Par certains côtés, j'imagine
Que j'fais aussi partie du lot (Les Bobos-
Renaud )
*Un
article de l'HUMA, plutôt réaliste.... Non ? SVPat
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En écoutant la nouvelle chanson de Renaud,
les Bobos (qui n’est pas ce qu’il a écrit de mieux), j’ai réfléchi une fois de
plus à ce genre de concepts qui, une fois lâchés, connaissent une vogue
médiatique parfois brève, parfois, c’est le cas ici, plus durable. Médiatique :
c’est bien le problème.
Que dissimulent-ils de réel, ces mots qui traînent, et ne tirent leur semblant
de légitimité que du fait d’être répétés, utilisés comme raccourcis dans la
conversation ?
Je me rappelle avoir rencontré, chez des amis, un couple d’ailleurs sympathique,
lui chercheur et journaliste, elle conceptrice graphique ou quelque chose comme
ça, qui évoquait ses difficultés à trouver, dans les vieux quartiers de Paris,
du côté de la République ou du canal Saint-Martin, l’ancien atelier ou le loft
de leurs rêves.
« Il y a quelques années, c’étaient encore des quartiers populaires,
déploraient-ils ; maintenant, c’est colonisé par les bobos. »
Pour ne pas gêner nos hôtes, je me suis abstenu de poser à ce couple la question
qui me brûlait la langue : « Quelle différence faites-vous au juste entre ces
fameux bobos et vous-mêmes ? Ne convoitez-vous pas la même chose ? Ne
participez-vous pas, vous aussi, n’êtes-vous pas en train de vouloir participer,
à la même éviction des artisans, des ouvriers, des immigrés ? »
L’autre raison pour laquelle je n’ai pas posé la question, c’est que j’avais
déjà compris pourquoi ces deux bobos typiques dénonçaient les bobos. Cela
crevait les yeux. Les bobos, pour eux, c’étaient ceux qui pouvaient aligner un
peu plus d’argent, et par conséquent leur souffler sous le nez l’atelier sur
cour, ou la petite maison dans un passage pittoresque, ou les anciennes écuries,
etc.
En somme, le bobo, c’est toujours l’autre, et cet autre, on le dénigre parce
qu’on aimerait bien faire comme lui, mais que lui a davantage d’argent, et qu’on
ne veut pas vraiment que ce soit dit.
La désignation du bobo est donc un réflexe vieux comme le monde. C’est
l’agacement classique contre le voisin, qui a le même genre de canapé que vous,
mais en meilleur cuir ; la même télé, mais plus large ; les mêmes vacances, mais
plus loin.
C’est ce qu’on appelait autrefois un comportement petit-bourgeois typique, les
prolétaires ayant appris dans Marx à réagir différemment.
C’est aussi pourquoi je ne suis pas emballé par la chanson de Renaud. J’attends
justement d’un artiste (et Renaud a parfois su le faire) qu’il apporte un autre
regard et ne se contente pas d’accommoder à sa sauce ce qu’on trouve dans le
premier magazine venu.
Source :Les bobos 31 août 2006
Par François Taillandier
Source: Les Bobos / L'Humanité