En 2009, Annie Rapp, psychothérapeute, découvre les effets positifs du Baclofène sur les personnes souffrant d'alcoolisme. Ce myorelaxant, à l'origine réservé aux patients atteints de sclérose en plaques, a déjà convaincu une partie du corps médical.
Pourtant, sa mise sur le marché n'a toujours pas été autorisée pour cette vertu curative.Baclofène et Addictions.
Exposé d'Annie Rapp sur son expérience avec ses patients au colloque du 26 juin 2010.
Depuis la sortie du livre, en 2004, du Dr. Olivier Ameisen, relatant son expérience ce guérison d'un alcoolisme sévère grâce à la prise de Baclofène à haute dose, les études cliniques tardent à être mises en place dans notre pays. Aussi, un certain nombre de médecins français, constatant les excellents résultats de ce traitement dans cette indication, ont commencé de prescrire ce médicament sans attendre l'autorisation de mise sur le marché dans l'indication de l'alcoolisme. Avec le Dr. Ameisen, ils ont exposé leur expérience lors de deux colloques qui se sont tenus à Paris en mai et en juin 2010.
Annie Rapp a expliqué qu'elle pratiquait la psychothérapie en libéral et qu'elle avait débuté en tant que médecin en psychiatrie.
Comme praticienne elle a choisi la psychothérapie plutôt que la psychiatrie mais prescrit des médicaments en parallèle à la thérapie verbale. Elle pratique une thérapie interprétative, humaniste, cognitivo-émotionnelle avec de la Programmation Neuro Linguistique (PNL).
C'est elle même qui s'est proposée comme prescripteur après avoir lu le livre d'Olivier Ameisen. « Le dernier verre » Édition Denoël
Jusque là, ses tentatives de traitement de l'alcoolisme s'étaient toutes soldées par des échecs à l'exception d'un cas, si bien que comme beaucoup, elle avait renoncé à prendre en charge des patients alcoolo-dépendants.
Le baclofène lui a apporté l'espoir de pouvoir enfin soulager ces malades, quitte à être éventuellement désavouée par les instances ordinales. Mais sachant que ce médicament était prescrit depuis plus de 40 ans à haute dose sans présenter de danger sérieux, elle n'a pas hésité à se lancer dans la prescription, cette donnée étant une garantie pour la sécurité de ses patients.
C'est le propre de la démarche compassionnelle, (cf intervention de Renaud de Beaurepaire.)
A partir de novembre 2009 , elle a commencé à traiter au baclofène quelques patients sur le mode psychothérapeutique d'une séance par semaine en adaptant ses tarifs afin de n'exclure personne du traitement pour des raisons financières.
Ses premières conclusions sont que les résultats positifs sont réels et enthousiasmants.
Certains ayant atteint , avec une facilité déconcertante, la sobriété et l'indifférence à l'alcool, retrouvant ainsi la santé et reprenant leur vie en main.
Pour d'autres, les effets secondaires à certains paliers ont été intenses, mais en persévérant sur une durée plus longue, ils ont finit par, eux aussi, atteindre l'objectif de l'indifférence.
Le postulat d' Annie Rapp est que certains doivent cesser toute activité et être en arrêt de travail pendant un mois ou deux, afin d'être sans autre obligation que de se consacrer entièrement à leur guérison pour éviter les inconvénients des somnolences, lorsqu'elles sont trop handicapantes en activité.
Selon elle, la motivation joue un rôle majeur dans la réussite du traitement. D'un point de vue psychologique, pour parvenir au succès, il faut avoir fait le « deuil » de l'alcool et des anciennes raisons qui avaient motivées sa consommation comme :-les effets festifs et transgressifs
-la suppression de la timidité
-l'appartenance à un milieu de consommateurs
-le goût du flirt avec la mort
-la révolte et le défi.
(Une pathologie psychiatrique associée peut également empêcher l’observance du traitement et l’obtention du résultat désiré.)
La demande de prescription doit donc être réfléchie et volontaire, une fois sorti du déni, la prise de conscience de la maladie et de la perte de contrôle étant admises.
Le patient doit s'être informé, avoir lu le livre d'Olivier Ameisen et compris la méthode.
Parmi ses patients, qui tous se reconnaissaient alcooliques, certains étaient des buveurs plus « modérés » que d'autres mais ayant besoin d'une consommation quotidienne et d'autres des buveurs excessifs ayant besoin de très fortes alcoolisations de façon plus ponctuelle.
Dans la première catégorie, l'entourage familial ou même médical ne reconnaissait pas forcément la maladie, car ces personnes buvaient seules et n'incarnaient pas l'image stéréotypée de l'alcoolique.
Certains ont quitté la thérapie sans donner de nouvelles, sans doute culpabilisés par des rechutes et l’arrêt du traitement.
Certains autres ont fait une ou plusieurs rechutes avec alcoolisation massive pendant plusieurs jours avant d'atteindre la dose-seuil et l'indifférence.
Tous ont perdu le goût et le plaisir de boire de l'alcool et ne boivent plus que pour accompagner des moments conviviaux. Un seul verre leur suffit, ils ne touchent plus au second, la vue des bistrots ou des rayons alcools ne leur fait plus aucun effet.
La thérapie proposée par Annie Rapp peut être une simple psychothérapie de soutien pour accompagner le traitement jusqu'à obtention de l'indifférence ou se poursuivre après la guérison pour accompagner le retour à la lucidité, parfois difficile et à un état physique et psychique satisfaisant.
Dans le premier cas, le psychothérapeute est le témoin bienveillant de la reprise en main de sa vie par le patient. Dans le deuxième, (outre la poursuite des médicaments, anti-dépresseurs ou anti-psychotiques,) c'est une psychothérapie classique qui traite les cas de dépressions sous-jacentes, liées aux traumas d'enfance, qui peuvent refaire surface lorsque l'effet anesthésiant procuré par l'alcool a disparu.
Selon elle, le baclofène traite essentiellement la compulsion mais ne procure pas forcement bien-être et euphorie, ce qui témoigne du fait qu'il n'est donc pas un produit addictif.
Contrairement à l'expérience racontée par Olivier Ameisen, tous ses patients n'ont pas vu disparaître leur anxiété et leur mal-être. (Dans les questions-réponses, Olivier Ameisen propose dans ce cas de continuer à augmenter les doses même si l'indifférence est atteinte afin de vaincre l'anxiété persistante).
Quoiqu'il en soit le traitement apporte un éclairage nouveau sur les comportements additifs qui ne sont donc pas soumis à la volonté des patients mais au fonctionnement de leurs neurones. L'alcool étant perçu comme un « médicament » pouvant soulager une souffrance.
Le protocole pratiqué par Annie Rapp, est encore plus progressif que celui de Renaud de Beaurepaire, pourtant dit « lent ».Elle augmente les doses d'un ou deux comprimés de 10mg par semaine, proposant des paliers plus longs jusqu'à disparitions des effets secondaires si ils sont persistants.
Elle a noté que les effets secondaires étaient souvent majorés par une alcoolisation massive concomitante.
Les réussites les plus spectaculaires et rapides ont eu lieu chez des patients déjà sobres, volontairement, avant le début du traitement et qui ont vu leur efforts se transformer très vite en indifférence.
A l'inverse du docteur Renaud de Beaurepaire, Annie Rapp a finit par demander à ses patients qui continuaient à s'alcooliser massivement, de faire un effort de volonté pour réduire ou même arrêter l'alcool le temps que la molécule fasse effet. Ce sont d'ailleurs souvent les patients eux-mêmes, qui après certaines « cuites » prenaient la décision de la sobriété volontaire pendant 8, 15 ou 20 jours.
Annie Rapp a rappelé qu'il est important pour l'estime de soi que le patient contribue ainsi à sa propre guérison.
Elle a ensuite fait des suggestions pour les actions à venir en proposant d'organiser des formations de médecins prescripteurs pour apprendre à gérer le protocole, les effets secondaires et ceux du sevrage alcoolique. Sans cela, il est normal selon elle, que certains n'osent pas se lancer dans la prescription. Elle se propose en tant que psychothérapeute de former ses confrères à l'accompagnement psychologique du traitement.
Elle souhaiterait que l'on ouvre des centres de jours ou des cliniques spécialisées dans l'accompagnement des patients sous baclofène ou que les structures déjà existantes puissent le faire : en effet, pour certains patients dont la dérive alcoolique entraîne une dé-socialisation de type « SDF » qui nuit forcément à la prise correcte du traitement, l'hospitalisation est nécessaire et il est à noter que quelques structures s'y mettent d'ailleurs.J'ai découvert aussi qu'il y avait un forum sur le sujet. Je vous mets le lien si vous voulez y faire un tour. Vous y retrouverez l' Intégralité du colloque du 26/06/2010 grâce à des reportages vidéos. http://www.forum-baclofene.fr/portail.html