Les Inédits  

C.A.L en bourse
Crève salope
Éthiopie
Fanny de la Sorgue
Miss Maggie (version anglaise)
P'tit dej' blues
Ravachol
Toute seule à une table
Viens chez moi j'habite chez une copine
Welcome Gorby
Zénobe 

Regardez, bourgeois !

La petite vague qui  avait le mal de mer

 

          LES PAROLES  LES PAROLES   LES PAROLES     

 

 

C.A.L en bourse

La grenade qu'un CRS m'a envoyée
L'autre soir au Quartier m'a beaucoup fait pleurer,
J'ai rejoint en courant la place Edmond-Rostand,
Y'avait des flics partout et pourtant j'en rosse tant

Dans la semaine ils mettent leurs petits PV
Et le vendredi soir relancent nos pavés
Ces bourreaux ces SS qui nous filent des mornifles
Et qu'on attaque sans peur à coups de canif

Les flics ne cognent jamais de la même façon,
Tout dépend de la fille tout dépend du garçon,
Moi je suis le polisson du centre Beaujon.

Là j'ai connu un flic que l'on appelle Eugène
Car sa spécialité c'est la lacrymogène
Je lui ai dit cent fois "Arrête les crimes Eugène"
 

Crève salope (Renaud Séchan)

Je v'nais de manifester au Quartier
J'arrive chez moi, fatigué, épuisé,
Mon père me dit : bonsoir fiston, comment ça va ?
J'lui répond : ta gueule, sale con, ça t'regarde pas !
Et j'ui dit : crève salope !
Et j'ui dit : crève charogne !
Et j'ui dit : crève poubelle !
Vlan ! une beigne !
Le lendemain, comme tous les jours, j'vais au lycée,
Je rencontre dans la cour mon prof d'anglais,
Elle me dit : bonjour jeune homme, comment ça va ?
Et j'ui dit : crève salope !
Et j'ui dit : crève charogne !
Et j'ui dit : crève poubelle !
Vlan ! une beigne!
 
L'proviseur m'a convoqué le lendemain,
Dans son cabinet privé, pour un entretien,
Y m'dit : essuyer vos pieds avant d'entrer.
J'ui ai dit : écoute mon pote, tu m'laisses causer !
Et j'ui dit : crève salope !
Et j'ui dit : crève charogne !
Et j'ui dit : crève fumier!
Vlan ! viré!
Je m'suis r'trouvé dans la rue, abandonné,
J'étais complètement perdu, désespéré,
Un flic me voit et me dit : qu'est c'que tu fous ici ?
A l'heure qu'il est, tu devrais être au lycée,
Et j'ui dit : crève salope !
Et j'ui dit : crève charogne !
Et j'ui dit : crève fumier !
Vlan ! bouclé!
 
Je m'suis r'trouvé enfermé à la Santé,
Puis j'ai été condamné à être guillotiné,
Le jour de mon exécution, j'ai eu droit au cur'ton,
Y m'dit : repentez vous mon frère, dans une dernière prière
Et j'ui dit : crève salope !
Et j'ui dit : crève charogne !
Et j'ui dit : crève fumier !
Vlan ! y z'ont tranché !
 

« C'était ma première chanson :"Crève Salope". Une
chanson qui a fait le tour des lycées, qui est devenue
un hymne en 68. Je l'ai chantée à la Sorbonne et au
lycée Montaigne occupé. Au premier couplet, je remetsen cause l'autorité du père, ensuite du prof, du flic et du curé. Je l'ai chantée partout et tous les types
qu'avaient une guitare disaient : « Ouah, super ! » Le
refrain était très populaire, très entraînant, très à
chanter en chœur. Le premier mec avec une guitare me disait : « Ouah, écris-moi les paroles, je vais les
chanter ». Et il rentrait dans son comité d'action,
dans son lycée à lui. Et puis, ça a fait le tour de
Paris. Il y a au moins cinq cents personnes qui l'ont
écoutée, cette chanson. » 
Renaud

Song  

 


Ethiopie (Renaud Séchan / Frank Langolff)

Ils n'ont jamais vu la pluie
Ils ne savent même plus sourire
Ils n'y a même plus de larmes
Dans leurs yeux si grands
 
Les enfants d'Éthiopie
Embarqués sur un navire
Qui n'a plus ni voiles ni rames
Attendent le vent
 
Loin du cœur et loin des yeux
De nos villes, de nos banlieues
L'Éthiopie meurt peu à peu
Peu à peu
 
Rien qu'une chanson pour eux
Pour ne plus fermer les yeux
C'est beaucoup et c'est bien peu
C'est bien peu
 
Mais à chaque enfants qui tombe
Qui meurt loin des yeux de l'occident
Notre ciel devient plus sombre
Et notre avenir moins grand
 
Sur cette terre de sécheresse
Ne fleurissent que les tombes
Malgré nos richesses
Leur soleil nous fait de l'ombre
 
Donnons-leur des lendemains
En échange de rien
Donnons-leur la vie
Seulement la vie
 
Chez nous la forêt succombe
La-bas, le désert avance
Plus vite que la colombe
Dans un ciel d'indifférence
 
Les enfants du tiers monde
N'ont que l'ombre d'une chance
Chaque jour, chaque seconde
Faisons taire le silence
 
Rien qu'une chanson pour eux
Pour ne plus fermer les yeux
C'est beaucoup et c'est bien peu
C'est bien peu

A l'origine, Renaud avait écrit ce couplet (qui fut corrigé à la demande de Jean-Jacques Goldman) :

Sur cette terre de sécheresse
Ne fleurissent que les tombes
Des victimes de nos richesses
De nos usines et de nos bombes
 

Fanny de la Sorgue

Dans l'eau de la Sorgue Fanny
Ne se baignera plus jamais
La rivière pleure dans son lit
Sa Fanny toute rhabillée
La belle n'ira plus dans l'eau
Depuis cent ans elle se cache
A l'ombre d'un joli tableau
Qu'un amant fit d'elle à la gouache
Et c'est un bistrot désormais
Qu'on peur voir dans l'angle d'un mur
Le cul de Fanny dévoilé
Promettant la bonne aventure
 
Au bord de la Sorgue où Fanny
S'en allait se baigner jadis
Sous les platanes du midi
Les boules de pétanque glissent
Que je pointe où bien que je tire
Les miennes finissent dans l'herbe
Je pourrais mieux faire mais faut dire
Je triche un petit peu pour perdre
Pour pouvoir un jour dans ma vie
Honorer ces divines fesses
Un genou en terre pardi
Ainsi qu'on célèbre une messe
 
Quel est le crétin misogyne
Qui décréta punition
Honteuse ridicule indigne
Cette noble communion
Cette intimité que je souhaite
De mes lèvres avec ce cul
Qui récompense la défaite
Qui ne brille que pour les vaincus
M'est avis que ce pauvre naze
Dut passer sa vie à prier
A genoux pour que sa bourgeoise
Lui offre pareil bienfait
 
Au Pays des Sorgues, Fanny
Peut se vanter d'avoir fait mettre
Un genou à terre à celui
Qui pour aucun dieu ou maître
Nulle loi nulle discipline
Qui devant nulle autorité
N'aurait jamais courbé l'échine
Jamais n'aurait capitulé
Je me prosternerai encore
Bien plus et sans honte jamais
Pour un autre bout de ton corps
J'irai Fanny jusqu'à ramper...
 

Miss Maggie (version anglaise)

Women of the world or street
So very often just the same
I love every one I meet
Have they fame or be they plain
 
Down to the last stupid crow
I praise with every word I utter
I'm disgusted by men now
With their morals from the gutter
 
'Cause there's no woman in this land
Quite so stupid as her brother
Nor so vain or underhand
Except maybe Madame Thatcher
 
Lady I love you now I do
'Cause when a sport becomes a war
There's no girls or very few
Amongst those fans who yell for more
 
Those with no marbles left to lose
Up to here with hate and beer
Deifying fools in blue
Insulting bastards with a sneer
 
There is no female hooligan
Imbecilic filled with murder
No not even in Britain
Except for sure Madame Thatcher
 
I love woman just because
When she's sitting at the wheel
There's no man-like sense of loss
No urge to kill is yours to feel
 
For a slightly damaged headlight
Or for two fingers in the air
There are those who wish to fight
To the death if they but dare
 
An "up yours" their favourite sign
There's no woman so vulgar
To use this symbol all the time
Except perhaps Madame Thatcher
 
How I love you dear woman
You don't go to war to die
Because the vision of a gun
Does not make you pant and sigh
 
Amongst those hunters of the night
Who jump on creatures that are frail
And occasionnally an Arabite
I've yet to see a female
 
There is no woman low enough
To spit and polish a revolver
Just to feel so bloody tough
Except for sure Madame Thatcher
 
The atom bomb was never made
By a human female brain
And no female hand has slayed
Those US peoples of the plain
 
Palestinians or Armenians
Bear their witness form the grave
That a genocide is masculine
Like a SS or a Green Beret
 
In this bloody mass of man
Each assassin is a brother
There's no woman to rival them
Except of course Madame Thatcher
 
And lastly Woman above all
I love hour gentleness so mild
A man draws strength from his own balles
Wich like his gun he shoots from wild
 
And when the final curtain draws
He'll join the cretins in the harvest
Playing football playing wars
Or who can piss the farthest
 
I would join the doggic host
And love my days on earth
As my day to day lampost
I would use Madame Thatcher
 

P'tit dej' blues (Renaud Séchan)

Ben voilà la galère c'est r'parti pour un tour
Carrément comme hier j'suis encore à la bourre
Pendant c'temps ma gonzesse doit sortir de la douche
Se fringuer en vitesse et se peindre la bouche
Et oublier peut-être que les yeux pleins de neige
Ce matin c'est son mec qui a fait son p'tit dej'
Son p'tit dej'

Ben voilà la galère j'enfile ma camionnette
J'vais bouffer d'la poussière j'en ai déjà plein les guêtres
Je suis mal dans mes grolles et mal sur ma banquette
Et ces putains d'bagnoles qui me ruinent la tête
Pendant c'temps ma gonzesse baptise le plumard
Et regarde ses fesses dans la glac de l'armoire
De l'armoire

Ben voilà la galère marné pendant huit plombes
J'irai bien m'jeter une bière t't'à l'heure à la Rotonde
J'appellerai ma gonzesse pour lui dire que tout baigne
Mais non j'suis pas chez une maîtresse j'suis au bistrot et j't'aime
J'lui dirai n'oublie pas ce soir d'acheter du vin
Sinon y'en aura pas pour son p'tit dej' demain
Demain

Ravachol

Il s'app'lait Ravachol c'était un anarchiste
qu'avait des idées folles des idées terroristes
Il fabriquait des bombes et les faisait sauter
pour emmerder le monde les bourgeois, les curés
A la porte des banques dans les commissariats
ça f'sait un double-bang j'aurais aimé voir ça

Mais un jour il fut trahi par sa meilleure amie
livré à la police la prétendue justice.
Au cours de son procès il déclara notamment
n'avoir tué aucun innocent
vu qu'il n'avait frappé que la bourgeoisie
que les flics les curés les fonctionnaires pourris
Mais le juge dit Ravachol on a trop discuté
tu n'as plus la parole maint'nant on va trancher

Devant la guillotine il cita ben voyons
le camarade Bakounine et l'camarade Proudhon
Si tu veux être heureux pends ton propriétaire
coupe les curés en deux tue les p'tits fonctionnaires
Son exemple fut suivi quelques années plus tard
par Émile Henry autre ennemi du pouvoir

Camarade qui veux lutter autour du drapeau noir
drapeau d'la liberté drapeau d'l'espoir
rejoins le combat du Groupe Ravachol
et n'oublie surtout pas qu'la propriété c'est l'vol
Il s'app'lait Ravachol c'était un anarchiste
qu'avait des idées pas si folles des idées terroristes


Toute seule à une table

Toute seule à une table
Si c'est pas gâché
T'es encore mettable
Pas du tout fanée
  
T'as quoi ? Quarante-cinq ?
Allez cinquante balais
Tu fais beaucoup moins qu'
Ta montre ton collier  
    
Ça fait bien une plombe
Que j'te mate en douce
Dans c'resto plein d'monde
Que tu éclabousses  
   
De ce charme obscur
Qui parfois nous pousse
Vers les femmes mûres
Et aussi les rousses
  
Toute seule à une table
Si c'est pas gâché
T'as les yeux du diable
Pi t'as l'air gaulée
  
Comme un château d'sable
Avant la marée
Comme un dirigeable
Avant les pompiers
  
C'est pas un lapin
Qu'on t'aurait posé
Tu r'gard'rais tes mains
Et la porte fermée  
      
Tu boirais du vin
Tu s'rais maquillée
T'attends p't'être un chien
Pas un fiancé

Toute seule à une table
Si c'est pas gâché
Belle et misérable
Quel est ton secret
   
Derrière le rideau
De tes yeux baissés
Quel est le salaud
Qui te fait pleurer
  
A la façon qu't'as
D'jamais m'regarder
'Mon avis c'est moi
Qui t'fais chavirer
  
Ou alors c't'un drame
Trop dur à percer
Comme la cellophane
Autour d'un CD
  
Toute seule à une table
Si c'est pas gâché
Et ce mec minable
C'est lui qu't'attendais ?
  
Ma parole je rêve
Y va t'embarquer
Sans finir ton chèvre
Sans boire ton café
  
Y doit être chausseur
Et toi sa vendeuse
Tu regardes l'heure
Et t'as l'air heureuse
  
Si un jour j'te chope
J'te l'dis dans les yeux
Le malheur salope
Te va beaucoup mieux

Viens chez moi j'habite chez une copine (Renaud Séchan)

Musique originale du film "Viens chez moi j'habite chez une copine" avec Bernard Giraudeau et Michel Blanc réalisé en 1980.

J'ai l'coeur comme une éponge
Spéciale pour fille en pleurs
Heureus'ment pa'c'que ma tronche
C'est pas vraiment une fleur
J'emballe tout c'qui s'présente
Les cousines les belles-soeurs
J'ai l'démon du bas ventre
Mon métier c'est dragueur
Dés que j'rencontre une frangine
J'lui dis salut toi ça va
 
Viens chez moi j'habite chez une copine
Sur les bords au milieu c'est vrai qu'je crains un peu
 
Je glande un peu partout
Avec mon sac de couchage
Je suis dans tous les coups foireux
Tous les naufrages
J'ai des potes qu'ont d'l'argent
Ben y travaillent c'est normal
Moi mon métier c'est feignant
Hé mec t'as pas cent balles
J'ai des plans des combines
Pour vivre comme un pacha
 
Viens chez moi j'habite chez une copine
Sur les bords au milieu c'est vrai qu'je crains un peu
 
J'ai même été étudiant
Chômeur baby-sitter
Quand j'pense que mes parents
Voulaient qu'je sois docteur
Parfois quand j'ai du blé
Je flambe comme un malade
L'pognon j'l'ai pas gagné
Mais mon métier c'est minable
Ouah super la rouquine
Hé salut toi ça va
 
Viens chez moi j'habite chez une copine
Sur les bords au milieu c'est vrai qu'je crains un peu
 
Hé viens chez moi j'habite chez une copine
J'ai mon mat'las dans la cuisine
Alors tu viens si tu veux tranquille
Allez viens
 
Viens chez moi j'habite chez une copine
Allez viens la frangine
Allez viens
Non ah bon d'accord

Welcome Gorby

Il est pas né le mec qui m'f'ra
Dire qu'j'ai d'la tendresse pour les rois
Ou pour les chefs
Z'ont tous mérité dans l'histoire
Les foudres de mon encre noire
Mais Gorbatchev
Est un p'tit bonhomme épatant
Contre qui je n'ai pour l'instant
Aucun grief
Personne méritait plus que lui
L'prix Nobel de la pénurie
Et de la dèche
 
Welcome Gorby, bienv'nue ici
Où on est quelques-uns, je crois
Un copain à moi et pis moi
A espérer
Qu'tu vas v'nir avec tes blindés
Nous délivrer
 
T'as fait tomber le mur de Berlin
Si tu sais pas quoi faire des parpaings
Pour ta gouverne
Y'a d'la place ici, mon pépère
Autour de tous les ministères
Toutes les casernes
ça évit'ra qu'le populo
Un jour nous pende tous ces barjots
A la lanterne
Quoiqu' pour une fois ça s'rait justice
De contempler ces pauvres sinistres
La gueule en berne
 
Ici y'a des chaînes à briser
Commence par les chaînes de la télé
Ca serait Byzance
Que tu nous débarrasses un peu
De ce "Big Brother" de mes deux
J'te fais confiance
Tu pourras aussi liquider
Les radios FM à gerber
Qui nous balancent
De nos chanteurs hydrocéphales
Et de leur poésie fécale
Toute l'indigence
 
Welcome Gorby, bienv'nue ici
Où on est quelques-uns je crois
Un copain à moi et pi moi
A espérer
Qu'tu vas v'nir avec ton armée
Tout balayer
 
Tu peux construire si tu t'amènes
Quelques goulags au bord de la Seine
De toute urgence
Ici y'a un paquet d'nuisibles
Qui nous font péter les fusibles
De la conscience
Des BHL et des Foucault
Pas l'philosophe non l'autre idiot
Des Dorothées
Fort sympathiques au demeurant
Je dirais plus exactement
Aux demeurés
 
Welcome Gorby bienv'nue ici
Où on est quelques-uns, je crois
Un copain à moi et pis moi
A espérer
Qu'tu vas v'nir claquer l'beignet
A tous ces tarés
 
On a ici c'est bien pratique
Quelques hôpitaux psychiatriques
Qu'tu peux vider
Pour y foutre les psychanalystes
Les députés les journalistes
Et les Musclés
Ca va te faire un sacré boulot
Mais si tu veux des collabos
Faut pas t'miner
Tu sais à part dans mon public
En chaque français sommeille un flic
T'as qu'à piocher
 
Si t'en as marre du communisme
J'te raconte pas l'capitalisme
Comme c'est l'panard
Comment on est manipulés,
Intoxiqués, fichés, blousés
Par ces connards
Viens donc contempler nos idoles
Elles sont un peu plus Rock and Roll
Que ton Lénine
Bernard Tapie et Anne Sinclair
'Vec ça tu comprends qu'notr'misère
Soit légitime
 
Welcome Gorby, bienv'nue ici
Où on est quelques-uns, je crois
Un copain à moi et pis moi
A espérer
Qu'tu vas v'nir éliminer
Nos enfoirés
 
Welcome Gorby, bienv'nue ici
Où on est quelques-uns, je crois
Un copain à moi et pis moi
A supposer
Qu'si tu v'nais avec tes blindés
Y voudraient sûr'ment pas rester

Zénobe

Zénobe attend
Il a quinze ans
Il se pique et il se came 
Pique et pique et colle gram
Il sent qu'il dose
Sa dose

I' s'dit souvent
Qu'c'est qu'un passe-temps
Au milieu de cette vie
Où tout n'est que pacotille
Rien qu'du cinoche
C'est moche

Il prend sa neige
Prend sa blanche neige
Et tant pis si le temps s'enfuit

Zénobe attend
Il a vingt ans
Et pour s'envoyer en l'air
Cette aiguille, ce bout de fer
Qui l'ankylose
Il ose

I' s'dit parfois
Qu'ça lui pass'ra
Mais c'est une sacrée belle fête
Tous ces arbres à came en tête
Qui font qu'la vie
Dévie

Il prend sa neige
Prend sa blanche neige
Et tant pis si le temps s'enfuit

Zénobe attend 
Il a trente ans
Souvent dans sa veine bleue
Il enfonce tout ce qu'il peut
Il continue
Sa mue

I' s'dit qu'la vie
Elle est pourrie
Quand il regarde devant
Il voit des sables émouvants
Et d'la poussière
Derrière

Alors il prend sa neige
Sa dernière neige
Et tant pis si la vie s'enfuit
Et tant pis si la vie s'enfuit

 Regardez, bourgeois !
(Renaud Séchan)

C'était à prévoir,
Je l'avais prédit .
...Encore l'abattoir,
Encore la tuerie.

Les flics rouillés
Depuis Mai dernier
Ressortent des cars
Avec leurs pétards.

Regardez, bourgeois,
Et la prochaine fois
Vous ne voterez pas !

Comble de malheur,
Nos petits pavés
Ne sont pas en fleur.
On les a noyés.

Sous le macadam
Ils sont engloutis,
Nous prendrons d'autr's armes,
Couteaux ou fusils.

Regardez, bourgeois,
Et la prochaine fois
Vous ne voterez pas !

Dans les bidonvilles
D'Aubervilliers,
Dans ceux de Belleville,
On en a assez.

De tous les cachots
Monte la colère,
Montent les impôts,
Baissent les salaires.

Regardez, bourgeois,
Et la prochaine fois
Vous ne voterez pas !

Les casernes dégueulent
Leurs soldats de bois,
Leurs soldats de plomb
Ou de je n'sais quoi.

Le sol est jonché
D'un sang rouge et noir
Qui vient arroser
Les pieds du pouvoir.

Regardez, bourgeois,
Et la prochaine fois
Vous ne voterez pas !

Le pays entier
Est paralysé,
Usines occupées,
Grève illimitée.

Les facs ne sont
Plus que des bastions
Où sont éduqués
Tous les enragés.

Regardez, bourgeois,
Et la prochaine fois
Vous ne voterez pas !

La révolte éclate,
Les grenades aussi.
Drapeaux écarlates
Partout sont brandis.

Guérilla urbaine,
On tire des toits.
Les lacrymogènes
Pètent çà et là.

Regardez, bourgeois,
Et la prochaine fois
Vous ne voterez pas !

Regardez, bourgeois,
Regarde, papa,
Pompidou est là !


La petite vague qui avait le mal de mer

 Paroles et Musique: Renaud Séchan 1995 "Les introuvables"

Il était une fois une petite vague perdue au milieu de l'océan, une petite vague de rien du tout, quelques centimètres de haut, à peine plus large, une petite vague insignifiante et anonyme, ressemblant comme une goutte d'eau aux millions de petites vagues voyageant sur les mers depuis des millions d'années au gré des vents et des marées. 

Mais, vous vous en doutez, si je vous raconte ici son histoire, c'est qu'elle était différente de ses petites sœurs. Pas physiquement, non, mais dans son petit cœur de petite vague, cette petite vague avait bien du vague à l'âme. Son papa et sa maman étaient deux grosses vagues énormes et rugissantes, deux magnifiques déferlantes qui s'étaient croisées une nuit de tempête, l'abandonnant aussitôt née à son destin de vaguelette, orpheline et désemparée. Son père avait été plus tard emporté dans un ouragan, s'était accroché à un cyclone et, dans un tonnerre d'écume et de vent, était parti ravager les terres les plus proches d'où il n'était jamais revenu. Sa mère, poussée par un vent du nord, connut une fin tout aussi aventureuse mais bien plus sympathique. Les courants marins la portèrent jusqu'aux côtes d'un pays si chaud qu'elle s'évapora, monta au ciel en millions de gouttes d'eau et, après avoir voyagé dans un gros nuage lourd, retomba en pluie sur des terres arides où, la vie, absente par manque d'eau, revint bientôt. Depuis des siècles qu'elle ondoyait à la surface de l'eau, avec pour seule compagnie l'écume et le vent, avec pour seul horizon l'horizon, pour seul spectacle celui du jour se levant et du soleil couchant, la petite vague s'ennuyait à mourir et ne supportait plus de vivre au milieu de l'océan. 

Bref, la petite vague avait le mal de mer. Elle avait bien eu parfois, des années auparavant, la visite de quelques baleines venues percer la surface de l'eau, dans un grand geyser d'écume et des milliards de gouttes d'eau s'éparpillant dans le ciel comme une pluie de diamants, mais les baleines chassées par les hommes avaient bientôt disparu elles aussi. Sa vie s'écoulait monotone. Au fil des jours de calme plat ou des nuits de tempête, la petite vague attendait vaguement, sans trop y croire, un miracle météorologique qui l'emporterait vers d'autres cieux. Elle redoutait par-dessus tout ces nuits de pleine lune où l'océan devient lisse comme un miroir, où même le vent ne chante plus, où les vagues petites et grosses s'aplatissent jusqu'à se confondre en une immense étendue d'eau infinie, immobile et sans vie. Elle n'aimait pas non plus la houle qui la faisait rouler, craignait les ouragans qui la malmenaient et se méfiait des mers démontées ou hachées qui risquaient de la séparer de ses amies, les petites vagues insouciantes qui l'accompagnaient, insensibles, elles, au vague à l'âme et au mal de mer. 

La petite vague n'avait jamais vu un bateau. La petite vague n'avait jamais vu un baigneur, ni le moindre pédalo, jamais vu le bord de l'eau. La petite vague en avait par-dessus la crête de passer sa vie à faire des vagues, la petite vague écumait de rage de n'avoir jamais vu la plage. Elle rêvait qu'un vent malin viendrait un jour la conduire sur le sable doré d'une plage ensoleillée. Ah, enfin pouvoir rouler, chanter, rebondir et me briser sur les galets, songeait-elle, venir chatouiller les doigts de pieds des enfants, entendre leurs cris à mon approche, aller, venir, descendre et remonter, m'éparpiller au milieu des coquillages, des algues et des petits poissons argentés, me reformer en grondant pour de rire, en faisant semblant d'attaquer, et repartir en emportant un ballon oublié, et puis le ramener dans un tourbillon de mousse et d'eau salée. 

La petite vague pensait aux vacances qu'elle ne connaîtrait jamais. Lorsqu'une grosse vague, à quelques brasses d'elle, cria "Terre à l'horizon !".La petite vague n'en crut pas ses oreilles. Elle se précipita vers sa grande sœur, se hissa sur son dos et distingua vaguement à l'horizon la ligne sombre d'une terre inconnue. Elle recommença l'opération une deuxième fois, puis une troisième. À chaque fois, un élément nouveau lui apparut. Une ville, un port, une plage. Les courants maintenant la tiraient vers la côte, la charriaient comme un fétu de paille poussé par le vent. Elle sentit bientôt son eau se réchauffer et l'air marin se charger des odeurs de la terre.

 Pour la première fois de sa vie la petite vague respira le parfum des forêts, des villes et des campagnes, des animaux et des hommes. Elle en fut d'abord émerveillée, puis l'émerveillement fit place à l'étonnement, enfin à la déception. Les odeurs nauséabondes de gaz carbonique qu'elle découvrait lui rappelaient étrangement celles des nappes de pétrole qu'elle avait parfois croisées dans sa longue vie de petite vague au milieu de l'océan. Et comme elle pensait à cela, déterminée malgré tout à atteindre cette plage dont elle rêvait depuis si longtemps, elle rencontra une de ces nappes de pétrole dérivant au fil de l'eau, au gré des courants, et s'y englua. Elle réussit à s'en échapper après bien des efforts, aidée par un courant ami qui l'emmena bientôt presque au bord de la plage. Des enfants s'y amusaient. Des adultes allongés, immobiles, semblaient y dormir, insouciants du soleil qui leur brûlait la peau. Des chiens couraient, des mères criaient après leurs enfants, des papas après maman, des adolescents faisaient hurler leurs transistors et des baraques à frites enfumaient le tout d'une odeur d'huile chaude qui se mêlait à celle dont les corps étaient enduits. La petite vague ralentit son avance. Elle rencontra bientôt une eau saumâtre, mais personne ne lui dit qu'il s'agissait des égouts de la ville qui se déversaient là. Elle croisa quelques bouteilles en plastique, des sacs poubelle, des détritus de toutes sortes, fut presque coupée en deux par un gros monsieur rougeaud hissé sur une planche à voile, avant de s'échouer enfin au bout de son voyage, au bout de son rêve, sur le sable grisâtre de la plage au milieu des tessons de bouteille, des capsules de bière et des châteaux écroulés des enfants agités. 

 Jamais le vague à l'âme de la petite vague n'avait été si grand. Elle ne s'attarda guère sous les pieds palmés. Quelques aller retour à brasser les ordures et elle s'en fut dans le sillage d'un bateau à moteur qui frôlait les baigneurs, rejoindre le grand large qu'elle regrettait déjà d'avoir quitté. Alors qu'elle longeait la côte, suivie de près par quelques amies vaguelettes aussi déçues qu'elle par la fréquentation des humains, elle entendit, venant de la terre, des petits cris stridents, à peine perceptibles, presque des sifflements. Ils n'avaient rien de commun avec les cris des enfants braillards de la plage. La petite vague avait déjà entendu ces cris quelques années auparavant, peut-être quelques siècles. Un jour que des dauphins étaient venus la frôler, courir sous elle, jouant dans son écume, brisant sa crête de leurs ailerons pointus. Comment les cris d'un dauphin pouvaient-ils venir de terre ? la petite vague se dirigea de nouveau vers la côte, guidée par les sifflements, comme un navire perdu dans la nuit est guidé par la lueur du phare. Derrière une digue se dressaient les hauts murs d'un Marine-land. La petite vague ignorait qu'on enfermait des orques et des dauphins dans des bassins pour le plaisir des petits terriens. Mais il ne fut pas nécessaire de lui faire un dessin: elle comprit vite que des créatures marines étaient prisonnières ici. A l'instant où, provenant distinctement de derrière ces murs, les sifflements reprirent, elle vit bondir en l'air un magnifique dauphin gris argenté qui, après avoir semblé s'immobiliser une fraction de seconde dans le ciel, retomba dans un grand "splatch" dans son bassin-prison. Un tonnerre d'applaudissements accompagna la pirouette.

Renaud

 Les Inédits de fond de tiroirs, vraiment peu ou pas connus.