Une Première en France ... mais La CPAM est-elle assez forte face aux lobbies des tabacs pour obtenir gain de cause ? Je pense qu'il y a trop d'enjeux et de GROS SOUS en jeu pour que cela aille au bout (SVPat)
Caisse Primaire d'Assurance Maladie de Saint-Nazaire
Un procès contre l'industrie du tabac à Saint-Nazaire
PARIS/SAINT-NAZAIRE (Reuters) - La caisse primaire d'assurance maladie de
Saint-Nazaire (Loire-Atlantique) demandera ce lundi 26 mai 2003,aux quatre
fabricants de tabac opérant sur le marché français de lui rembourser près de
18,7 millions d'euros consacrés aux traitements des maladies du tabagisme.
Le tribunal de grande instance de Saint-Nazaire examinera pendant une journée
les arguments de la CPAM, qui a engagé cette action judiciaire en juin 1999,
face à Seita-Altadis, Philip Morris, British American Tobacco (BAT) et Japan
Tobacco International (JTI).
Il s'agit du deuxième grand type de procès intenté en France contre
l'industrie du tabac après les actions individuelles de fumeurs malades, entamées
avec les plaintes en décembre 1996 des familles de Richard Gourlain à
Montargis (Loiret) et de Suzanne Berger à Béziers (Hérault).
La CPAM de Saint-Nazaire réclame près de 18,7 millions d'euros en réparation
d'un préjudice subi du fait des maladies liées au tabagisme de ses assurés
sociaux, a déclaré à l'Agence de presse médicale Me Francis Caballero,
avocat de la CPAM de Saint-Nazaire.
Le préjudice correspond à cinq années de prise en charge des soins, entre
le 1er avril 1997 et le 31 mai 2002, sur la base d'une estimation de 1.000 assurés
malades par an ayant un coût moyen de traitement d'environ 3.600 euros.
"Les sommes réclamées, en dépit de leur importance, ne représentent
qu'une goutte d'eau dans l'océan des profits des quatre cigarettiers visés",
estime la CPAM dans un communiqué.
Elle reproche aux cigarettiers "la fabrication et la distribution d'un
produit addictif et cancérigène, sans avoir fourni aux fumeurs les
informations suffisantes pour en connaître les dangers, ni leur avoir offert
les moyens de prévention des risques des maladies liées à leur usage".
"Il s'agit d'un procès de principe entre la santé publique et une
industrie irresponsable", poursuit la CPAM, parlant même de "procès
historique caractéristique du troisième millénaire par son importance économique
et sociale".
Les débats devraient tourner autour de la légitimité de la CPAM à récupérer
ces sommes déboursées dans le cadre de sa mission et, comme dans l'affaire
Gourlain, sur la responsabilité des fabricants de cigarettes dans la survenue
d'une maladie liée au tabagisme.
LA RESPONSABILITÉ DES FABRICANTS DE TABAC EN DÉBAT
La question apparaît cruciale pour les fabricants, qui risqueraient d'autres
procès ou une action des caisses nationales d'assurance maladie en cas de défaite
juridique sur ce point.
Pour Me Caballero, cette affaire se présente favorablement. "Les
cigarettiers ont tenté d'opposer un mur procédural pour que le procès n'ait
pas lieu mais il a lieu", a-t-il dit.
Il soutiendra que les fabricants n'ont fourni aucune information entre la fin
des années 1950 et 1976, date de la loi Veil qui leur a imposé la mention
"abus dangereux" "alors qu'ils connaissaient dès les années 50
le caractère addictif et cancérigène du tabac". Ils ont ensuite, selon
lui, interprété "de façon très restrictive" la loi Veil et, après
l'application de la loi Evin de 1991, ont tenté de contourner leurs obligations
et l'interdiction de la publicité.
Cet argumentaire a été soutenu par Me Caballero lors du procès Gourlain.
Malgré le rejet de ses arguments et la non reconnaissance de la responsabilité
de la Seita par la cour d'appel d'Orléans en septembre 2001 - le dossier est
devant la Cour de cassation -, l'avocat maintiendra que "la cigarette est
un produit de consommation courante et non un produit fiscal dont le fabricant
serait exonéré de toute responsabilité quant à sa dangerosité".
Me Caballero tentera donc de faire reconnaître la "faute pénale"
et la "faute dolosive" des quatre fabricants de tabac, tout en
admettant que le fumeur a une responsabilité partielle car "il a négligé
sa propre sécurité"
En face, les avocats des cigarettiers contesteront la légitimité même de
la CPAM à agir en justice, a-t-on appris de sources industrielles.
Les quatre sociétés auront des lignes de défense proches mais pas
strictement identiques, ne serait-ce qu'en raison du statut particulier de la
Seita, ancien statut d'établissement public, par rapport aux fabricants étrangers
Philip Morris, BAT et JTI.
Les avocats des cigarettiers devraient avancer que la CPAM n'est qu'un
"organisme payeur" ayant une compétence uniquement administrative,
qui n'organise pas son financement local.
Ils devraient aussi contester le lien de causalité entre les agissements des
fabricants de tabac et le préjudice avancé par la CPAM et soulever même une
absence d'intérêt à agir de la CPAM, faute d'un "préjudice
propre". Ils devraient également critiquer l'évaluation du préjudice par
la CPAM
Tous les fabricants devraient contester l'obligation d'information invoquée
par la CPAM, en renvoyant cette responsabilité de santé publique à l'État.