
l'autodérision finale ("Par certains côtés j'imagine que j'fais aussi partie du
lot/des bobos").
Un peu en retard pour humer l'air du temps, le quinquagénaire se penche, après
ses confrères Sanseverino et Bertrand Louis, sur l'addiction tabagique (Arrêter
la clope) et décoche une flèche contre une "Marine Le Pen de banlieue", "la
facho qui vote Sarko", rime pauvre qui a provoqué quelque émoi parmi les
sympathisants du patron de l'UMP. On relève encore une saillie contre la
tauromachie (Rouge sang) mêlant les massacres d'animaux à ceux d'enfants et une
charge contre "l'Amérique du grand capital" et les religions (J'ai retrouvé mon
flingue).
Voilà pour les coups de gueule, qui cohabitent avec une ode à une paysannerie
moyenâgeuse (Pas de dimanche) et des bluettes liées à la nouvelle situation -
maritale et parentale - de l'intéressé, qui consacre pas moins de six titres à
son amour, la chanteuse Romane (de toi) Serda.
Misanthrope, réac de gauche, Renaud semble avoir perdu tout sens de l'humour, ce
qui rend Rouge sang déplaisant, à l'image de cette voix chevrotante. La musique
oscille entre un rock balourd à l'américaine et, pour les moments tendres, des
accompagnements dignes des émissions de son ami Pascal Sevran. L'objet renferme
toutefois une réussite : les illustrations du livret, signées Killofer.
30.09.06 by
Bruno Lesprit
Le Monde n'aime pas Renaud
Séchan, nous on aime pas Le Monde !!!