20/08/2012
Ricard, respect mais nuances!
La mort soudaine de Patrick Ricard, à 67 ans(12 Mai 1945 – 17 Août 2012), est un événement très triste pour sa famille et inquiétant pour les milliers de salariés de son entreprise, même s'il avait, semble-t-il avec beaucoup de maîtrise et de sagesse, su prendre du recul et passer les rênes.
Pourtant, la presse et les médias pouvaient, sans manquer de respect ni à sa mémoire ni à son entourage, nuancer son bilan.
Une entreprise se juge à ses résultats financiers, évidemment, mais aussi à sa raison d'être!
Depuis sa fondation, Ricard a eu pour objectif de conquérir le public, catégorie par catégorie, en commençant chronologiquement par le monde ouvrier.
Le conquérir, c'est à dire le convaincre de boire son alcool plutôt qu'un autre, et de boire son alcool plutôt qu'une boisson non alcoolisée.
L'idée qu'il y a de la convivialité dans la boisson alcoolisée est un mythe qui a été constamment promu par Ricard.
(Au passage, d'ailleurs, et contrairement à ce qui a été écrit et dit partout, Patrick Ricard n'est pas parti de rien, il est le fils de son père. Il n'y a aucune honte à cela! Mais ce n'est pas parce qu'on est dans un choc de deuil qu'il faut se laisser aller à écrire des contre-vérités.)
Peu à peu, Ricard a, comme toute entreprise, cherché d'autres marchés à conquérir. Et c'est sans états d'âme qu'il s'est attaqué, au sens propre du terme, aux jeunes.
Il a systématiquement démarché les Bureaux des élèves et les a, on peut dire, "chouchoutés". Chouchoutés par Ricard plus que par toute autre entreprise, particulièrement les élèves d'écoles prestigieuses, qui pourront relayer une belle image de marque.
Open bars... Happy hours... Patrick Ricard a investi encore et encore dans la musique, il a sponsorisé soirées spéciales après soirées spéciales...
Le monde de la nuit a été travaillé, labouré, littéralement quadrillé par ses services commerciaux.
Bien entendu, un petit budget - ridicule au regard des investissements publicitaires et commerciaux - a été investi dans la prévention de l'alcoolisme. Mais avec quelle crédibilité?
Juste pour se rafraichir les idées, l'alcool, c'est
40 % des bagarres dans les lieux publics ;
35 % des agressions familiales (en général, violences contre les femmes) ;
32 % des actes de délinquance (vandalisme, destructions) ;
20 % des vols.
(Ces chiffres sont tirés d'une étude de chercheurs grenoblois consultable par exemple ici.)
Et comme chacun le sait, un mort sur deux dans les accidents de la route.
A tout cela, la société Ricard contribue.
Cela n'empêche pas qu'il ait pu être un homme aimé par sa famille et ses proches, un bon patron, un vrai mécène.
Aux millions de victimes directes et indirectes de l'alcoolisme, rampant ou évident, du binge drinking et de tout ce qui va avec, je voulais malgré tout dire qu'on ne les oubliait pas.
http://genevievejurgensen.blog50.com/archive/2012/08/20/ricard-respect-mais-nuances.html - Notre Temps-
PS: Je lis ceci dans la presse: "La ministre déléguée aux Personnes handicapées Marie-Arlette Carlotti a souligné que Patrick Ricard avait "su développer la marque, tout en conservant des préoccupations sociales pour ses salariés". Qu'est-ce que la ministre déléguée aux personnes handicapées vient faire là-dedans? N'est-ce pas déplacé, voire de très mauvais goût? Combien d'handicapés en France doivent leur handicap à la soit-disant convivialité du pastis, du Malibu, et du litron de vodka absorbé à gorge déployée?