23 avril 2008
La
«consommation contrôlée» pour croire encore qu' on est qu' un «buveur excessif» ?
(...si c'était possible de sortir de l'alcoolisme en continuant à boire,
ça se saurait non ?)
Dans le jargon médical, on appelle cela la «consommation contrôlée»: se défaire
de l'emprise de l'alcool, mais sans arrêter complètement de boire! Etonnante et
peu connue du grand public, l'idée a pourtant été développée dans les années
1960 déjà. Utilisée par des thérapeutes, la consommation contrôlée fait, depuis
quelques mois, l'objet d'un véritable programme en Suisse romande. Baptisée
Alcochoix+* et inspirée du Canada, la méthode est désormais proposée par les
hôpitaux de Neuchâtel et de Genève.
Entre l'ivresse chronique et l'abstinence, il y aurait donc une autre voie? En
réalité, la consommation contrôlée d'alcool s'adresse d'abord à une catégorie
bien particulière de buveurs. Des buveurs qui passent inaperçus même s'ils sont
très nombreux. En effet, lorsqu'on parle d'alcool, c'est généralement en deux
catégories que l'on divise la population: d'un côté, les consommateurs «normaux»
qui n'ont pas de problème et, de l'autre, les alcooliques véritablement
dépendants.
«On peut faire un état des lieux plus nuancé, confirme le Dr Pascal Gache,
médecin responsable de l'unité d'alcoologie des Hôpitaux universitaires de
Genève. On estime que 15% de la population ne consomment jamais d'alcool, 60%
sont des consommateurs dits «sociaux» qui n'ont pas de problème avec l'alcool,
5% sont alcoolo-dépendants. Entre les deux, 20% sont des consommateurs
excessifs. Parmi ceux-ci, il y a toutes sortes de personnes qui ne sont pas
dépendantes, mais qui rencontrent des problèmes avec l'alcool, notamment des
dommages au niveau de leur santé. C'est à ces consommateurs excessifs que le
programme Alcochoix+* s'adresse en priorité.
Mais qui sont-ils en réalité? Selon cette méthode, la consommation est définie
comme excessive au-delà de 14 unités par semaine pour les femmes, ou vingt et
une pour les hommes. Soit, par exemple, 14 verres de vin pour les premières ou
16 bières pour les seconds (une bière de 33 cl à 5% équivalant à 1,3 unité).
Voir Tableau
Pour revenir en arrière et lever le pied sur la boisson, le programme Alcochoix+*
passe en grande partie par de l'auto-observation. Le patient comptabilise sa
consommation, l'analyse avec un conseiller spécialement formé, sur une base
hebdomadaire, et se fixe des objectifs. «Le contrôle, c'est une compétence qui
est malmenée par les émotions ou l'environnement notamment, précise Pascal Gache.
Il faut s'entraîner à dire non dans certains contextes.»
Le médecin précise toutefois que la consommation contrôlée ne remplace pas
l'abstinence: «C'est une autre offre thérapeutique. Une approche
complémentaire.» Car la prudence est de mise et le tabou encore vivace autour de
la consommation contrôlée. Pour le comprendre, il faut rappeler que la
dépendance est un phénomène complexe, qui s'installe progressivement.
«Elle ne se définit pas en nombre de verres, mais en fonction de son rapport à
l'alcool», insiste Pascal Gache. Pour le médecin, dans certains cas, lorsque la
dépendance n'est pas trop sévère, retrouver une consommation contrôlée est
encore possible. «Selon les études, de 5% à 30% des
alcoolo-dépendants peuvent le faire, relève-t-il.
Mais on sait que la grande majorité ne le pourra pas!
D'ailleurs nous recevons des alcoolo-dépendants qui veulent essayer la
consommation contrôlée, parce qu'ils se sentent incapables à ce moment-là
d'arrêter complètement de boire. Dans leur cas, essayer le programme Alcochoix+*
a au moins l'avantage de leur faire prendre conscience que ce n'est pas la bonne
méthode pour eux.»
En effet, chez certains la dépendance a dépassé le stade de non-retour.
Là, tous
les professionnels rejoignent le message que martèlent depuis toujours les
associations : l'abstinence reste la seule solution..«On a tous, d'une manière
ou d'une autre, essayé de contrôler notre consommation, que ce soit par
nous-mêmes, avec un médecin ou avec un psy», confient en coeur Frédérique, sept
ans d'abstinence, et André, treize ans d'abstinence. Ça dure quelques semaines,
quelques mois peut-être... «Au bout d'un certain temps, j'avais tellement envie
de boire que je ne pouvais pas me contrôler», se souvient André.
Alors le programme Alcochoix+*, ils n'y croient pas. En tout cas pas pour des
gens comme eux: «On ne joue pas dans la même catégorie que les «consommateurs
excessifs». Nous, on est au-delà de la limite, on ne peut pas revenir en
arrière. L'alcool est plus fort que nous.»
Une maladie progressive, incurable et mortelle: c'est à travers ce prisme qu'ils voient l'alcoolisme. Puisqu'il leur est impossible de guérir, la seule
option qui leur reste, c'est de stabiliser la maladie. Et cela grâce à
l'abstinence stricte. «Pratiquée un jour à la fois», précise Frédérique.
Un message simple, bien plus simple que celui véhiculé par la consommation
contrôlée. Une ligne claire dont ils ont besoin. «Si je me dis: «Aujourd'hui
j'ai droit à trois bières», plutôt que: «Je ne bois pas», je vais commencer à
gamberger et à me demander quand, à quelle heure. Ça va très vite devenir une
obsession», explique franchement Frédérique, qui rappelle toutefois qu'on peut
«bien vivre» son abstinence: «Ce n'est pas forcément l'horreur d'être un malade
alcoolique, la sobriété peut être joyeuse et tout à fait vivable.»
Boire en se fixant une limite ou ne plus boire du tout, chacun peut faire son
choix. «Le propos n'est pas de dire aux alcooliques qu'ils peuvent continuer à
boire, mais de trouver ce qui leur convient, la méthode qui leur permettra de
s'en sortir», conclut Pascal Gache.
PS: Pour ma part, je rajouterai que
les gens qui consomment
modérément ne contrôlent pas... ils consomment modérément, c'est tout !!! Et un
buveur excessif va se contrôler tout sa vie - en étant convaincu que
contrôler, c'est un supplice !, un alcoolique retombera dans l'enfer bien vite.
SVPat
*http://www.alcochoix.ch/
Retour
MAAH
** Source
Le Matin Dimanche by Geneviève Comby 19/04/08