SOUFFRANCE DE FEMME
Cher Pat,
Après avoir lu en réunion le message que mon épouse m'avait écrit pour
Mon deuxième anniversaire d'abstinence, tous mes amis m'ont vivement
Conseillé de le faire connaître avec l'accord de mon épouse.
Celle-ci souhaite bien évidemment que d'autres puissent partager notre
bonheur retrouvé.
Tu peux donc bien évidemment le faire paraître sur ton site.
Merci d'avance. Tiens-moi au courant.
Bien à toi.
André.
Je m'appelle Chantal, j'ai 52 ans.
Nous avons deux enfants :
un fils de 20 ans et une fille de18 ans.
Voilà 2 ans que mon mari est abstinent…
Aujourd'hui, je reprends confiance et voilà seulement que j'éprouve
le besoin de témoigner de ce que nous avons vécu et de ce qui aujourd'hui
devient pour nous une autre vie grâce à l'abstinence.
Je voudrais aussi que ce témoignage apporte de l'espoir à celles et
à ceux qui pour l'instant encore connaissent l'Enfer de l'alcool tel que nous
l'avons connu et qui auraient tendance à perdre tout espoir de pouvoir un jour
avoir droit au Bonheur.
Voici notre histoire :
En 1980 je fais connaissance d'André qui devient mon mari l'année
suivante.
Très tôt, je découvre son penchant pour la boisson, mais je lui
trouve des excuses (dépaysement, emploi incertain etc.…) et j'essaie par tous
les moyens de cacher cette réalité qui devient de jour en jour plus évidente.
Au début de notre mariage, les fréquentes sorties se terminent mal
d'autant que mon mari prétend pouvoir conduire alors qu'il est en état
d'ivresse.
Jusqu'alors, j'ignore qu'il est malade alcoolique.
Notre fils vient au monde en 1982 et notre fille en 1984.
La consommation d'alcool d'André devient de plus en plus importante
au point que j'en éprouve un sentiment de gêne lorsque nous nous trouvons en
présence d'autres personnes.
De plus en plus, cela me tracasse. En même temps je veux cacher à
tous, à ma famille, à nos amis, à nos enfants, ce problème qui me préoccupe,
qui me fait souffrir et pour lequel je ne vois pas d'issue. J'ose alors lui en
parler et n'hésite pas à lui en faire le reproche, ce qui débouche
inévitablement sur de fréquentes disputes.
Bientôt, de profondes angoisses commencent à m'envahir pour finir
par ne plus me quitter. Je prenais conscience que j'assistais, impuissante, à
la destruction toujours un peu plus grande d'un être qui m'était cher.
Il est alors inévitablement venu ce jour où je ne pouvais plus rien
cacher aux enfants. Ils se sont rendu
compte par eux-mêmes que "leur Papa" avait un réel problème d'alcool.
A partir de ce moment-là, j'ai commencé à me culpabiliser.
"Qu'est-ce que je faisais de mal qui pouvait le pousser à boire?"
Les années passaient, rien ne s'arrangeait, tout se dégradait à
vive allure. Les disputes de plus en plus fréquentes (toujours à propos de
l'alcool bien sûr) prenaient des airs de violence verbale, morale et même
physique. Cela devenait pour moi insupportable. Le problème d'alcool de mon
mari augmentait au fur et à mesure que je me décourageais.
En 1994, n'en pouvant plus, j'ai décidé de rompre le silence. Au
lendemain d'une importante crise de boisson, j'ai "osé" en parler au
médecin de famille.
C'est alors que mon mari allait entamer sa longue série de
promesses qu'il ne tenait pas et qu'en fait il ne pouvait pas tenir car
l'alcool qui est plus fort que tout avait aussi raison de lui.
Je me rendais compte qu'il était capable de faire des efforts
presque surhumains pour diminuer ou pour limiter sa consommation.
Puis j'ai cherché de l'aide tous azimuts mais sans jamais rien
obtenir de ce que j'avais besoin. Je me sentais affreusement incomprise par
tous : médecin, centre de planning familial, ami A.A, membres de l'entourage et
de la famille.
Dans un état de détresse mélangée à la colère, j'ai alors cru bon
d'agir. J'ai entrepris à plusieurs reprises des demandes de séparation, j'ai
sollicité des interventions policières, je me suis enfuie plus d'une fois avec
les enfants; tout cela avec l'intention de "réveiller" mon mari.
Je n'avais pas encore compris que moi aussi j'étais totalement
impuissante face à ce fléau de l'alcool qui nous faisait souffrir en même temps
qu'il rongeait mon mari.
Il a fallu que je fréquente un mouvement d'entr'aide pour les
conjoints de malade alcoolique pour tenter de vivre autrement, jour après jour,
avec patience et courage en prenant conscience que lui seul, mon mari pouvait
prendre la décision d'arrêter de boire.
Après avoir pris conscience de cette réalité, je me suis dirigée
vers la littérature à l'insu de mon mari, bien évidemment, afin de me
documenter sur la maladie.
Je me suis aussi davantage rapprochée de mes enfants, exerçant sur
eux une surprotection. Ils devenaient
pour moi ma seule raison de vivre. C'était ma manière à moi de m'accrocher, de
leur faire réaliser que leur Papa était malade et non coupable. Par la suite,
j'ai eu le sentiment que je les avais "écrasés" sans m'en rendre
compte.
Pourtant notre cauchemar n'était pas fini et loin s'en faut…
La situation s'aggrave de plus belle; je suis de plus en plus
angoissée d'autant que de sérieux problèmes se posent pour notre fils qui vit
de plus en plus mal le problème d'alcool de son Papa. Les crises de plus en
plus fréquentes et de plus en plus aiguës m'obligent à faire appel au médecin
ou à la police pour rétablir le calme.
Notre fille parle peu, se renferme…
Une peur paralysante (du mari qui boit, des crises violentes du
fils) s'installe sur nous comme une chape de béton. Que nous réserve demain?
A cela s'ajoute aussi l'inquiétude du " qu'en dira-t-on
".
Je me posais alors des
questions qui restaient désespérément sans réponse : " Vers qui, vers quoi
dois-je me tourner lorsque ces horribles peurs m'envahissent et m'empêchent
d'agir?".
Quelle attitude dois-je adopter à l'égard de mon fils qui me
reproche de ne pas réagir face à ce problème d'alcool ? Je sens que vis-à-vis
de mes enfants je perds ma crédibilité pour ne pas avoir mis à exécution les
menaces que j'ai du maintes fois proférer.
Il est vrai que trop longtemps, j'ai cru pouvoir aider mon mari ou
l'obliger à arrêter de boire car mon désir d'épouse et de maman était de
trouver un jour la sérénité et le bonheur de vivre que nous nous étions tant
promis.
Aujourd'hui, j'ai compris qu'il nous fallait cruellement attendre
dans l'angoisse que le malade prenne lui-même la décision d'en finir avec
l'alcool.
…Un jour, le 09 novembre 2000, ce qui restait de notre navire
chavira !!!
Notre fille sortit de son silence. Alors qu'elle se trouvait seule
avec son père qui une fois de plus avait trop bu, elle lui envoya un message de
désespoir par un geste qui donne froid dans le dos. Nous avons eu très peur et
très vite, en même temps, j'ai compris que le message de détresse envoyé par
notre fille avait été reçu 5 sur 5 par son Papa.
Pourtant, il nous fallut encore souffrir une attente de plusieurs
jours avant d'entendre mon mari nous dire le 1er décembre au matin :
" je rentre aujourd'hui en cure pour me soigner."
J'ai compris qu'il posait là un acte d'homme libre et responsable
qui allait changer sa vie et la nôtre..
Je le savais capable d'un grand courage s'il en avait décidé et
prêt à partir de l'avant s'il le voulait.
J'ai fait confiance pensant que la lumière tant promise devait bien
se trouver au bout du long tunnel.
Depuis ce jour, nous découvrons le sens profond du mot
"abstinence" dans tout ce qu'il représente d'espoir, de bonheur, de
gratitude, de sérénité.
Notre bilan après 2 ans d'abstinence :
- Notre fils a quitté la maison. Il se rétablit petit à petit alors
que nous le croyions presque perdu. Mon seul regret est de ne pas le voir
associé à nous pour apprécier les bienfaits de l'abstinence heureuse de son
Papa qui n'a jamais cessé de l'aimer.
Mais je me dis qu'il faut laisser le temps au temps et garder
l'espoir qu'un jour cela aussi s'arrangera.
- Notre fille, plus rayonnante que jamais vit dans une grande
complicité avec son Papa.
- Quant à moi, je veux tout simplement dire Merci et vous crier mon
bonheur.
Merci Pour chaque jour que
je vis avec toi, mon mari, que je n'ai jamais cessé d'aimer.
Pour
l'aide que tu reçois et l'espoir que tu peux apporter aux autres en participant
à
De
fréquentes réunions d'abstinence.
Pour
toutes ces valeurs retrouvées auxquelles nous n'osions plus croire.
Pour
cette douceur de vivre, ce climat chaleureux qui remplit nos cœurs.
Pour
le dialogue renoué, pour cette confiance l'un en l'autre et le sens de
l'écoute.
Pour
ce respect mutuel qui nous manquait tant.
Pour
ce bonheur que nous pouvons d'autant plus savourer qu'ont été rudes les
épreuves
par lesquelles nous sommes passées.
Je suis fier du cheminement de mon mari dans son rétablissement.
Pour ma part, j'estime avoir encore des progrès à faire, notamment
pour gérer mes émotions.
De plus, je me rends compte que je supporte moins que jamais
l'alcool chez les autres. Je crois que je garderai une haine profonde envers
cet alcool pour nous avoir fait trop et trop longtemps souffrir.
Alors que mon mari, grâce aux réunions des mouvements d'entraide,
se rétablit à pas de géant, moi, par contre, je progresse à plus petits pas
mais en essayant de m'inspirer de cette méditation:
Regarde
l'étoile avec espérance
Elle te montrera la route
de la sérénité
même au cœur des
souffrances
Parle d'espérance
Tu seras témoin de vie
Et tu vivras heureux.