La religion
La
religion – catholique – a toujours été, pour Renaud, une force rétrograde,
qui, à rebours de l’action positive de certains individus, empêche le développement
intellectuel de la personne et annihile sa liberté, ce que le chanteur traduit
avec ses mots en affirmant que
Ce
sont les hommes pas les curés
Pour
autant, Renaud ne rejette pas tous les messages chers à l’Église. Ainsi
reprend-il à son compte le thème central de l’amour du prochain :
C’est
l’amour de ton prochain,
Même
si c’est un beau salaud,
La
haine ça n’apporte rien,
Pis
elle viendra bien assez tôt
Mais
le chanteur entend laïciser cette notion. « Je croyais que la religion
c’était l’opium du peuple, mon papa… », fait-il ainsi dire à sa
fille dans une de ses chroniques. « Aimer son prochain, c’est une drogue
douce, mon amour. Et ça devrait être remboursé par la Sécurité sociale »,
conclut l’attentionné père. Cette digression, surprenante de prime abord
sous la plume du chanteur athée, permet de supposer des similitudes entre la
pensée de Renaud et certains des thèmes de la religion chrétienne, que le
chanteur fait siens à partir du moment où ceux-ci n’ont pas été travestis
par une Église officielle sectaire, ne cherchant qu’à enrégimenter.
Ainsi,
devant un catholicisme perçu comme assujettissant et peu progressiste, Renaud,
affichant ostensiblement une croix huguenote autour de son cou, n’hésite-t-il
pas à promouvoir publiquement les idées de tolérance, d’humanité, de générosité,
propres, selon lui, à ce qu’il considère être moins une religion qu’une
morale, une culture. Ce que recherche et trouve Renaud dans
le protestantisme, ce n’est pas un Dieu ou un ramassis de règles religieuses
à obséquieusement reproduire, mais un état d’esprit, un ensemble d’idées
générales et généreuses pouvant être librement pratiqués. « Je me
sens appartenir, dira le chanteur, à une identité culturelle, une identité
d’esprit, et je constate qu’en France la communauté protestante, dans sa
grande majorité, partage les valeurs d’humanisme, d’antiracisme, de
tiers-mondisme qui sont les miennes ». Ne craignant pas le paradoxe,
Renaud se définit ainsi originalement comme un « protestant non
croyant-non pratiquant ».
Laurent
Berthet-Le Banquet, janvier 2004, n°19/20 (Renaud
ou l’humanité meurtrie