Après ses déclarations alarmistes quant à l'état de santé de Renaud, son aîné Hugues Aufray nous apporte quelques précisions sur sa relation avec le chanteur, qui vient de faire l'objet d'un album hommage, La bande à Renaud.
«Je tiens à souligner que mon admiration pour Renaud est considérable. J'ai énormément d'estime et d'amitié pour lui. Je pense qu'il est la personnalité la plus importante de sa génération. Il domine tous les autres. En tout cas, je le place au-dessus de tous. Plus jeune, je sais qu'il adorait Brassens et qu'il m'aimait beaucoup aussi. Quand je l'ai rencontré pour la première fois sur scène, je lui ai dit «on est quittes» parce que je l'ai beaucoup apprécié aussi. Il y a trois ans, quand il a commencé à être dans une mauvaise situation, je me suis occupé de lui. J'allais le chercher. Je l'accompagnais un peu partout.
On allait dîner ensemble, mais il ne mangeait presque pas. Quand je le ramenais, il n'était pas dans un brillant état. Plus d'une fois, je me suis surpris à pleurer en arrivant chez moi. Je suis le plus jeune de ma fratrie, il est le petit frère que je n'ai pas eu.
Je souhaite que le disque de reprises qui vient de sortir ait un maximum de succès. D'une part parce que c'est mérité et d'autre part parce que ça lui rapportera des droits d'auteur. La personne qui a eu l'initiative de cet album a eu raison. Cela vient à point, parce que les jeunes commencent à l'oublier. Il s'agit d'une très bonne opération marketing. Je pensais que les interprètes invités y avaient participé gracieusement. Dans l'esprit de Renaud, ce serait bien que leurs droits soient reversés à des associations humanitaires.
Il y a trois ans, j'ai chanté gracieusement pour aider au financement de la reconstruction d'une chapelle dans le Luberon, à l'initiative de Michel Leeb. Renaud est venu m'écouter, alors qu'il ne sort jamais. Après avoir interprété Santiano, j'ai repris son Mistral gagnant en modifiant les paroles (1) pour m'adresser à lui. Comme il était assis devant moi, j'ai vu qu'il était bouleversé. Depuis ce jour, je termine tous mes spectacles avec cette chanson. Je l'aurais bien enregistrée pour l'album La bande à Renaud, mais on m'a dit qu'ils n'avaient invité que des gens jeunes à y participer. Je n'ai pas pu m'empêcher de citer la chanson Le Pluriel, de Brassens. «Quand on est plus de quatre, on est une bande de cons.» Je ne fais pas partie de la bande, visiblement, même si j'aurais été content de figurer sur le disque. Mais il n'y a aucune amertume de ma part de ne pas avoir été invité à y participer.
Pendant ces trois dernières années, j'étais persuadé que Renaud pourrait remonter sur scène. Cela lui aurait permis de soigner sa voix et de surmonter sa difficulté à arrêter de boire. J'aurais aimé l'aider à remonter sur scène pour interpréter une quinzaine de chansons, dans un spectacle à l'américaine, comme lorsque Bob Dylan tourne avec Tom Petty ou Mark Knopfler. J'aurais volontiers accepté de passer avant lui, et je serais venu avec ma guitare le rejoindre sur scène le temps d'une ou deux chansons de Brassens. Quand je lui ai proposé de le faire, il me répondait «peut-être, pourquoi pas, ou faudra voir».
J'ai parlé à Renaud lundi dernier (16/06/14 ?) au téléphone. Il est à Paris en ce moment, je vais en profiter pour le revoir.
C'est bien que ses chansons existent, parce que lui ne les chante plus.»