Mais où sont les HLM d’antan ?

J’écoute Renaud, cru 1980. Et je lis François Villon, un cru beaucoup plus ancien.

Je peux faire deux choses en même temps, celles-ci du moins. Villon célèbre, nostalgique, la beauté des femmes d’avant, la belle Héloïse, Berthe au grand pied, Jeanne la Lorraine… Et soupire : « Mais où sont les neiges d’antan ? »

 

Renaud chante son HLM. Et il le décrit étage après étage, locataire après locataire. Une galerie de personnages aussi divers que variés. Au rez-de-chaussée, « une espèce de barbouze qui tire sur tout ce qui bouge, surtout si c’est bronzé ». Plus haut, un « jeune cadre dynamique, costard en alpaga, c’est un bon contribuable centriste ». Au troisième, « une espèce de connasse qui bosse dans la pub » : elle lit L’Express, « c’est vous dire si elle lit !».

 

Et puis aussi, celui qu’on appelle « le communiste » et qui dit qu’il est trotskiste. Puis en vrac, « un ancien combattant », « un nouveau romantique » et « un flic qui se balade en survêtement » et « fait son jogging avec son berger allemand ». Fort heureusement pour lui, Renaud n’était ni sociologue ni démographe. Il chantait juste ce qu’il voyait. Une vraie diversité. Il était de gauche, très à gauche même. En 1980, on pouvait encore l’être.

 

Et aujourd’hui, plus de trente ans après, que sont-ils devenus ? Où sont les HLM d’antan ? Le flic est parti le premier, à cause des nouveaux arrivants : son gosse se faisait tabasser à l’école parce que fils de flic. La « connasse » aussi a déménagé : elle a pris des rides (ce sont des choses qui arrivent) et a fait l’éducation de sa fille en lui lisant Les Inrocks.

Le « jeune cadre dynamique et centriste » a eu une illumination en 1981 et a décidé de faire carrière à gauche. Il s’est rapidement retrouvé dans différents cabinets ministériels socialistes. Le temps étant venu – la limite d’âge –, François Hollande l’a nommé au Conseil économique et social. Il a un appartement dans le Marais.

Le « barbouze qui tirait sur les bronzés » est aujourd’hui dans une maison de retraite. Il a l’âge de Jean-Marie Le Pen et continue, en chaise roulante, à voter pour lui car on lui a caché qu’une certaine Marine avait tué son idole. On est sans nouvelles du « communiste » qui se disait trotskiste. Certains croient l’avoir vu dans un square lisant Le Monde diplomatique. D’autres prétendent au contraire qu’il est devenu islamophobe et qu’il milite à Riposte laïque.

Voilà. Ce fut. Et ça n’est plus. Tous ont été remplacés.

Dommage, moi je les aimais bien. Neiges d’antan, HLM d’antan…

On ne me fera pas dire que c’était mieux avant : je ne veux pas passer pour plus réac que je ne suis.

Mais c’était autrement.

Et je regrette ces HLM de naguère.

Tout comme Villon regrettait les belles de jadis.

 

 

 

S   Article de Benoît Rayski le 27 Juillet 2015

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R C E

Renaud