«Je ne veux pas plaire à tout le monde»

 

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                ... Il est fier de montrer le livret de 84 pages qui accompagne l'édition limitée de Rouge sang : le dessinateur Killofer («un génie, le nouveau Tardi») a dessiné une histoire qui court le long des vingt-quatre textes de chansons. Vingt-quatre ? Eh oui, l'album contient dix-sept chansons mais sa version limitée (à 200 000 exemplaires, toutefois) est un double-CD avec quelques chansons en plus : «Dans la téloche, où je m'en prends à la téléréalité, Filles de joie, où je me fiche des bimbos qui nous exposent leur silicone et leurs strings à longueur d'antenne, Pondichéry sur les inégalités Nord-Sud, la surconsommation, la misère de la planète...».
                Renaud est pleinement revenu à la chanson : «J'avais mis sept ans à écrire péniblement les quatorze chansons de Boucan d'enfer, bizarrement le plus gros succès de ventes de ma carrière alors que, ni pour moi ni pour mes fans, ce n'était mon meilleur album – et de loin ! Je me disais qu'en trente ans de carrière, j'avais traité tous les thèmes possibles et là, en un an, j'ai fait vingt-huit chansons pour moi et quinze pour mon épouse. Et aucune ne ressemble à une autre. J'ai même fait ma première chanson érotique, Je m'appelle Galilée, d'une écriture très classique, en alexandrins, ou Danser à Rome, qui est la première fois que je joue avec les mots à la façon d'un Queneau ou d'un Pérec...»
                Renaud célèbre ses noces en chantant les anagrammes du nom de Romane Serda dans Danser à Rome, astucieuse et légère chanson qui, par contraste, souligne combien son écriture est restée rugueuse et narquoise, avec sa façon si personnelle de mêler le trivial et l'ébénisterie, le baiser et la savate, la poésie et l'éditorial. Ainsi avec Les Bobos, chanson présente depuis des semaines sur les radios : «Ce n'est pas la chanson que je préfère. La maison de disques la trouvait la plus efficace pour faire la promotion de ce disque. C'est une chronique sociale : je me ris du conformisme de codes culturels et de comportements de plus en plus répandus. Or, je lis partout que cette chanson est un brûlot contre les bobos, que j'y exprime ma haine des bobos... Mais je dis moi-même à la fin de la chanson que je suis un bobo !»
                Il est toujours prêt à croiser le fer, à se jeter dans la polémique. Et il est servi : «Qu'est-ce que je dérouille, de Libé à Minute ! C'est bon signe. Moi qui ne voulais pas plaire à tout le monde, j'ai gagné la moitié de mon pari.» La chanson Elle est facho, portrait «d'une électrice lambda du Front national» est ainsi entrée dans le débat préprésidentiel avec trois mots glissés à la coda : «Elle vote Sarko.» Manichéisme ? L'ancien «chanteur énervant» s'en défend : «Ça fait une polémique sans nom : Renaud a traité Sarko de facho, Renaud est fâché avec Johnny ! Hallucinant. La chanson ne parle pas de ça ; seulement, elle finit par un petit croche-pied à Sarkozy, évoquant l'éventualité, voire la certitude, qu'une électrice du Front national va voter Sarko au second tour. Je n'ai plus seize ans, j'ai plus d'arguments politiques et philosophiques à lui opposer que «Sarko-facho». D'ailleurs, Elle est facho est loin de la violence forcenée qu'on a connue à Renaud : «Il y a vingt ans, j'aurais été plus manichéen, plus caustique, plus haineux. Là, il y a de la compassion parce que c'est une femme, victime de la société dans laquelle elle vit, de la télévision, du discours d'un tribun qui sait manipuler les foules et les âmes perdues.»
             .....Son album est potentiellement disque de platine depuis hier, jour de sa sortie. Il a un tout jeune fils. On le voit moins souvent à La Closerie.


Lire l'article complet par Bernard Dicale

Renaud