En tournée dans l'Hexagone, Renaud annonce que ce pourrait être sa dernière équipée sur les routes. Comme décor, le "bistrot des copains" de Boucan d'enfer (2002) a fait place à une carte postale à la Doisneau : le titi et ses sept musiciens évoluent dans une reconstitution des toits de Paris. Ce clin d'oeil à l'ultime sortie des Beatles sur le toit de leur maison de disques en 1969 est "une façon de faire mes adieux", informe le futur préretraité de 54 ans lors du dernier de ses quatre concerts parisiens, le 30 mars au Palais omnisports de Bercy.
De fait, le néo-Londonien semble se consacrer largement à sa famille, évoquée tout au long de son tour de chant. D'emblée avec Malone, écrit pour le petit dernier, puis à travers une longue séquence à la gloire de sa soeur (Lolita), de sa gestation (En cloque) à son entrée dans l'âge adulte (Adieu l'enfance).
Heureusement, des bluettes écrites pour l'album Rouge sang en l'honneur de la nouvelle muse, la chanteuse Romane Serda, n'a survécu que Ma blonde. "C'est beau, on dirait du Lorie", s'en moque son auteur. Renaud a retrouvé son humour puisqu'il pratique l'autodérision. En costume, chemise blanche BHL et cravate "rouge sang" révolutionnaire, c'est un homme neuf expliquant que "Mister Renard" (son double dépressif et alcoolisé) est un personnage "démodé". Son combat contre les addictions passe aussi par la cigarette (Arrêter la clope). Cette hygiène de vie ne l'empêche pas de chanter plus faux que jamais. Lui-même s'en amuse.
La marche du monde lui fait retrouver sa gravité. Pour "sa" cause, la libération d'Ingrid Betancourt. Ce soir, la fille de l'otage intervient au micro pendant que Renaud déploie un drapeau colombien pour en extraire une colombe.
De l'intime à l'universel, 43 chansons sont passées en revue. Cela ressemble à un inventaire. Le recours au pot-pourri permet de contenter tout le monde, et d'abord les fans de la première heure choyés par un long rappel en solitaire. Des raretés comme La Bande à Lucien, Les Charognards ou Baston ressuscitent le loubard de banlieue originel. Mais il n'est pas sûr que cet émiettement serve la structure classique (attaque, développement, chute) de ces chansons. En revanche, les douze mois d'Hexagone sont déclinés sur fond de gigue bretonne. Plus de trente ans après, leur outrance anar fait toujours mouche en ces temps de surenchère patriotique.
Source Le Monde 07/04/07