ENTRE LE CŒUR ET LA
LAME
Résurgence : Renard est mort, mais Renaud est bien en vie. Les
charognards sont prévenus…
« Je me sens plutôt bien dans la résistance »
En évoquant l’élection de Nicolas Sarkosy, Renaud a comme un éclair
de jubilation dans le regard. Le même qui électrise et libère le
combattant au moment d’en découdre enfin avec son adversaire. Et à
l’entendre, les sujets d’affrontements ne vont pas manquer : « la
culture, la recherche, l’éducation, l’enseignement risquent de
devenir les parents pauvres de ce gouvernement. On peut vite
retrouver les employés de ce secteur dans la rue. Parce que la
politique qui va être menée le sera pour les riches, la finance, les
entreprises du CAC 40. Elle va laisser beaucoup de monde sur le bord
de la route. Si la recherche, l’éducation étaient depuis longtemps
les terrains de lutte de droite, çà se saurait ! ».
Et c’est vrai que depuis trente ans, l’a pas tellement changée la
France ! Deux coups à gauche, trois coups à droite, et le populo qui
reste sur le carreau… HEXAGONE pourrait très bien s’écrire
aujourd’hui. Toujours en lettres de misère et de souffrance, de
colère et de sang.
Face à demain
Mais, coup de bol, c’est justement au moment où un paquet de gens
risque d’avoir besoin de lui que Renaud a retrouvé la santé et la
verve. Retrouvé ce flingue dégainé en 1980 et trimballé sur mille
fronts de luttes avant d’être égaré sur la route de la soif. Si vis
pacem, para bellum…
Avec « Rouge Sang», dernier opus en date, les petites gens et les
opprimés de tous poils ont désormais de quoi préparer demain. De
quoi remplir leurs poings de rage, leurs cœurs d’espoir et leurs
vies d’amour.
Brûlots (J’ai retrouvé mon flingue, Léonard’s song, elle est facho,
les bobos, arrêter la clope)
Brûlures (dans la jungle, rouge sang, nos vieux, pas de dimanche,
adieu l’enfance) ou bien
Douceurs (jusqu’à la fin du monde, rien à te mettre, les cinq sens),
Ce disque agit comme le miroir de nos existences, de nos petits
soucis à nos plus grandes détresses. Et son joyau, tout de larmes et
de pudeur, a nom ELSA, offert à la sœur d’un jeune suicidé. Elsa,
son piano, son violon, son poignant instant d’éternité. Elsa aussi
forte et émouvante que Mistral gagnant, en cloque ou morgane de toi.
L’avenir vous le confirmera…
« C’est exactement à çà que doit servir un chanteur ! Apporter du
bonheur, de l’émotion, du rire, de la colère. Changer le regard
qu’on a sur le monde. Moi, mon répertoire peut se décliner en trois
grands thèmes : les chansons fantaisistes, qui apportent du rire et
de la joie. Les chansons d’amour, qui donnent de l’émotion et
touchent les gens parce qu’ils connaissent bien. Et puis les
chansons colères, où j’exprime leurs révoltes, leurs sentiments
d’injustice, leurs engagements. Mais, ce qui droit primer c’est
l’émotion. C’est sentir le public bouleversé, qui chante en cœur.
C’est l’émotion collective qu’on éprouve pour des choses
irrationnelles, immatérielles, pour du vent, de la culture, pour de
l’art quoi ! ».
Et quand l’émotion est collective, la solidarité n’est pas loin.
L’engagement non plus. « Des artistes engagés, au sens où on
l’entend depuis 1968, il n’y en a plus guère. Je ne prétends pas
être le seul, mais bon voilà… Faut dire que j’ai eu la chance
d’écrire HEXAGONE et quelques autres sans pour autant cesser de
passer à la radio, d’être populaire et de vendre des disques… Alors,
on me sollicite quotidiennement. Çà me touche énormément de savoir
que les gens qui sont perdus, n’ont pas de porte-parole, frappent à
ma porte pour que je les aide à médiatiser leurs combats. Et des
combats, il y en aura toujours ! Là, je soutiens Leonard Peltier, un
indien qui croupit dans les geôles américaines. Je dénonce la
barbarie tauromachique. Parce que quand même au XXIème siècle, sous
couverts de traditions, applaudir et jouir en public de la torture
et de la mise à mort d’un animal, c’est consternant. Tout çà pour
des pétasses emperlouzées parisiennes ou arlésiennes, pour la
bourgeoise bobo ! ».
« Ce qui droit primer c’est l’émotion »
Pouvoir d’indignation intact, Renaud carbure toujours à la colère,
au sentiment d’injustice collective ou personnelle (« une critique
gratuite et je ne dors pas de la nuit ! Heureusement, j’ai Malone !
J’avais oublié comme çà change la vie un bébé ! »). Ses adversaires
doivent donc s’y résoudre : il n’est pas disposé à lâcher le
morceau.
« Je voulais arrêter ma carrière, du moins sur scène, à la fin de
cette tournée, pour faire d’autres enfants, en adopter un au
Vietnam. Mais là, avec l’élection de Sarkosy, j’en reprends au moins
pour cinq ans ! On avait la droite classique, modérée. Maintenant,
on a la droite extrême. Et dans cinq ans, on risque d’avoir
l’extrême droite associée à l’UMP. On m’a assassiné quand j’ai
chanté « elle est facho, elle vote Sarko » ! Mais j’avais raison !
40% des électeurs de Le Pen ont voté Sarko au premier tour et 90% au
deuxième ! »
Plume de feu et musiques célestes, cœur sur la main et poing serré,
Renaud est de retour. Nous ne marcherons plus jamais seul !
Source:(Jack Lamiable- Le
Berry Républicain du 03.06.2007) - Merci à Gonzesse pour sa
retranscription
HOMME DE CŒUR.
C’est de son hyper sensibilité que jaillissent ses plus
beaux textes.