Nostalgie quand tu nous tiens:
c'était l'année....1997 !
Je travaille dans un restaurant du Cap Ferret. ce matin d’été 1997, avant de prendre notre service, avec le personnel, nous nous installons face au bassin pour discuter, rire, chanter... j’entonne « dès que le vent soufflera », quand l’interprète de ce succèspopulaire fait son entrée...Eté 1997, j’entame ma première saison comme serveur barman dans le célèbre restaurant de Lège-Cap-Ferret, Chez Hortense. Du nom de cette vieille dame qui préparait les fameuses moules selon une recette secrète héritée des pêcheurs d’antan.
Le restaurant est resté familial. Devenus des marathoniens du service, nous décompressons, libérés, à la pause déjeuner. Une heure, bercés par le vent léger de l’amitié, à nous confier nos rêves et nos envies d’après-saison. Tout le personnel se rassemble autour d’une grande table devant l’infinie beauté du bassin d’ArcachonComme à chaque repas, moi, le petit nouveau, j’ai pour rituel de chantonner, avec ma guitare, le répertoire de nos morceaux préférés.
Dignement accompagné d’un orchestre peu commun de batterie d’assiettes au tempo joyeux.
Mais, ce jour-là, notre tour de chant amateur prend une tournure inattendue. Alors que nous entonnons le refrain de notre chanson fétiche, « Dès que le vent
soufflera », un moment de solitude m’envahit quand j’entends derrière moi un « ta ta tan » plus vrai que nature.Cheveux blonds en bataille, bronzé, sourire en coin, l’auteur est là, partagé entre la gêne et la timidité. Renaud, car c’est bien lui, se présente comme notre nouveau voisin et souhaite une réservation.
Soudain, le chanteur rebelle semble hypnotisé à la vue du plat qui arrive sur notre table, généreusement servi par notre mamie Zaza, la fille d’Hortense. « Un steak haché avec de la purée maison, comme le faisait ma grand-mère. J’en rêvais !» s’exclame-t- il avec nostalgie. La maîtresse de maison ne lui donne pas le choix : elle l’invite à prendre place parmi nous. C’est un homme heureux qui partage notre compagnie.
L’ambiance regagne peu à peu sa décontraction, sous le regard attendri de mamie Zaza qui se concentre sur l’appétit de ses « petits ». Il n’y a plus de doute, le repas du personnel retrouve sa vitesse de croisière.
Les rigolades, les débats, les anecdotes refont surface, et le naturel reprend le dessus. Ce qui émerveille notre invité. En un instant, il se replonge dans son enfance. Loin des paillettes et du showbiz, dans ce petit restaurant de bord de mer, le chanteur aux disques d’or redevient lui-même. Alors que nous sommes sur le point de finir le clafoutis façon Zaza, notre nouvel ami prend ma guitare et improvise quelques notes sous le regard médusé des premiers clients.
L’oreille attentive, nous nous laissons porter. « Dès que le vent soufflera » prend une tout autre dimension et se termine en apothéose. C’est une évidence,
Renaud fait désormais partie de la famille. Malheureusement, l’heure de pause touche à sa fin. Renaud prend encore le temps d’apposer sa signature sur ma guitare, celle que j’utilise encore aujourd’hui pour mes compositions.
Dès le lendemain, il a pris ses habitudes de vacancier de Lège-Cap-Ferret. Avec sa fille Lolita, le Parisien part à la pêche. Amateur mais pas manchot, avec sa canne et ses appâts, il nous fait coucou en passant, puis part traquer le bar et la dorade… En contrebas du restaurant. Et ça mord ! Patient, quasi immobile, ses longs cheveux blonds brillant au soleil, il pose sa ligne, ferre et accroche. A son retour, il passe fièrement nous montrer ses prises, avec son sourire en coin. Il les ramène chez lui, dans la maison qu’il a louée juste à côté de notre terrasse.
Il va les préparer selon nos aimables conseils : à la plancha, avec un filet d’huile d’olive et de jus de citron, simple ! Puis, tous les jours à la même heure, nous le voyons s’installer à quelques tables de nous, avec son stylo. Seul face au va-et-vient des bateaux, face à la majesté de la dune du Pilat. Dans le brouhaha de nos rires et de nos conversations, il écrit, inlassablement. Comme si nos vibrations le protégeaient, l’inspiraient…