Ce soir, vous
ouvrez votre tournée à Caen par un concert de
solidarité avec Ingrid Betancourt. Quel sens,
donnez-vous à votre démarche ?
Renaud. Un
journaliste me faisait remarquer que c’était dommage
que je ne puisse pas être au Mémorial de Caen où,
quasiment à la même heure de mon concert pour Ingrid
Betancourt, il y a aussi une belle action, avec une
exposition sur la Colombie, sur les otages, sur
Ingrid et une allocution de Florence Aubenas, avec
la municipalité qui est impliquée. J’ai répondu
qu’une action ne faisait pas de l’ombre à l’autre.
Elles se cumulent. À chaque fois, c’est une goutte
d’eau dans l’océan de solidarité. Durant mon concert
- en dehors du fait que c’est la première de ma
tournée, avec un nouveau tour de chant et un nouveau
répertoire - il y a aura des intervenants avant le
concert mais aussi au milieu de mon spectacle, juste
après ma chanson spécifique sur le cas des otages
Dans la jungle avec notamment Fabrice, le père des
enfants d’Ingrid, son fils Lorenzo et différentes
personnalités qui viendront s’exprimer. J’ai tenu à
ces moments dans mon spectacle pour sensibiliser une
fois encore, d’une manière encore plus large,
l’opinion publique, les médias, les personnalités de
tous horizons, les artistes, le public. Au moment où
l’on célèbre malheureusement le cinquième
anniversaire de l’enlèvement d’Ingrid, c’est une
manière de dire qu’il ne faut pas baisser les bras,
ne pas céder au désespoir et à la résignation. Nous
devons continuer à nous battre, et plus
particulièrement en ce jour symbolique, pour non
seulement bousculer la classe politique en France,
mais également pour internationaliser la solidarité.
Qu’est-ce qui vous
émeut dans le combat d’Ingrid Betancourt ?
Renaud.
Cette femme a lutté, sans avoir une goutte de sang
sur les mains, de la manière la plus belle qui soit.
C’est-à-dire par les armes de la parole et des mots,
par le biais de la politique, de la diplomatie, du
débat, du militantisme non violent à travers les
élections. Elle a été députée, sénatrice, elle était
candidate présidentielle et luttait contre la
corruption, la misère, la violence, contre le
narcotrafic en Colombie. Elle a payé son engagement,
ce combat magnifique, par cinq ans d’emprisonnement.
C’est une femme honnête, intègre, combative, voilà
ce qui m’émeut.
Au côté de
personnalités tels Robert Hossein, Alain Delon ou
encore Alain Decaux, vous faites partie d’un
collectif d’artistes (1) créé début février afin
d’appeler le gouvernement à « un engagement plus
ferme »
Renaud.
J’ai rejoint la position de la fille d’Ingrid,
Mélanie Delloye, qui considère, à mes yeux à juste
titre, que le gouvernement français s’est contenté
de belles paroles, de solidarité, d’empathie, de
compassion, mais n’a pas eu l’influence qu’il
pourrait avoir et auprès de la Colombie et auprès de
l’Union européenne et auprès des États-Unis, qui on
le sait, sont souvent dans ce genre de région, les
maîtres du jeu. Dans cet esprit Mélanie a écrit un
manifeste demandant aux candidats à la
présidentielle en France, de dire publiquement ce
qu’ils envisageaient de faire pour la libération
d’Ingrid.
Quels sont les
candidats qui ont - signé ce manifeste ?
Renaud.
Pour le moment Arlette Laguiller, Dominique Voynet
et Marie-George Buffet l’ont signé. François Bayrou
s’est engagé à faire tout ce qui serait en son
pouvoir pour faire respecter cette charte manifeste.
Ségolène Royal, Mélanie devait la rencontrer hier.
Et Nicolas Sarkozy s’est également engagé, ce qui
personnellement me fait un peu rigoler, puisqu’il a
fait partie pendant cinq ans d’un gouvernement qui
n’a rien fait, à part de belles déclarations.
(1) Appel de « 100 artistes et
écrivains contre la mort d’Ingrid Betancourt »
soutenu notamment par Renaud, Alain Chamfort, Alain
Delon,Jean-Claude Brialy, Philippe Toreton, Marc
Levy, Alain Decaux...
Entretien réalisé
par Victor Hache
L'HUMANITE du 23/02/2007