Je tiens à vous faire part de mon expérience et je vous
joins le document qui a été pour moi "le déclic" et que je conserve
comme un talisman dans mon porte-feuille. C'est un peu mon garde fou, mon ange
gardien et ma bouée de sauvetage ! Cette lettre me
soutient dans mon combat contre l'alcool. J'espère que cela éclairera quelques
amis et lèvera un coin du voile !
Amicalement,
Un abstinent qui compte le rester.
Papa,
Ce soir, je suis passé pour te souhaiter une bonne fête.
Comme tu le laisses entendre depuis des années, je ne t'ai pas fait de cadeau,
le coeur n'y est pas. Par contre, depuis quelque temps, tu as sûrement dû réfléchir
à une discussion. Ce soir, j'ai appris pas mal de choses te concernant sur des
évènements de ces derniers jours. Étant donné mon agacement face à ton
attitude, je vais t'écrire ce que je pense(au moins rien de bien méchant ne
sera dit !).
Il est important dès maintenant que tu prennes conscience
d'une chose, d'un sujet difficile à aborder.
Papa, c'est dur à dire mais sincèrement, je pense que tu
dois lutter contre toi-même face à l'Alcool. Te sais-tu alcoolique ? A chacune
de mes visites tu es « entre deux eaux. C'est pas normal ! A vrai dire, tu ne
t'en rends sans doute pas compte Il est difficile de reconnaître l'alcoolisme.
Moi, j'ai le courage de te le dire. Tu bois trop. Cela me gêne, cela nous gêne.
Puisque tes relations avec Maman (ta femme) et Laurent sont désastreuses. Ce
soir, Maman et Laurent m'ont parlé. Que se passe-t-il ? Tu achètes maintenant
des bonbonnes de vin ? Combien de temps ? Pour deux jours ou 3 ? C'est vraiment
grave.
Alors, et même si c'est difficile, je tiens à te dire que
tout ceci doit changer. Et pour toi et pour nous. L'alcool te tue, et le climat
nous tue. Moi, je ne cherche plus à venir tant mes mots risqueraient de nous séparer
à jamais. Tu connais mes réactions et j'oserai assumer une séparation.
Maintenant, il paraît que mardi tu rencontres l'assistance sociale. Écoute,
c'est bien simple. Réfléchis à deux fois avant de lui donner TA réponse
puisque moi, je n'accepterais pas de te voir rester à rien faire. Alors, pour
ton bien, je te demande de partir dans ce centre de désintoxication. Cela sera
dur pour toi, mais surtout pour nous tous.
Car chaque membre de la famille vit très difficilement cette
situation. On ne peut pas rester figer à se dire : "il va s'arrêter".
Je pense que ta maladie n'en est pas une. Pourquoi nier la réalité? Être alcoolique est un fait. Que te dire de plus ? Qu'en fils aîné je te supplie de
te reprendre ? Je désire te retrouver toi et non pas "le clone sans
parole", je veux te voir clair, je souhaite de tout cour te savoir guéri.
Enfin papa, j'essaie en vain de t'expliquer que dans tout cela
ta femme, notre mère est la plus malheureuse. Elle ne se bat pas, ne te dira
pas ces mots mais en pensera autant. Je sais que bien des choses t'ont dépassées,
mais est-il normal d'en arriver à cette extrême ? Professionnellement, ton
avenir, (ta retraite) est en jeu. Familialement, il faut que tu partes la-bas. A
ce qui paraît, tu voudrais rester ici à essayer. Combien de fois tu l'as dit ?
Trop souvent pour que cette fois ci cela marche. Je prendrai pour exemple les
cigarettes : quand on y goutte ? Il est difficile de s'arrêter. N'est-ce pas ?
Alors, moi ton fils, je te dis ouvertement mes pensées. Ou tu tentes ou tu
perdras un fils ?
Oui, c'est un ultimatum ! Il est dur pour moi mais j'aurai sur
la conscience de t'avoir prévenu, de t'avoir laisser le choix. Je ne baisserais
pas les bras facilement, mais bientôt viendra mon mariage et un enfant. Que
pourra-t-il voir ? Un grand-père alcoolique. NON. Une famille désunie. NON. Un
grand-père heureux. NON.
A chacun d'aborder l'adversité. La mienne est simple. Il n'y
a pas de raison : à combattre l'alcool autant te mettre dans des conditions idéales.
Alors, je t'en SUPPLIE ! Je sais que souvent tu m'as pas écouté. Fais le cette
fois ! Pars très rapidement, cela sera mieux.
Papa, je terminerai en te disant que cette histoire terminée,
je serai fier de te voir, de te parler, de venir. A n'en pas douter, tu prendras
ta décision.
Je t'aime,
Note personnelle
Lettre découverte le matin en rentrant du travail. La veille,
c'était le dimanche 18 juin , Fête des Pères 2000.
Le mardi suivant, j'ai été voir l'assistante sociale de mon
travail. Nous avons pris contact avec un établissement spécialisé dans les
traitements anti- alcooliques pour le 5 juillet. Le 10 juillet 2000, je commençais
une cure de deux mois.