exposé *d'une malade alcoolique devenue abstinente

*  pour une débat ,d'un militant dans une Association d'Anciens Buveurs

Vous m’avez demandé de parler de l’entourage du malade alcoolique. Je ne vous donnerai pas de recettes miracles, de théories toutes prêtes. J’ai envie de vous livrer mes idées sur le sujet issues de mon expérience sur le terrain. Nous pourrons ensuite ouvrir un débat.

Avant tout, il faut préciser qu’il n’y a pas le malade ET son entourage, il y a une famille malade de l’alcool de l’autre. Lorsque la maladie alcoolique entre dans une famille, c’est tout un équilibre qui s’effondre.

Le chemin va être long pour redresser la barre, avec des moments de découragements, de doutes. J’ai vu des couples, des familles se reconstruire et je peux vous dire qu’il est extraordinaire de constater ce mieux être s’installer au fil des jours.

Lorsque j’étais en soin, seule, éloignée de tous, mon mari m’avait quitté, j’écoutais les autres malades faire des projets avec leur conjoint, leurs enfants, cela m’attristait et je me disais : quelle chance ils ont ! Je reste avec ma solitude pour compagne. Cela allait être difficile.

Je me trompais, mon expérience me prouve aujourd’hui que refaire une famille sur de nouvelles données, avec un passé emprunt d’évènements malheureux, n’est pas facile. La maladie alcoolique s’installe sournoisement. On ne sait pas à quel moment la dépendance arrive. Le malade perd sa liberté de s’abstenir de consommer des boissons alcoolisées, quel qu’en soient les conséquences.

Tout bascule, l’individu n’est plus rien sans alcool. Tous les matins, il lui faut boire pour pouvoir s’habiller, travailler, pour vivre … Il ne sert à rien de lui dire d’arrêter de boire. Il voudrait mais son corps ne peut pas. Il promet mais recommence le lendemain. Il promet mais ne le fait pas. Tu n’as pas de volonté, lui dit-on. C’est faux. Un processus chimique s’est mis en place dans son cerveau qui fait qu’il est obligé de maintenir son alcoolémie. Croyez-moi, lorsqu’on en arrive à ce stade, on ne boit pas par plaisir, on se dégoûte, on culpabilise.

Et l’entourage ? Qu’il soit familial, professionnel, tout le monde tente d’aider le malade souvent maladroitement. Je dis maladroitement parce que le malade est compliqué, difficile à cerner.

Il est nécessaire que la famille connaisse la maladie alcoolique. C’est à nous d’intervenir, d’expliquer, de ne pas nous occuper uniquement du malade, mais de prendre en compte la famille. Tout le monde n’est pas censé connaître le processus de la maladie. Il faut qu’un conjoint sache qu’il ne sert à rien de jeter les bouteilles puisque le malade trouvera de l’alcool par tous ls moyens. Il faut aider la famille à voir que le malade est emprisonné dans sa bouteille, que seul son alcool compte pour survivre.

Le seul but à poursuivre ensemble est d’amener le malade sur le chemin en essayant de protéger au mieux sa famille. La route est longue et la souffrance est grande.

Depuis des mois, le conjoint non malade, mène la barque avec les soucis énormes que cela comporte : financiers, relationnels avec les enfants, professionnels. C’est comme si subitement, il était veuf avec en plus un enfant à problème en plus. Il y a de quoi s’aigrir … et tomber malade. Un malade alcoolique est usant. Ne perdons jamais de vue que le conjoint est fragilisé.

Lorsque le couple a des enfants, le déséquilibre risque d’être plus grand encore. Regardez les enfants orphelins ou de divorcés qui ne peuvent compter sur un seul parent et qui souvent rencontrent plus de difficultés que d’autres. Il en va de même pour l’enfant dont un des parents souffre de maladie alcoolique. Pour le petit enfant, papa ou maman est malade. Plus grand, il comprend que l’alcool est responsable de tout. Il devra subir les remarques des autres enfants. La maladie alcoolique est encore dans notre société une tare, un vice. A nous de leur expliquer, de dédramatiser, de leur donner espoir. Nous savons que les infos alcool passent bien dans les écoles, les lycées.

J’ai dit que notre premier but était les soins. Le malade va apprendre qu’il a utilisé l’alcool comme un médicament pour affronter un mal de vivre, des problèmes qui le dépassaient. La psychothérapie qu’il suivra lui fera découvrir ce qui le fait souffrir au plus profond de lui-même. La relaxation le soutiendra dans les moments les plus difficiles. Le malade va se découvrir pendant les soins. Il va se retrouver et sera déjà mieux avec lui-même.

Et pendant ce temps, que devient la famille ? Elle souffre, elle continue à survivre. Il est primordial, de préparer avec la famille le retour du malade. L’ignorance amène à une dramatisation superflue. Il est nécessaire d’expliquer ce qui est pratiqué pendant les soins, de répondre à toutes les questions et surtout que les soins ne soient pas une fin en soi. Aucun membre de la famille ne doit ignorer que le chemin après soin risque encore d’être long, que chacun ne reprendra pas sa place du jour au lendemain. Avant tout, il est nécessaire de rétablir la communication au sein de la famille, car elle n’existait plus.

Le retour du malade ne doit pas être propice aux règlements de compte qui n’aboutissent qu’à une rupture définitive la plupart du temps.

Il faut reconstruire, ne voir qu’un avenir meilleur. Le malade a beaucoup culpabilisé, cette culpabilité aura en partie disparu en soins, mais il sait que la confiance ne se donne pas, qu’elle se mérite. Il n’ignore pas qu’il devra faire preuve de patience pour retrouver son rôle d’époux, de père, de mère.

La famille a peur de la rechute, sachez que le malade en a dix fois plus peur et que son apprentissage de vie sans alcool ne se fait pas sans souffrances. Un malade alcoolique est un hyper sensible, vous ne saurez lui faire plaisir qu’en le responsabilisant, vous lui redonnerez sa dignité qu’il croyait à tout jamais perdue.

Au fil des jours, c’est un nouveau couple qui se formera, beaucoup plus fort que celui qui s’était dit OUI devant Monsieur le Maire quelques années auparavant. Ce couple bardé de cicatrices, mais si émouvant, fera le bonheur des enfants dans la plupart des cas, car pour ces derniers, revoir papa et maman ensemble reste le plus beau cadeau du monde.

Plus âgés, la situation reste parfois plus délicate. Les enfants ont mûri plus vite, se sont responsabilisés prématurément, bien souvent ont au cœur une blessure difficile à cicatriser, blessure qui peut aller jusqu’au rejet du parent malade alcoolique, voire des deux. Souvent avant les soins, les liens affectifs de l’enfant ont évolué, il faudra beaucoup d’énergie pour rétablir la communication avec l’enfant. Lorsque rien n’est possible, il faut consulter un psychologue et demander conseil. La psychologie d’un enfant est complexe. Qu’est-ce qu’un enfant ? c’est un bébé qui a mis entre 3 et 6 ans pour acquérir une structuration mentale et qui par le stade de l’adolescence va devenir adulte. Pour construire, nous nous aidons tous de références. Pour l’adolescent, ces références restent les parents. Lorsque les structures vont mal, il y a un manque pour l’adolescent qui part sur des bases peu solides.

Bien souvent, l’enfant se réfugie derrière le parent non malade, lui donne toute son affection, et maudit l’autre qui trouble son bien-être. L’enfant est alors heureux de voir son père ou sa mère en soins et profite pour construire avec celui qui reste un couple imaginaire. Ainsi, il doit avec lui, le combler de câlins, devient plus raisonnable, lui sert de compagnon. Combien de conjoints n’ont-ils pas dit : « heureusement qu’il est là « , en parlant de leur enfant ? L’enfant devient une béquille affective sur laquelle le parent s’appuie.

Lorsque le malade alcoolique revient, l’enfant ne comprend pas pourquoi cet individu, qui troublait la vie, devient le centre du monde. La vie devient injuste pour lui, il n’a pas forcément envie de faire des efforts, il est déstructuré. Là encore la patience, l’affection, pourront venir à bout de cette situation.

Pour conclure, j’ai envie de dire que rien n’est plus beau qu’une famille harmonieuse. La maladie alcoolique se soigne bien. Nous militants, nous le savons. Il est de notre devoir de rendre du bien-être au malade alcoolique. N’oublions pas sa famille qui se trouve aussi en difficulté. Donnons leur l’espoir que le mieux-être est pour demain.

Pour l’entourage, des groupes d’anciens buveurs existent. Aux USA – Canada, dans les pays nordiques, des expériences de psychothérapie familiale ont donné d’excellents résultats. Ces thérapies comment à se mettre en place en France. A nous de savoir les utiliser. Elles peuvent devenir un excellent outil de bien-être pour la famille.

Mais je sais, que lorsqu’une famille a connu la souffrance de la maladie alcoolique, elle est prête à tout pour consolider ce bonheur retrouvé.

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jojo035 /AToute