On vient prendre des nouvelles. Comme lors de
retrouvailles avec un vieux copain. Deux ans que
Renaud n’avait pas donné signe de vie depuis le
triomphe de son dernier album, « Rouge sang ».
L’artiste, âgé de 57 ans, s’est fait oublier pour
enregistrer « Molly Malone », album de ballades
irlandaises adaptées en français qui sort lundi.
Il reçoit toujours à la Closerie des
Lilas, fume encore beaucoup et s’offre même une
goutte d’alcool de temps à autre. « C’est mon Ricard
de la semaine », lançait-il hier midi devant son
verre. Entretien.
Où étiez-vous pendant deux ans ?
Renaud. En banlieue. J’ai quitté
Paris pour une maison à Meudon. C’est un petit
pavillon tranquille, un peu trop pour moi. J’ai
voulu m’occuper de mon fils Malone qui a 3 ans. J’ai
vécu dans l’ennui et dans la vie familiale.
Vous vous ennuyez vraiment ?
Je tourne un peu en rond. Je suis en manque
d’inspiration. Ce n’est pas évident après une
quinzaine d’albums de savoir ce que l’on veut encore
raconter. A chaque disque, je m’interroge et
d’habitude ça revient. Là, c’est plus compliqué.
Vous avez pris soin de vous ?
Je suis hypocondriaque, alors je fais toujours des
check-up. Et ça va. Je ne bois plus
qu’occasionnellement mais je fume toujours comme un
pompier, même si je suis passé de trois à un paquet
par jour.
Cela s’entend parfois sur le nouvel album…
Oui, mes cordes vocales sont abîmées. Je pensais
avoir des polypes mais c’est la nicotine qui me
casse la voix. J’espère finir mon contrat chez Emi à
qui je dois encore deux disques. Et avec le prochain
inédit, je voudrais faire une tournée.
L’album « Molly Malone », un clin d’oeil à
votre fils ?
Oui, c’est son prénom mais c’est aussi l’hymne de
Dublin. C’est un petit rebelle Malone,
infiniment moins amoureux de son papa qu’une petite
fille. Ma fille, Lolita, s’est mariée cet été. Cela
fait bizarre de la voir convoler en justes noces
avec un chanteur, Renan Luce, que j’aime beaucoup
par ailleurs.
Votre disque arrive en pleine polémique
France - Irlande. Vous avez suivi le ma tch ?
Oui. Mon coeur battait pour l’Irlande, battue par
une injustice. Mais un arbitre n’est pas
infaillible. C’est juste ridicule que l’on n’accepte
pas la vidéo. Je n’en veux pas à Henry et je ne
pense pas qu’il faille rejouer. Sinon cela
arriverait chaque semaine.
Pourquoi aimez-vous tant l’Irlande ?
C’est son histoire qui me plaît, sa fraternité, son
côté insoumis.
Cela vous ressemble ?
Oui, en quelque sorte je suis un insoumis. En tout
cas, je suis toujours en colère face au monde qui va
à vau-l’eau. Mais je gueule plus facilement ma
révolte dans mon fauteuil que dans les médias.
Qu’est-ce qui vous énerve ?
Le milliard d’individus qui n’a pas accès à l’eau
potable, les 8 millions de Français en dessous du
seuil de pauvreté. Et les politiques... les
divisions à gauche, la droite et son débat sur
l’identité nationale pour draguer les électeurs du
FN.
Vous avez toujours une dent contre Sarkozy ?
Pas qu’une dent. Toute la mâchoire. Sa seule
réussite, c’est d’avoir épousé Carla Bruni.
Pourquoi n’étiez-vous pas à la libération
d’Ingrid Betancourt que vous souteniez ?
A cause du brouhaha médiatique, à l’aéroport, à l’Elysée,
avec tous ces people qui voulaient être sur la
photo... Carla Bruni m’avait envoyé un texto me
disant : « On t’organise une voiture pour accueillir
Ingrid à Villacoublay. » Alors que j’étais à 700 km
de Paris. J’ai vu Ingrid quelques semaines plus
tard, dans un resto à Meudon, avec mon épouse
Romane. C’est une femme formidable.
* Renaud : « Molly Malone », Emi, 16,99 €.
Sortie lundi.