Renaud : « J’ai vécu dans l’ennui »

Manque d’inspiration, dépendance à la cigarette, colère contre les politiques… Le chanteur se confie sans langue de bois, à deux jours de la sortie de son nouvel album.

Propos Recueillis par Emmanuel Marolle | 21.11.2009,

On vient prendre des nouvelles. Comme lors de retrouvailles avec un vieux copain. Deux ans que  Renaud n’avait pas donné signe de vie depuis le triomphe de son dernier album, « Rouge sang ». L’artiste, âgé de 57 ans, s’est fait oublier pour enregistrer « Molly Malone », album de ballades irlandaises adaptées en français qui sort lundi. Il reçoit toujours à la Closerie des Lilas, fume encore beaucoup et s’offre même une goutte d’alcool de temps à autre. « C’est mon Ricard de la semaine », lançait-il hier midi devant son verre. Entretien.

Où étiez-vous pendant deux ans ?
Renaud. En banlieue. J’ai quitté Paris pour une maison à Meudon. C’est un petit pavillon tranquille, un peu trop pour moi. J’ai voulu m’occuper de mon fils Malone qui a 3 ans. J’ai vécu dans l’ennui et dans la vie familiale.

Vous vous ennuyez vraiment ?
Je tourne un peu en rond. Je suis en manque d’inspiration. Ce n’est pas évident après une quinzaine d’albums de savoir ce que l’on veut encore raconter. A chaque disque, je m’interroge et d’habitude ça revient. Là, c’est plus compliqué.

Vous avez pris soin de vous ?
Je suis hypocondriaque, alors je fais toujours des check-up. Et ça va. Je ne bois plus qu’occasionnellement mais je fume toujours comme un pompier, même si je suis passé de trois à un paquet par jour.

Cela s’entend parfois sur le nouvel album…
Oui, mes cordes vocales sont abîmées. Je pensais avoir des polypes mais c’est la nicotine qui me casse la voix. J’espère finir mon contrat chez Emi à qui je dois encore deux disques. Et avec le prochain inédit, je voudrais faire une tournée.

L’album « Molly Malone », un clin d’oeil à votre fils ?
Oui, c’est son prénom mais c’est aussi l’hymne de  Dublin. C’est un petit rebelle Malone, infiniment moins amoureux de son papa qu’une petite fille. Ma fille, Lolita, s’est mariée cet été. Cela fait bizarre de la voir convoler en justes noces avec un chanteur, Renan Luce, que j’aime beaucoup par ailleurs.

Votre disque arrive en pleine polémique France - Irlande. Vous avez suivi le ma tch ?
Oui. Mon coeur battait pour l’Irlande, battue par une injustice. Mais un arbitre n’est pas infaillible. C’est juste ridicule que l’on n’accepte pas la vidéo. Je n’en veux pas à Henry et je ne pense pas qu’il faille rejouer. Sinon cela arriverait chaque semaine.

Pourquoi aimez-vous tant l’Irlande ?
C’est son histoire qui me plaît, sa fraternité, son côté insoumis.

Cela vous ressemble ?
Oui, en quelque sorte je suis un insoumis. En tout cas, je suis toujours en colère face au monde qui va à vau-l’eau. Mais je gueule plus facilement ma révolte dans mon fauteuil que dans les médias.

Qu’est-ce qui vous énerve ?
Le milliard d’individus qui n’a pas accès à l’eau potable, les 8 millions de Français en dessous du seuil de pauvreté. Et les politiques... les divisions à gauche, la droite et son débat sur l’identité nationale pour draguer les électeurs du FN.

Vous avez toujours une dent contre Sarkozy ?
Pas qu’une dent. Toute la mâchoire. Sa seule réussite, c’est d’avoir épousé Carla Bruni.

Pourquoi n’étiez-vous pas à la libération d’Ingrid Betancourt que vous souteniez ?
A cause du brouhaha médiatique, à l’aéroport, à l’Elysée, avec tous ces people qui voulaient être sur la photo... Carla Bruni m’avait envoyé un texto me disant : « On t’organise une voiture pour accueillir Ingrid à Villacoublay. » Alors que j’étais à 700 km de Paris. J’ai vu Ingrid quelques semaines plus tard, dans un resto à Meudon, avec mon épouse Romane. C’est une femme formidable.

* Renaud : « Molly Malone », Emi, 16,99 €. Sortie lundi. 

 

 

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