Le sevrage : sortir de l’alcoolisme

Il est difficile d’aborder le problème du sevrage de l’alcool pour un sujet dépendant. Le patient alcoolique n’aborde que très rarement directement le problème. Par ailleurs, le sevrage est souvent pressenti comme une période plus difficile encore que la période de dépendance. C’est pourquoi la consultation du médecin de famille revêt une importance toute particulière.

Une première étape : la prise de conscience

Diverses stratégies peuvent être utilisées pour faciliter la prise de conscience du sujet dépendant. Un contrôle sanguin banal peut être un prétexte pour l’évoquer. On peut également partir des habitudes alimentaires, des problèmes ressentis par le sujet (insomnie, impuissance...).

Les complications potentielles sont, pour certains, l’occasion de prendre conscience des risques de leur conduite d’alcoolisation. La survenue d’un événement "grave" (conduite en état d’ivresse et accident mortel, accès de violence incontrôlable... ) sont déterminants pour la volonté du patient.

L’écoute et le suivi ont une importance considérable dans la prise en charge, alors que les prescriptions médicamenteuses, elles, ne sont qu’adjuvantes.

En tout cas, quel que soit la modalité de la prise de conscience, c’est le sujet lui-même qui doit pouvoir envisager son propre sevrage. Cette condition est une étape incontournable, pour réussir.

Comment aider un alcoolique ?

Le médecin de famille

Dans la plupart des cas, le sujet ne verbalise ni sa perte de contrôle par rapport à l’ingestion d’alcool ni sa souffrance (ou celles de ses proches).
Dans un premier temps, le médecin évalue le rapport entre les troubles observés et la consommation d’alcool. Ensuite, il informe le patient de la relation entre les troubles observés et la pathologie dépistée, de l’évolution possible si la consommation est stoppée ou et des risques que le patient encourt s’il continue à boire. Tous les anciens buveurs racontent avoir eu une attitude très méfiante de " déni " dans leur première rencontre avec le médecin, qui consiste à ne pas évoquer le sujet de front, car au début, tout est prétexte à se voiler la face.

Alcoolisme, dépression et anxiété

L’abord psychologique est déterminant lors de la prise en charge d’un sujet alcoolique. Certaines études estiment que, pour 90 % des sujets alcooliques, lorsque dépression et alcoolisme surviennent simultanément, l’alcoolisme est le diagnostic principal. Par ailleurs, l’anxiété est fréquemment associée à l’alcoolisme (l’alcool est un anxiolytique bien connu).

Ainsi, les médicaments prescrits regroupent les anxiolytiques, surtout les benzodiazépines, mais aussi les carbamates, les antidépresseurs parfois, les médicaments à effet antabuse (c’est à dire qui dégoûtent de l’alcool lorsqu’ils sont conjugués à son absorption), par exemple le disulfirame, l'acamprosate, le naltrexone, le lithium. D'autres médicaments sont actuellement à l'étude.

Associés à une bonne hydratation et une vitaminothérapie, ils sont un complément du suivi psychologique. Mais, l’observance (le bon suivi) du traitement, seule, ne garantit pas toujours la réussite du sevrage.

Un suivi psychologique fondamental

Lors de la consultation, un soutien psychologique peut être proposé. Qu’elle soit assurée par le médecin généraliste, par un psychiatre ou un psychologue, l’aide psychologique est fondamentale. Elle permet d’analyser la relation de l’individu à l’alcool, relation qui n’est jamais identique d’une personne à l’autre. La première étape consiste à faire comprendre au sujet que la situation peut évoluer pour permettre en quelque sorte de le libérer. Elle permet aussi d’entamer un dialogue, difficile, avec l’entourage.

Le sevrage est souvent proposé en première intention en ambulatoire : le sujet n’est pas hospitalisé mais est suivi par son médecin de famille ou bien par le médecin d’un Centre d¹ Hygiène Alimentaire et Alcoologie, s’il y en a un près de son domicile. Si le patient accepte (ce n’est jamais son entourage qui décide à sa place) et que l’indication médicale est posée, une hospitalisation peut être proposée en unité spécialisée. L’hospitalisation est notamment préférable lorsque le sevrage est dangereux à domicile (alcoolo-dépendance importante, épilepsie ou autres complications connues) ou si le sevrage en ambulatoire a échoué ou le sujet rechuté.

Parfois l’intensité des manifestations dépressives et anxieuses peut imposer une hospitalisation, et ce d’autant qu’il existe une poly-intoxication (ingestion d’autres drogues, médicaments ou cocaïne...). On préconise également une hospitalisation si une rupture est nécessaire avec un milieu familial lui-même touché par l’alcool ou si l’entourage familial du patient est inexistant.

L'entourage

L’entourage est en position difficile, car il ne doit être ni complice ni moralisateur. Il se doit d’être ferme par rapport à la décision du patient d’entamer un sevrage. Son écoute, sa compréhension et son soutien sont primordiaux, mais ne doivent surtout pas infantiliser le sujet alcoolique.

Le conjoint du malade alcoolique demande souvent à être aussi pris en charge car l’alcool modifie la vie du couple : le conjoint est devenu progressivement dépendant du sujet qui boit, lui-même dépendant de l’alcool. C’est une vie de couple à 3 qui s’est peu à peu installée. Le conjoint devient progressivement obnubilé par l’alcool, qui pernicieusement instaure un climat d’insécurité et d’incertitude. La culpabilité, la perte de confiance en soi puis l’impossibilité d’agir s’installent.

Parfois, seul le conjoint, pris dans une spirale qu’il ne maîtrise pas, est demandeur. Sa souffrance est devenue intolérable. En l’écoutant, en lui expliquant la maladie alcoolique, certes sans minimiser la situation, le médecin doit amener le conjoint à reconsidérer son partenaire, à réfléchir aux liens qui les unissaient sans l’alcool et à leur vie de couple. Moins enfermé dans sa seule identité de malade, l’alcoolique changera peut-être d’attitude...

Il vaut mieux que chacun soit pris en charge par une personne différente. Si le médecin de famille prend en charge les 2 personnes, il doit clairement et dès le départ respecter une stricte neutralité et poser le cadre des rencontres afin de mieux gérer les périodes de crise, de découragement...

Le sevrage alcoolique chez un patient dépendant de l’alcool est une étape importante et longue dans le parcours de sa maladie. Pour que l’abstinence soit durable, l’accompagnement (médicale, psychologique et familial) doit s’inscrire dans la durée.

Dr Pascale Bonnet

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