De Lagneau Alain sur Facebbok
Lettre sans importance d'un alcoolique aux menteurs très savants qui viennent de promouvoir le Baclofène comme un remède à tout.
C'est un peu long si c'est un titre, mais il faut faire attention à ce que l'on écrit quand on n'est pas un grand monsieur.
Je ne suis pas médecin.
Je ne suis pas chercheur.
Je ne publie pas dans le "Lancet".
Je ne gagne pas des millions avec les laboratoires.
Je ne suis pas journaliste avec des certitudes sur tout.
Ne me lisez pas.Mon avis compte peu, mais alors pourquoi viens-je ouvrir ma grande bouche ?
Parce qu'au long de mes 21 ans d'abstinence souvent heureuse (même si cela ne parait plus être à la mode), je n'ai jamais vu une substance chimique être un remède au mal-être ? Parce que je n'ai jamais croisé quelqu'un qui se définissait comme alcoolique qui revenait à une consommation raisonnée longtemps ? Peut-être.
Mais je voulais juste vous dédier, à vous qui ne savez pas ce qu'est notre vie, les illusions que vous allez mettre dans la tête des jeunes abstinents qui entendent "vous pouvez continuer à boire" dans vos émissions savantes.Les mois, les années qu'ils vont perdre à essayer de savoir si c'est le deuxième ou le troisième verre qui les fout dedans. Les souffrances qui auraient pu être évitées à leur entourage, les larmes, la honte, les mensonges enfin tout ce que vous allez prolonger avec vos conneries et qui ne passe jamais la porte de vos cocktails, sauf quand vous rejoignez vous mêmes nos rangs, ce que je ne vous souhaite pas.
Non, messieurs, vous ne résoudrez pas nos rêves qui ne rentrent pas dans les cases avec des médocs, pas plus que vous ne nous amènerez à être moyens, médiocres ou modérés.Mais rassurez vous avec les quelques uns qui vont effectivement trouver un équilibre avec cette daube : après tout, il y en a que les placebos aident aussi ?
Je suis juste en colère, ce soir.
Parce que quand j'entends à la radio "un médicament très attendu par les alcooliques et les médecins", eh bien j'ai envie de crier : « Non, pas tous; moi si j'attend quelque chose, ce serait que l'on réfléchisse à une société qui ne broie pas les gens, qui laisse la place à l'humain plutôt qu’au profit, qui permette à chacun de savoir qui il est et de trouver une place dans qu'on le rentre en force dans des moules ».
Parce que là, il aurait des chances de guérir de son mal à vivre qui est la cause de nos abus. Mais je suis un bisounours, je sais, alors ne me lisez pas, et continuez à penser qu'il suffira de coller des médocs à quelqu'un pour qu'il soit un citoyen digne, responsable et surtout qu'il enrichisse vos putains de labos. C'est bien comme ça qu'on camisole les détenus, plutôt que de voir comment ils sont arrivés là ?
Moi, je ne vais pas prendre votre drogue, même si elle devait miraculeusement me permettre de boire : je n'ai plus envie de me farder avec cet "Al Kohol" qui a été mon ami si longtemps. Je vais retourner dès demain voir ceux qui sont encore dedans, comme je l'ai encore fait avec trois d'entre eux aujourd'hui, et leur dire qu'on peut vivre heureux sans béquilles, comme je le fais depuis plus de vingt ans. Même si parfois c'est en acceptant qu'on boite un peu.
Ne comptez pas sur moi.
Mais après tout que pourrais-je vous apporter ?
Vous avez déjà la reconnaissance dû au sauveur de l'humanité en souffrance !