J'ai retrouvé le texte  d'avant la Noël 2007 , d'une ITV  de Renaud pour la Tribune de Montélimar...

 

- Qu'est ce qui a motivé ton implication forte pour tenter de faire libérer Ingrid?


Mon amour de la liberté et de la justice. Elles sont bafouées partout mais lorsqu'une femme honnête, intègre, courageuse, efficace dans son combat contre la misère et la corruption - combat par les urnes et non par les armes - paye un tel prix son engagement, alors elle devient le symbole de toutes les injustices, de toutes les barbaries, de toutes les oppressions. Ses geôliers, pour lesquels je devrais avoir une certaine affection puisqu'à l'origine ils se battaient comme Ingrid pour plus de justice sociale, moins de misère et plus d'égalité, ont, par leurs méthodes - kidnapping de masse, menaces de mort, collusions avec les narco-trafiquants - réussi à se discréditer totalement aux yeux de tous les hommes de gauches sensibles comme moi aux guerres de libération face à des régimes fascisants. Les FARC emprisonnent au nom de la liberté, torturent au nom de la justice, assassinent au nom de la vie. De l'autre côté, le pouvoir en Colombie est corrompu jusqu'à la moelle, ses collusions avec les narco-trafiquants et avec les milices para-militaires connues de tout le monde, les militants des Droits de l'Homme, les leaders paysans, les syndicalistes sont assassinés et 30.000 personnes meurent de mort violente chaque année.

- Que penses-tu de l'implication de Nicolas Sarkozy dans ce dossier ?


D'abord qu'il obéit à l'opinion publique. Celle qui, en France, est énormément sensible à la cause d'Ingrid Betancourt et des 3000 otages de Colombie. Et ce, non pas grâce à lui, pas non plus grâce à son prédécesseur dont le manque de volonté politique sur ce dossier fut manifeste, mais bien grâce au travail quotidien des militants des Comités Betancourt, des artistes, des intellectuels de gauche ou de droite, des communes, des Mairies, des citoyens impliqués depuis deux, quatre, six ans dans ce combat. Mais je veux bien lui accorder le crédit d'être, par ailleurs, sincèrement touché et concerné par le sort d'Ingrid. Il n'empêche qu'en s'adressant à la conscience et à l'humanité des FARC (alors qu'il est évident, vu comment ils traitent des êtres humains, qu'ils n'ont plus ni l'une ni l'autre) il fait fausse route. Volontairement ou non. Pour séduire l'opinion publique et passer pour le grand libérateur, le roi de l'empathie, le Zorro des causes perdues, le grand humaniste soucieux des otages partout dans le monde ? Ou bien parce qu'il ne maîtrise ni ne comprend le dossier, les enjeux, la Colombie et son histoire ? Tant que les "Grands de ce monde" ne considéreront pas les FARC comme une force belligérante, tant qu'on leur demandera des concessions, des efforts, des gestes, sans demander la même chose en retour à Uribe, tant qu'on ne fera que condamner leurs méthodes terroristes sans tenir compte de leurs revendications systématiquement rejetées par le pouvoir ils n'ont aucune raison de faire le moindre geste ni de libérer qui que ce soit. Ils souhaitent; bien plus qu'Uribe, la signature de ces accords humanitaires afin d'être reconnus internationalement comme entité politique, force combattante dans un conflit qui ensanglante la Colombie depuis cinquante ans.
 

- La pression internationale peut-elle faire infléchir les Farcs et le président Uribe?

Bien sûr. Mais pas en s'adressant à la conscience des uns ou des autres. En leur offrant, via la signature des accords humanitaires dans un premier temps (qui libérerait tous les otages et/ou prisonniers de guerre) la possibilité de commencer à négocier des accords de paix.


- As-tu bon espoir de voir un jour Ingrid libérée, et pouvoir lui chanter la chanson que tu lui as composée

Si je n'avais plus cet espoir, renforcé récemment par les "preuves de vie" je continuerai néanmoins à lutter pour les 3000 autres otages, politiques ou anonymes. Pour Clara Rojas, pour Pablo Emilio Moncayo. et puis, plus largement, pour toutes les Ingrid Betancourt du monde. En Birmanie, en Russie, en Chine ou au Pakistan.

Renaud ( D'avant la Noël 2007)