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Je viens de lire avec attention ce compte rendu imaginaire ci dessous et je n'y ai trouvé, avec bonheur. que de l'émotion, du sentiment,une fête pour l'émotion, le coeur, la fraternité, les frissons d'un chanteur qui chante des trucs intelligents, drôles, tristes, virulents, émouvants avec des mots faciles à comprendre et une grande sincérité.
Avec l'accord de l'auteur, je vous conseille de le lire
Concert de Renaud -imaginaire
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à Toisy.
Tout
d'abord, je tiens à préciser que c'était, puisque maintenant il est passé,mon
premier concert de Renaud. Et donc, comme je l'ai souvent dit, j'avais peur d'être
déçu, mais au fil des jours, depuis que j'avais ma place, et grâce aux
comptes-rendus de concerts que d'autres on fait, j'étais de plus en plus
impatient.
Je
vais d'abord vous redire pourquoi j'avais peur d'être déçu. J'écoute Renaud
depuis environ un peu plus de la moitié de ma vie, et j'écoute presque
exclusivement lui, pas à longueur de journée, mais presque parfois. C'est pas
pour cela que je connais par coeur ses chansons, puisque je n'ai pas une très bonne mémoire.
Je
me disais « mais qu'est-ce que ça peut te faire d'avoir ce mec là, à la
frange jaune devant toi alors que tu écoutes les textes et la musique de ses
chansons depuis plus de dix ans. Qu'est-ce que ça va changer ? Qu'est-ce
que ça va t'apporter ? Rien ! si ? peut-être écouter la musique et
le ton des nouvelles chansons. Et après ? Je vais voir la frange blonde,
j'en ai rien à foutre de Renaud, seules ses chansons m'intéressent, et je les
ai déjà en album. »
Mais
les différents comptes-rendus disaient que la différence, et une des seules
différences en concert, c'était l'émotion et l’échange entre Renaud et le
public (dont je ne serai qu'un pion). Mais cette expérience s'avérait pour moi
bien délicate. Ce serait la première fois que j'essayerai de communiquer avec
mon chanteur préféré. Et cela allait donc présenter bien des difficultés.
Il
fallait donc que je me prépare. Alors, j'ai décidé de m'investir à fond dans
la préparation matérielle et psychologique pour aller à ce concert. J'ai
mis en place un petit cérémonial (eh, oui ! aller au concert de Renaud
c'est bien un peu une cérémonie quasi religieuse, un baptême ?).
Déjà,
prendre ma demi-journée de congé pour ne pas arriver au dernier moment, et
puis avoir le temps pour prendre le temps de m'imaginer ce que pourrait être le
concert. Et là, j'ai imaginé tout faux.
Ce concert ne ressemblait pas à ceux qui ont pu être décrit dans les précédents comptes-rendus. Je vais y revenir. Tout ça pour dire que je suis arrivé quatre heures avant le début du concert devant le théâtre, histoire de prendre l'atmosphère, de faire un tour dans les rues autour du sanctuaire, de fureter dans les bistrots et troquets pour voir si, au cas où l'idole ne serait point déjà là ? pas pour l'aborder, mais juste pour savoir qu'elle est là, pour savoir que c'est de ce corps là, que dans quelques heures ou minutes, des sons vont sortir (après être passé par plein d'appareils électroniques) pour libérer ces musiques et paroles que j'entends depuis si longtemps. Mais je n'aurais rien à dire à Renaud. Je n'ai d'ailleurs rien eu à lui dire, puisque je ne l'ai pas vu. Et puis après, ça a été l'attente, d'abord à un bistrot (je n'avais pas pris de cassettes pirates dans la voiture, à écouter, de Renaud, je voulais d'abord faire le vide, comme un sevrage, une purification, afin de renaître au moment du concert). Et ça n'a pas été le cas.
Donc, j'en étais au bistrot. J'étais au bistrot dans une petite rue de la place du théâtre de notre idole. Je ne buvais pas une menthe à l'eau, mais si j'étais un peu l'amante sur le point de jouir, à l'idée d'être enfin à un "concert de Renaud", si près du but, si près du point G nial. Ils ne passaient pas de Renaud dans ce bistrot, et ne se doutait peut-être même pas que j'étais là à attendre pour le concert, me préparant. J'ai même pas vu une affiche pour le concert de Renaud dans les rues, même rien à l'entrée du théâtre, bref, un truc hyper confidentiel, comme on aurait pu croire. Et pi j'ai regardé mon billet, pour voir si je ne l'avais pas oublié, tout bien rangé avec ma carte SNCF, à regarder à quelle heure le concert commençait, cent fois, à vérifier que je ne me suis pas trompé de jour, non, c'était bien aujourd'hui, à regarder ma place Rang L Siège 36, eh ! Il fallait pas qu'on me la pique ma place, que je ne la trouve pas, ce sera devant ou pas, le rang ce sont les rangées ou bien les lignes de fauteuils, ou 36, au deuxième ou troisième rang.
Est-ce
que je vais bien voir, bien sentir, bien ouïr, bien ressentir les choses, à
cette place là, et puis qui sera à côté de moi, un vieux baba-cool au
cheveux longs devenu sourd avec l'âge ou une petite mère de famille très
kitch et presque bourgeoise qui écoute Renaud en cachette pour avoir une bouffée
d'air par rapport à la société dans laquelle elle évolue ? Ben non, c'était
des gens comme moi, comme nous, comme vous.
Et
pi en attendant, je m'amuse, tellement je m'emmerde et m'impatiente, à faire
miroiter le petit hologramme incrusté dans l'épaisseur du papier du billet.
J'y vois déjà dedans les lumières d'un grand concert avec lumières et effets
spéciaux, mais non, il n'y a pas eu tout ça à ce concert, juste Renaud. Bref,
le nom de la tournée, pas grand chose, le dénuement presque total, une petite
voix presque chevrotante, Renaud n'est plus jeune, je n'arrivais pas à
m'imaginer qu'il pouvait être mon père, là je l'ai vu. Mon poteau, mon
copain, mon frère, ça pourrait être mon père, c'est un vieux, mais qu'est-ce
qu'il impose comme respect, que de choses il aurait à m'enseigner... que de
choses il m'a enseigné au cours de ce concert.
Et
puis, petit à petit, en se rapprochant de l'heure fatidique, des petits
groupes, une, deux, trois personnes s'agglutinaient devant les escaliers menant
à l'entrée de la salle. On ne vient pas voir Renaud en famille, pas de bandes
de jeunes, des gens comme vous et moi, des gens normaux, quelques blousons de
cuirs, mais des cuirs bleus habillés, pas des cuirs noirs avec des chaînes, je
démystifie, y'en a un qui dirait, vous voyez de qui je parle.
A
l'entrée, y'a un ouvreur, accompagné de quelques gorilles amaigris, et là
c'est mon premier drame, mon beau billet dont j'ai pris si soin depuis si
longtemps, tout doux qu'il est, et que j'aurais voulu garder comme une relique,
il est brutalement déchiré, trop brusquement pour ne pas se détacher suivant
les petits tirets prédécoupés. Je reste tout penaud, triste de garder mon
beau billet mal déchiré, le petit hologramme presque coupé en deux. Je le
re-range dans ma veste. On rentre bien gentiment, ça piaille pas mal, les gens
discutent, papotent, en gardant un oeil sur la scène, au cas où il arriverait
avant, ou qu'il serait déjà là, on sait jamais, des fois qu'il fasse des
essais avant de commencer. La belle salle aux beaux fauteuils rouges feutrés se
remplit petit à petit. Les gens parlent de tout ou de rien. Je cherche autour
de moi si y'a quelqu'un que je connais, j'écoute, je tends l'oreille, mais
rien, les discussions vont des commentaires de la blague de Jacques au repas
d’hier soir à une discussion sur les bas salaires… je cherche désespérément
Lolita que je ne connais pas, je suis persuadée qu'elle est belle, qu'elle a
des cheveux longs, qu'elle est toute seule, ou avec une copine, je regarde sur
les rangs de devant. Et oui, L c'est le 12ème rang, et 12 rangs devant c'est
loin.
Sur
la scène, on ne voit rien, ou quelques trucs au fond, mais je ne sais pas ce
que c'est, j'y connais pas grand chose en musique, dans la salle il doit y avoir
en gros à la louche huit cent places. La salle sera pleine.
Donc la musique commence,
du bruit, j'ai l'impression d'être juste à côté des enceintes, voire dans
les enceintes tellement la musique me prend de tous les côtés, je me fonds
dedans, dans la musique, dans la salle, dans la foule.
J'avais
choisi de ne pas prendre d'enregistreur caché dans le revers de mon gros
blouson de ville pour être plus disponible, ne pas avoir à penser à appuyer
sur le bouton, diriger le micro, tourner la cassette, que des trucs matériels,
et je ne le regrette pas, car j'en ai encore plein la tête (la preuve, ce
compte-rendu). Je voulais pleinement consacrer ces instants là à ma présence
dans la salle et à une fusion-symbiose entre moi -Renaud - la musique - la
salle (et pas m'embêter avec des éléments purement techniques, d'autres, je
suis sûr, s'en seront chargés, et je les remercie).
La
tête blonde, qui en fait n'est pas si blonde que ça, je veux dire pas si jaune
que ça, entre en scène, la salle se lève, je me lève, ou alors je me suis
levé avant le reste de la salle, pour mieux voir, pour mieux sentir, mon coeur
palpite, Renaud commence à balbutier quelques mots, et là je ne suis pas loin
de l'évanouissement, un "Salut Toisy" qui résonne encore dans mon
oreille interne, tellement il m'a secoué et déstabilisé, moi qui ne croyais,
qui ne voulais pas croire que je puisse être sensible à ce mec là avec un
micro devant moi. Derrière le "Salut Toisy", y'avait un tintintin de
guitare. La salle se lève à nouveau, ou se relève, ou se soulève, je ne sais
plus, mais j'ai bien dû gagner quelques centimètres de hauteur et quelques mètres
d'émotions, porté par la foule et transporté par la musique.
Et pi après, la seconde chanson, c'est les chansons les unes après les
autres, avec Renaud qui ressort les mêmes phrases qui ont déjà été citées,
et j'ai été très déçu, on aurait dit un pantin qui récitait son récital
inter-chanson... (ou alors c'était dû à moi qui avait trop lu de
comptes-rendus des concerts. Bref pas grand chose de nouveau, à part quelques
petites choses ci-après, toujours est-il que je ne sais plus trop ce qui s'est
passé, sur la scène, dans la salle, et en moi, donc j'ai moins de choses
à dire, je n'étais plus conscient de mon être, j'étais emporté par un
tourbillon, je ne peux vous en faire un compte-rendu, vous verrez bien quand
vous irez au concert.
Mais
bon, il me reste encore quelques petits souvenirs passés durant le concert, à
un moment, Renaud a chuchoté, mais pour qu'on l'entende, ce soir, je vais
essayer un truc, écoutez le bruit, écoutez le silence, la musique s'est arrêtée
lentement dans un genre qui ressemble à un blues, Renaud a fait signe de la
main de faire silence, la salle s'est calmée, petit à petit, j'ai regardé mon
voisin de droite, ma voisine de gauche, mon voisin ma regardé, ma voisine
aussi, personne ne comprenait, puis Renaud a continué avec les mains, et la
salle a fini de chuchoter... et le silence enfin. Plus rien, il restait dans
l'air plus que l'émotion, le silence, et la respiration et le souffle de
chacun. J'ai frémi. je transpirais... on devait tous regarder Renaud, il devait
tous nous regarder, peut-être qu'une larme à bien failli se décrocher de ses
yeux, il a rapproché le micro de sa bouche, et s'est mis à chanter à capella,
« Mort les enfants », c'était triste, lugubre, génial, silencieux,
sa voix a dû dérailler une ou deux fois pendant la chanson, mais c'était pas
grave, ça a rajouté une présence, une authenticité. Quand il a eut fini, je
me souviens avoir laissé échappé un souffle, une bouffée d'oxygène, comme
si je sortais de dessous l'eau au bout de cinq minutes. Et mon voisin, et ma
voisine, et après avoir repris notre souffle on lui a fait des applaudissements
interminables.
Un
autre petit détail, qui me revient tout de suite, Renaud a sorti à un moment
une blague que je n'ai pas comprise, ça fera parti du mystère, de l'inexpliqué,
de l'inexplicable, c'était je crois autour de l'environnement et des écolos.
Il faut que j’abandonne là mon récit, mais par la suite j'essayerais
de vous raconter mon après concert à attendre Renaud et à rouler sur
l'autoroute... à
la recherche du temps perdu et de Gérard Lambert.
Quelques
jours plus tard.
Alors,
il me reste la suite du concert de Toisy à vous raconter, la sortie de la
salle, l'attente de Renaud à la sortie, la vue (revue) de Renaud à l'entrée
des artistes, mon approche, notre rencontre, notre discussion au café du coin,
les paroles de la troisième chanson de son prochain album et la musique de deux
autres... jusqu'à cinq heures du matin au sujet de tout et rien, et du concert
de Toisy, mais je ne vous en dirai rien, je garderai tout pour moi, je ne vous
ferai pas crever d'envie de ne pas avoir vécu ce que j'ai vécu. Vous me direz,
mais pourquoi ?
Mais
parce qu'il n'y a jamais eu de Toisy, je ne sais même pas si c'est un village
ou une ville qui existe, il n'y a jamais eu de concert de Renaud à Toisy, je ne
suis jamais allé à un concert de Renaud à Toisy. A croire qu'il n'y a pas de
fans de Renaud qui suivent exactement la tournée. Je suis déçu. J'irai
seulement à un concert de Renaud la semaine prochaine. Ce sera mon premier
concert. Dans ce récit, tout est imaginé, tout rêvé, mais il n'y a rien de
vrai... seulement le fait d'avoir imaginé un concert de Renaud.
Alors,
pour ceux qui ne vont pas ou ne peuvent aller à un concert de Renaud, faites
comme moi, prenez votre plume, vos claviers, et imaginez un concert de Renaud
auquel vous assisteriez. Je vous y encourage vivement. Essayez !
Ai-je
décrit mon concert idéal ? Le concert que j'aimerais trouver la semaine prochaine
? Le concert que je n'aimerais pas ? Pourtant, pour vous, celui-ci restera sans
doute plus vrai que nature, et pour moi aussi, il suffit d'un peu d'imagination
(ma nièce de cinq ans ne sait en général pas quoi commander au Père Noël,
elle m'a demandé de l'aider à trouver une chose qu'elle n'avait pas... je lui
ai dit de commander des carottes bleues... elle m'a dit que ça n'existait pas
et que j'étais fou... tout ça pour dire que même les enfants n'ont plus
d'imagination).
Bref,
après avoir imaginé aussi précisément ce concert de Renaud à Toisy, je me
redemande ce que m'apportera d'aller au concert de Renaud la semaine prochaine,
je me dis : « Rien, ou alors pas grand chose ? Aidez moi à répondre
à cette question. Merci. »
Je vous prie de bien vouloir m'excuser pour avoir abusé de vous-même, et d'une certaine crédulité-naïveté de votre part, mais après tout, est-ce que vous ne vous en foutez pas que le concert de Toisy soit vrai ou faux ?
Moi, si…et je reste un grand enfant naïf !!!