LA RELATION D’AIDE  AU MALADE ALCOOLIQUE
 

1 - GÉRER LE TEMPS

L’urgence n’existe pas en matière d’alcoolisme, sauf indications particulières :
- Delirium Tremens, épilepsie, agitation, violence…
Mais là, il s’agit dans peu de cas, du rôle d’une association d’intervenir.

La relation d’aide est un processus sur du long terme. Une dose de patience est nécessaire. Il peut se passer des semaines, des mois, entre la prise de conscience de la personne, la démarche de soins et l’acquisition d’un équilibre relationnel.
Signifier à la personne, à son entourage qu’il faut être patients, peut provoquer des situations de découragements, de rechutes, d’échecs.
Mais faut-il se voiler la face, garder l’illusion d’une « guérison » quasi-immédiate ?
De même il est important de limiter les visites, les rencontres dans le temps. Limiter au niveau de la durée, de la fréquence. C’est, cependant, rester disponible tout en évitant un envahissement.

2 - ÉCOUTER

Savoir écouter le malade alcoolique est l’une des priorités.
Il s’agit dans un premier temps de prendre en compte sa parole. D’amener la personne, si elle le désire, à se confier à l’accompagnant plutôt qu’à sa bouteille.
« L’alcoolique ,  ça ne me dit rien »   dit Clavreul  et pourtant…
A travers tous les récits, les rencontres, les interviews que j’ai pu lire, analyser, l’alcoolique a un trop plein intérieur noyé par l’éthanol.
Le discours est douloureux, une terrible souffrance l’envahit.
L’accompagnant devra encourager l’expression libre des sentiments au travers d’une relation de confiance, de sincérité.
Dans un entretien, il faut pouvoir reformuler, rebondir, sur les points qui paraissent essentiels et que la personne aura volontairement ou inconsciemment peu ou pas abordés. C’est aussi accepter les non-dits, respecter le discours.

3 - RECEVOIR

Les propos de l’alcoolique ne sont pas, dans beaucoup de cas, faciles à recevoir. Ils sont souvent empreints de déni, de mépris, de haine… Autant d’émotions que l’aidant va recevoir et entendre. La difficulté réside dans une forme de distanciation car beaucoup de ces paroles auront chez l’accompagnant une résonance émotionnelle. Celui-ci aura dû auparavant identifier ses propres ressentis. Il ne s’agit pas non plus de ne pas se dire, mais de se différencier. « Ce que tu dis t’appartiens, ce je dis m’appartiens »
Lorsque la relation de confidence est enclenchée s’ensuit tout un flot de paroles, un déversement de souffrances liées plutôt aux conséquences sociales de ses excès. Recevoir   pour l’accompagnant consiste alors à aider la personne à faire le tri, à resituer les problèmes afin qu’il puisse les traiter un par un, et suivant son désir, sa priorité , établir un début de projet de restructuration.
Recevoir, c’est aussi pour l’aidant pouvoir énoncer ses limites tout en assurant une disponibilité. Limites, dans le sens où l’accompagnant est un bénévole et non un professionnel, disponibilité dans le sens ou il est peut-être l’unique lien de la personne en difficulté et / ou de son entourage.

4 - DÉCODER

La première rencontre avec la personne est fondamentale, elle va permettre à chacun des protagonistes de se situer, de s’appréhender.
Un des premiers objectifs est de déterminer si sa présence est souhaitée. De vérifier que celle-ci ne lui a pas été imposée par une tierce personne, si  oui, qu’elle accepte quand même cette présence, qu’existe un désir de s’en sortir ou de pouvoir se dire que pour l’instant il en est loin.
Les premiers échanges sont bien souvent des généralités, des banalités, des histoires…
A travers ses mots, ce déluge de propos anodins, l’accompagnant réussira peut-être à capter, à repérer un mot-clé, il lui faudra reformuler des questions, des phrases pour tenter d’amener la personne à raconter son histoire et non plus une histoire. Le ramener à sa réalité, son vécu…

5 - DÉFINIR LES RÔLES

Pour que l’accompagnement soit « efficace », il est nécessaire de définir qui fait quoi, comment, où et pourquoi.
Le rôle principal est tenu par la personne alcoolique, il est acteur et non figurant. Lui permettre un rôle majeur est synonyme d’une reconnaissance en tant que personne faisant partie d’un système. C’est aussi lui donner la possibilité d’être en position haute et non plus d’infériorité, lui redonner une valeur, l’amener vers une autonomie.
L’entourage familial, s’il existe, aura comme mission de soutenir, de protéger et surtout d’aimer. La personne alcoolique est dans bien des cas une personne en mal d’amour.

6 - ORIENTER

Savoir orienter un malade vers les structures de soins adaptées est l’un des principes auquel chaque accompagnant doit se référer. Loin de se dévaloriser, il faut par  là reconnaître ses limites. Pour soi et pour le malade.
S’il est une orientation qui est entrée de fait dans le fonctionnement, c’est celle d’emmener le malade vers son  médecin généraliste dans le but  de le faire admettre en centre de cure.
A son retour, ses problèmes n’en seront pas réglés pour autant. Très souvent, des problèmes psychologiques n’ont pas été pris en compte ou trop peu. La tentation est forte de vouloir jouer aux apprentis sorciers. Les dégâts potentiels sont énormes. La problématique d’un tel cas de figure fait apparaître des situations souvent difficiles à gérer. En effet, comment refuser qu’un malade se confie à l’accompagnant ? Les confidences sont parfois dangereuses dans la mesure ou le malade attend une aide qu’il croit ne  trouver nulle part ailleurs. Il appartient à l’accompagnant de l’aider à entamer une démarche psychothérapeutique s’il le souhaite.
C’est aussi lui dire qu’il n’a effectué qu’une partie du chemin menant à la guérison.
Savoir orienter le malade, savoir s’appuyer sur les structures professionnelles existantes doivent être les bases de fonctionnement et d’efficacité de l’association concernant la prise en charge du malade alcoolique.
Certains des principes je viens d’émettre peuvent laisser entrevoir des paradoxes, voire des contradictions. En fait , il appartient à chaque personne souhaitant faire de l’accompagnement, d’identifier les émotions avec lesquelles il est. Pour accompagner, que ce soit dans la mort, dans la maladie mentale, dans toute pathologie spécifique, il est nécessaire d’avoir une connaissance, une disponibilité intérieures – ce n’est pas toujours facile, encore moins lorsque l’on est bénévole -.


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