La polémique ne va pas tarder à reprendre ....
de plus belle !
Le Baclocur,
un premier médicament contre l’alcoolisme
Commercialisé depuis ce lundi, le Baclocur est remboursé pour soigner la
dépendance à l’alcool. Mais le dosage maximal de 80 mg reste insuffisant pour
les cas les plus sévères et fait l’objet d’un recours au tribunal administratif.
Par Elsa Mari
Après des années de controverses, c'est un espoir pour 3 millions de Français
« Comme beaucoup d'autres, ce n'est
pas un comprimé miracle mais c'est le seul efficace dans des proportions qui
restent à définir, réagit William Lowenstein, président de la
fédération SOS Addictions. Il nous permet d'échapper à la tyrannie de
l'abstinence dont on connaît les faibles résultats. L'alcoolisme, c'est
l'inverse de la phrase Quand on veut on peut. Là vous voulez mais vous ne
pouvez pas. » Pour beaucoup de patients, ce traitement a changé leur vie, leur
coupant toute envie de boire.
Un dosage insuffisant pour les dépendances sévères
Ce nouveau comprimé signe-t-il donc la fin d'une saga médicale qui dure depuis
plus de dix ans ? Pas certain. « Ce n'est absolument pas une bonne nouvelle »,
fulmine Christine, 43 ans (le prénom a été modifié), sous Baclofène
depuis 2011 et furieuse contre le dosage maximal, fixé à 80 mg par jour.
En effet, sa commercialisation reste limitée alors que des médecins et malades
jugent cette quantité insuffisance pour traiter les dépendances modérées et
sévères. En 2017 , une étude de l'Assurance maladie,
qui avait mis vent debout plusieurs addictologues, évoquait des risques accrus
d'hospitalisation et de décès à fortes doses, d'où les restrictions prises par
l'agence du médicament.
Mais selon Christine, une tolérance s'appliquait jusqu'à présent. « Dans le
cadre de l'autorisation temporaire, j'arrivais à la pharmacie avec mon
ordonnance de 160 mg et j'avais le droit d'être remboursée. Maintenant, ce sera
jusqu'à 80 mg et le reste, je devrai le sortir de ma poche. C'est quand même
dingue ! On parle d'effets indésirables mais les seuls liés à l'alcool, ce sont
les 45000 morts par an. »
Pour garder un traitement efficace, Christine a déjà trouvé une combine. « Mon
médecin va me faire deux ordonnances de 80 mg, une pour mon mari, qui n'en a,
évidemment pas besoin et une pour moi, ce sera la seule solution pour avoir le
bon dosage, mes 10 cachets le matin et 5 l'après-midi. »
« Sans cela je serais morte ou dans un sale état »
Au début, Christine, qui buvait un litre de vodka par jour et un demi-litre de
vin pour noyer ses « problèmes de couple et d'angoisse », était même montée à
250 mg. « Sans cela, je serais morte ou dans un sale état », raconte celle qui,
seule avec son petit garçon, n'a jamais pu faire de cure de désintoxication. «
Aujourd'hui, je ne bois plus qu'une bière le soir, j'ai une vie normale. » Le
président du collectif Baclohelp, Thomas Maës-Martin, est aussi furieux contre
cette restriction.
« C'est comme si on disait aux diabétiques, l'insuline ne sera désormais remboursée qu'aux malades les moins graves. Pour les personnes faiblement dépendantes à l'alcool, on est content mais pour les autres, on est révolté !
En aucun cas, ce n'est une victoire ».
Cela ne rappelle-t-il pas une autre polémique médicale liée à un professeur marseillais et au Covid-19 ?
Le
tribunal a justifié sa décision par le "risque de rupture de traitement" que la
limitation des doses autorisées avec le Baclocur faisait courir aux patients qui
prenaient auparavant des quantités plus importantes de baclofène.
"Un
sursis à arrêt des soins leur est accordé", a de son côté réagi Baclohelp, en
jugeant toutefois "bien imprudent de se réjouir" puisque "cette suspension est
une étape technique préalable" avant la décision sur le fond.
Cette
suspension est une nouvelle étape dans la longue controverse entre les partisans
du baclofène et les autorités sanitaires, qui mettent en garde contre ses
risques.
Ce
produit est utilisé depuis les années 1970 comme relaxant musculaire, mais son
usage a peu à peu été détourné vers le traitement de l'alcoolisme.
Cet
usage alternatif a explosé en 2008 avec la parution du livre "Le dernier verre"
du cardiologue Olivier Ameisen.
Depuis 2014, le baclofène était autorisé dans le traitement de l'alcoolisme
grâce à une recommandation temporaire d'utilisation (RTU).
Puis
en octobre 2018, l'agence du médicament (ANSM) avait accordé au Baclocur
(laboratoire Etypharm) une autorisation de mise sur le marché (AMM) faisant de
lui le seul médicament à base de baclofène autorisé contre l'alcoolisme.
Cette
décision était entrée en vigueur lundi avec le début de la commercialisation du
Baclocur.
Mais
l'ANSM avait posé des conditions: une dose maximale de 80 mg/jour et une
prescription uniquement après échec des autres traitements.
Cela
avait conduit Baclohelp à déposer un recours en justice, après plusieurs autres
démarches similaires, notamment devant le Conseil d'Etat.
Dans
sa décision, le tribunal administratif pointe par ailleurs les "insuffisances du
dossier présenté par le laboratoire", qui font "naître un doute sérieux quant à
la légalité" de l'autorisation de mise sur le marché dont il a bénéficié.