pages de Pierre Derensy . Merci a lui
Il est revenu, lui, le seul, l’unique. Cette semaine dans mon doux foyer. Et c’est malin, à cause de sa gueule je vais peut être divorcer. Comment faire comprendre à une femme, même la sienne, qu’écouter un single en boucle c’est se passionner pour 4’24 répétitif certes, mais c’est aussi varier toujours les plaisirs.
« 10, 20 fois sur le métier remets ce qui te plait ».
Je sais plus si c'est de Boileau ou de moi.
Alors que là, non, jalousie féminine amène à croire que
l’amour d’un homme envers un frère peut tendre cette passion vers un
changement de mœurs. C’est fort certes mais platonique ma chérie.
Mais 8 ans bordel, c’était trop vieux. Plus c’est long plus c’est bon. Avant mon mariage, avant ma fille. Du temps ou j’étais minot. J’ai pourtant toujours suivi sa trace. Des bonbecs fabuleux aux vrais canettes pépère dans les bars de misères. C’était l’époque des cailloux irlandais, des bleus marseillais et des mines du Pas de Calais. Beaucoup d’eau sous les ponts sont passés, mais son souvenir vivace venait parfois hanter ma mémoire et ma chaîne hi-fi. Mon perf en pleurait d’être oublié et mon bandana (rouge of course) traînait dans l’armoire de mes souvenirs.
Le public, pas le sien, le public en général, à gueulé Patrick, Yannick ou autre prénom sans saveur. Mais le sien était légèrement oublié...
Bien sur le voir en vrai, sur scène c’était toujours bien, mais c’était toujours trop court. Jamais pour sois. A devoir partager avec un public inconnu. C'était ephèmere comme un fantôme. Un spectre qui rappelait qu'il fallait rester vivant et lutter toujours plus.
Il grossissait physiquement, chantait de plus en plus difficilement…
Égoïste que j’étais cela ne me suffisait pas, il me
fallait du neuf pour faire découvrir à mon petit cousin, à mon petit voisin,
qu'un jour un homme s'est dressé dans ses guiboles arqués et ses tiags acérés
pour dire "Ta gueule et je t'aime" d'un même ton.
Perdu entre deux blanc sec et des nouvelles jamais bonnes à savoir j’espérais toujours que la flamme de mon briquet devienne flambeau. Et c’est arrivé. Et il va bien falloir qu’elle comprenne mon épouse. Que j’ai enfin retrouvé mes marques. Qu’à la veille de devoir voter pour un politicien véreux ou un chanteur agitateur, j’ai senti le souffle du rebel. Du vrai, de l’unique. Du Séchan, du Renaud. « Monsieur Renaud et Mister Renard ». Premier « simple » pour annoncer le stylo acéré du chanteur énervant.
Parce qu’il lui a fallu 8 ans pour revenir, parce que
nous sommes tous à l’écoute d’un style aussi juste de nos petits traquas,
de nos petits travers. Renaud, lui nous prend à contre-pieds et entreprend une
psychothérapie, en expliquant qu’il a une schizophrénie latente dans chaque
artiste et plus particulièrement en lui.
Le gentil Renaud et le vilain Renard. Le chanteur aux beaux
mots et le persifleur des maux d’une société. Derrière cette chanson toute
Renaudienne, on sent déjà pointé le désamour de sa domino et le besoin
d’amour de tous ces marmots, c’est à dire nous.
Ceux qui avaient peur d’un retour raté, d’un rappeur râpé
ou d’un poivrot désabusé se trompent. Renaud est aussi beau qu’un vélo,
ces cinquante ballés lui font des valises sous les yeux mais nous transportent
dans un endroit ou il se (nous) protége, peuplé de Ricard, de caniveau,
d’amour et de désespoir.
Mais c’est ça la vie. C’est du noir, du cuir et des
balafres. C’est le comptoir du désespoir, le petit blanc sec d’un zinc
pourris et René Fallet dans un coin de la tête. Monsieur Renaud et Mister
Renard c’est beau, touchant, émotionnellement exceptionnel, et musicalement
agressif à souhait.
Ce single est le paradoxe qu’aime brandir Renaud. C’est
"guitare entraînantes" sous
des phrases de velours. Et le mieux c'est qu'il chante ! enfin ! pour de vrai !
Sa voix est belle comme de l'eau de Pastis.
Renaud c’est le seul qui peut nous faire rire et pleurer
à la fois. C’est au dessus de la mêlé et de loin. C’est un coup de boule
à Obispo, Jean Connard et le doigt levé bien haut contre son pouce sucé bien
bas, et c’est surtout un préavis
de mandales à tous les cons qui polluent de plus en plus notre atmosphère et
les bandes FM.
Je sais que ce
soir il y a des superbes programmes du style « Fan de » ou autres
« j’attends mon idole à la maison » alors si vous voulez me faire
plaisir vous pouvez me convoquer Renaud chez moi, je prépare les armes. Mettre
deux gars comme nous devant un écran de télévision c’est le CSA qui appelle
à supprimer le programme.
Imaginez faudrait que je sois à la hauteur. Au même
niveau. Et même plus. Pour prouver au maître. Tout en doux amère. Mais amener
le combat quand même. Parce qu’à force de se taire pendant 8 ans t’as vu
Renaud comment elle tourne plus rond cette sacrée terre. Y étais temps que tu
nous revienne.
Je vous conseille d’écouter tout ce qui traîne sur
Renaud. Une poussière de Renaud c’est une étoile dans des cœurs qui
brillent.
Dire qu’il reste 13 chansons à découvrir. Enfin une
bonne nouvelle…. C'est décidé, moi demain je vote pour toi.
Merci Renaud.
Pierre Derensy.
LETTRE à RENAUD
Je l’avais promis j’y viens. J’y suis. Je voulais la faire depuis longtemps. Je me devais d’une petite critique sur mon chanteur préféré. Sur mon protestant pro testateur. Sur l’homme qui m’a façonné. Sur le blouson clouté, sur les tiags en pointes, sur le gros pacemaker en velours tissé sur nos cœur sec et aride qu’il remet en marche à chaque passage de notre sang impur d’être civilisé.
Un coup blond, un coup brun, souvent chanteur, parfois dessinateur, une fois acteur. Dans mun Nord. En goguette dans le grand Sud. A la pêche à la mouche cuissarde sur les épaules et envie de rester là. Je te comprend mon Renaud, mais penses un peux à nous ! Qu’est qu’on deviens sans toi ? qu’est ce qu’un monde sans toi ? un vide, le néant, rien !
Alors oui je pousse un coup de gueule, un tellement fort que de là ou tu es t’es forcé de l’entendre…et oui je te pousse au cul, parce que j’en ai marre du dictat des idiots du villages (Fiori et tous les hommes à barbes….) reviens nous y mettre un peux le ménage dans la grande turne du show-business. Un coup de grole, un coup de boule et tu y mets le feu ! comme dans le passé, comme quand on était deux…..
Mais t’es caché ou mon Renaud pour pleurer ce qu’il doit l’être. Tout le monde déconne. Tous les gars ont un peux de larmes dans leurs bières. A vingt, à trente ou même proche des cinquante piges.
Mais :
Tu sais bien que nous on t’aime et qu’on te laissera jamais tomber. T’as eu la preuve dans ta dernière tournée. Y avais rien que toi sur scène et deux tes potes mais dans la salle c’était qu’une grosse boule de chaleur qui devait réchauffer ton cœur.
Je l’ai vu quelque fois sur un plancher de concert et toujours une magie s’est établie. Un petit Jésus en culotte de jeans pour ma gueule ! Des lattes de la salle se décollaient pour applaudir. La voix chaque fois plus éraillé, mais le discours toujours cohérent. Parce qui fait le bonheur de voir Renaud sur scène c’est pas que lorsqu’il entonne ses magnifiques chansons, c’est aussi quand il parle. Quand il nous parle et surtout quand il nous fait rire.
Et quand Monsieur Séchan décide de nous livrer une petite chanson inédite, on se dit que le monde est moche de pas en entendre plus souvent des comme ça. Qu’écouter Renaud parler de sa fille, ou de sa Dominique qui est partie c’est nous entendre en écho. Parce que rien que de lire ce " boucan d’enfer " on se dit qu’il faut la pousser fort la beuglante. Et comme il faut un chef de fil je m’y colle : moi je le pousse la sérénade du " reviens nous ! ". Que tu nous l’écrive ton disque et pas seulement un 45 tours. J’en veux un complet. Pour que je puisse rêver, rire et pleurer. J’en ai besoin, comme de l’air que je respire.
Dans mon monde il y a que des grands cadres intelligents qui sortent pas du rang et qui disent que je suis pas équilibré. C’est de ta faute mon Renaud. Mon tableau est de biais. Et j’ai personne pour me recentrer. Sans toi je semble voué à pas m’insérer dans la vie social du grand capital. Avec toi je suis comptant de pas adhérer et j’imagine l’horreur d’en être. Mais si tu restes partis trop longtemps finiront par avoir ma peau.
La déprime je comprend mais comprend nous, nous qui n’avons plus le bonheur de te voir plus d’une fois tous les quatre ans. C’est tragique. T’es notre porte drapeau. Comment lutter si on a pas un chef de file à qui se confier. Pis tu nous déçois jamais : tu nous reviens toujours pareil, un peux grossis, mais ça te va bien, un peux vieillis mais y a que les jeunes cons qui vieillissent mal. Regarde Brassens c’est avec une moustache grise qu’il est beau et à force de t’attendre c’est nous, qui commençons à se faire des cheveux blancs qu’on arrive plus à arracher tellement y en a !
Cinq ans c’est un mandat présidentiel, t’as l’avantage sur eux qu’au plus le temps passe au plus on te demande, on en redemande : tu serais l’élu de notre chaîne hi-fi à vie ! Au suffrage mondial !
Et maintenant je vais vous laisser lire cette chanson qui résume à elle seule tout notre Renaud…. A la fois triste, mélancolique et humain:
Boucan d'Enfer
On reconnaît le bonheur paraît-il
Au bruit qu'il fait quand il s'en va
C'était pas le dernier des imbéciles
Celui qu'a dit ça
Le mien s'en est allé hier
Après vingt berges de sous mon toit
Ca a fait un boucan d'enfer
Je ne supporte pas
Ca fait croire un peu qu' les proverbes
Disent pas toujours n'importe quoi
Adieu l'amour, bonjour la merde
Qui tombe sur moi
C'était pas un petit bonheur pépère
D'épicerie ou de bar tabac
C'était un bonheur grand comme la terre
Même plus grand que ça
Grand comme tous les volcans d'Auvergne
Comme un palais de Maharaja
Comme le trésor dans la caverne d'Ali Baba
P't'être qu'il était devenu fragile
P't'être qu'il était trop grand pour moi
Peu importe, toujours est-il
Je l'voyais pas
Mon amour a claqué la porte
Mais j'étais pas du bon côté
Là, pareil à une feuille morte
Sur le pavé
J'ai beau chercher auprès des potes
Le réconfort de l'amitié
Les pauvres, z'en auront plein les bottes
De m'voir pleurer
Parce que dans ces cas là mon pote
Tu te fous de la dignité
Quand tu sais que tes amours sont mortes
A tout jamais
On reconnait le bonheur parait-il
Au bruit qu'il fait quand il s'en va
C'était pas le dernier des imbéciles
Celui qu'a dit ça
Le bonheur s'est cru devoir partir
Après vingt berges de sous mon toit
Je n'ai plus qu'une envie, c'est mourir
Mais ça s'fait pas
Mon cœur ressemble à Tchernobyl
Et ma vie à Hiroshima
J'ai plus qu'une envie, c'est mourir
Ben ça viendra
J'ai plus qu'une envie, c'est mourir
Ben ça viendra.
Je voudrais écrire des choses aussi belle, des petits joyaux pour ceux qu’on aiment. Des petites plumes qui caressent le visage et des gros pavés qui traversent les vitrines.
Voilà, voilà la clef du mystère ! Renaud chante la femme, les gosses. Renaud chante la vie. Celle des rivières, celles des forêts, des mobylettes d’avant ma naissance et des catastrophes écologistes d’après.
Renaud est le seul chanteur réaliste pas énervant. Ou plus énervant vu qu’ils y en a des pires que lui qui lui ont ravis le titre, des biens pires même ! Je vous demande à tous de lire " dans ton sac ", si c’est pas une grande chanson d’amour c’est que vous y connaissez peau de balle au rose bonbon qui vient secouer les hommes.
Pis pense à ma fille, qui t’as jamais vu, ou seulement en photo sur mes disques. Pis à ces petites connes qui ont vieillies et qui voudraient remettre leur bandana rouge. Pense à mon père qui a mis son bleu au vestiaire.
Je conclurais par un :
RENAUD ON T’AIME !