On n’a pas fini d’en manger...
... et c’est tant mieux !
Quatre ans après une renaissance
programmée et consécutive à un sevrage éthylique aussi volontaire
qu’obligatoire, Renaud revient avec sous le bras un album tout beau tout neuf,
fraîchement sorti des presses mais aussi de son cerveau torturé. Nouvel
exutoire, « Rouge sang » est un de ces albums dans lequel le chanteur énervant
met ses joies et ses peines du moment, ses amours retrouvés, sa joie d’être en
vie et une nouvelle fois père, ses chagrins aussi et ses coups de gueule … Un
retour à ICP, la recette marche tellement bien, une confiance renouvelée à Phil
Delire pour l’enregistrement et à Jean-Pierre Bucolo pour la réalisation et les
guitares, une équipe stable où l’on retrouve Dominique Grimaldi à la basse,
Claude Salmieri à la batterie, Alain Lanty au piano, Jean-François Berger aux
claviers et où Michaël Ohayon, Renan Lebars, Mick Larie ou Romane Serda posent
qui une sèche, qui des uillean pipes, qui une mandoline, qui des chœurs … Il est
loin le Renaud de « Marche à l’ombre », celui de « Laisse béton », loin le
Renaud qui s’offrait un « Olympia pour lui tout seul » ou qui envahissait pour
la première fois le tout nouveau Zénith de Paris en 1984 et qui se produira en
2007 à Bercy. Et pourtant …
Pourtant, Renaud n’a rien perdu de sa verve légendaire, il en a juste changé la
présentation ! Si le ton qu’il emploie s’est quelque peu assagi avec l’âge, les
idées restent là, le bougre ayant même au passage « Retrouvé son flingue », et
même si le geste accompagne de moins en moins la parole, l’idée générale de base
est restée la même : sus aux fachos, aux bourgeois et aux curés ! Partagé entre
tendresse et colère, « Rouge sang » alterne les chansons engagées et les
chansons d’amour, fustigeant gentiment « Les bobos », dénigrant les
multinationales du tabac avec « Arrêter la clope ! », évoquant sa douce avec
passion sur « RS & RS », avec humour sur « Ma blonde », sur un ton grivois avec
« Je m’appelle Galilée » ou même en anagrammes avec « Danser à Rome », appelant
à réfléchir sur les thèmes du racisme et de la connerie avec « Elle est facho »
ou « Sentimentale mon cul ! », jouant la carte de l’affection avec « Nos vieux »
ou « Malone » et de la douleur avec « Elsa » … Derrière, ça joue, cool ou grave
mais toujours juste, c’est selon l’air du temps. Engagé sur tous les terrains,
des orphelins à Ingrid Bétancourt en passant par la lutte contre la corrida ou
la cause agricole, Renaud se disperse un peu pour mieux ressembler à ce qu’il
est, un individu qui pense par lui-même, à tort ou à raison (et même parfois à
travers …), un philosophe imparfait qui refuse de se taire dès lors que ce qu’il
voit ou subodore le choque ou simplement l’interpelle … Adepte du partage, il
nous sert un nouveau volume de ses états d’âmes en forme d’état des lieux et
nous le donne comme il tombe, l’accompagnant comme il se doit d’une communion
avec les aficionados qui s’étendra, pour commencer, jusqu’à l’été 2007. On n’a
pas fini d’en manger et c’est tant mieux !