L'Art de la double attaque.
Hier Fillon, puis Macron aujourd'hui Mélenchon et pourtant il a voté Poutou !
Renaud, qui vient de fêter ses soixante-dix ans, a le
même âge que notre « tortue électorale sagace » : (ainsi aime à se qualifier le
leader de la France insoumise) qui vient de se métamorphoser, à l’occasion des
législatives, en lièvre aussi véloce qu’offensif.
Jean-Luc Mélenchon fut au soir de son échec à la
Présidentielle traversé par la pensée, ô combien fugace, d’un retrait de la vie
politique qu’il alla même jusqu’à annoncer publiquement avec une gravité de
circonstance. Mais il vise désormais, avec la pudeur et la modestie qu’on lui
connaît, le poste de Premier ministre d’un gouvernement de cohabitation.
Or il se trouve que Renaud, notre chanteur anar préféré,
a soutenu au premier tour de la présidentielle le candidat anticapitaliste
Philippe Poutou et s’est résolu, lors du second, risquant tout pour sauver la
Démocratie en péril, à voter, une pince à linge sur le nez, pour Emmanuel
Macron. Il s’apprête maintenant, comme il l’a livré dans les colonnes du Journal
du Dimanche, à soutenir l’Union populaire lors des législatives. Il approuve, en
effet sans réserve, le programme de Jean-Luc Mélenchon et de ses ralliés, ce,
malgré « les penchants autocrates du personnage » qu’il n’est pas sans déplorer.
Je me suis laissée dire que notre Renaud, rebelle
ragaillardi par la célébration de son anniversaire et la sortie de son dernier
album « Métèque » (Il y rend hommage aux chansons françaises qui l’ont inspiré),
a proposé à Jean-Luc Mélenchon de le seconder dans sa marche au pouvoir. Cette
volonté d’engagement lui serait venue après avoir assisté à quelques-uns des
meetings de notre fidèle ami de Castro. Peut-être même était-il à celui que j’ai
eu la joie de vivre, sur la colline de la Croix-Rousse. Rappelez -vous :
Jean-Luc Mélenchon, nous y avait fait vivre une scène « croquignolesque », pour
reprendre un des qualificatifs prisés par notre aimé président renaissant, digne
de celle des comices agricoles dans « Madame Bovary », roman de Flaubert. Quel
moment d’anthologie ! Notre tribun se réclamait des Canuts avec une verve de
bonimenteur et ses sectateurs envoûtés, levaient un poing vengeur contre toutes
les oppressions passées, futures ou à venir, scandant comme un mantra : « On va
gagner ! »
Il paraît que Renaud, ému jusqu’aux larmes, aurait alors
proposé à Jean-Luc Mélenchon son aide fraternelle. Il s’est dit prêt, une
dernière fois, à se glisser dans le personnage d’Étienne Lantier, le héros du «
Germinal » de Zola, adapté en 1993 par le cinéaste Claude Berri.
Ce,
pour filer un coup de main, même si le temps des mines et des mineurs est
heureusement révolu, à notre révolté ou plutôt enragé Mélenchon.
Dans
« Germinal », en effet, Lantier- Renaud harangue les mineurs et leur insuffle
une détermination révolutionnaire, tout comme s’y emploie maintenant Mélenchon
avec ses actuels affidés, pour une cause, qui n’est pas sans nous apparaître
nettement moins louable.
Rappelez-vous : « Germinal » (1885), inspiré de faits
réels, est le treizième roman de la série des « Rougon-Macquart » d’Émile Zola.
Or, dans l’adaptation que fit Claude Berri du roman zolien, notre chanteur
révolté se révéla un Lantier d’excellence.
Pour mémoire, Étienne Lantier est le fils de Gervaise
Macquart (à la déchéance de laquelle on assiste dans « L’Assommoir » (1877),
septième roman de ladite série des « Rougon-Macquart ») et de son amant Auguste
Lantier.
Étienne
renvoyé de son travail pour avoir giflé son employeur, quitte Paris pour le Nord
de la France en quête d’un nouvel emploi. Embauché aux mines de Montsou, il y
découvre les effroyables conditions de travail des mineurs. Et, lorsque la
Compagnie des Mines arguant de la crise économique décrète une baisse de
salaire, il entraîne les mineurs à poursuivre la grève engagée, parvenant à
vaincre leur résignation et à leur faire partager son rêve d’une société plus
juste et plus égalitaire.
Voici un extrait de sa harangue aux mineurs :
-C’est dans ces circonstances, camarades, que vous devez prendre une décision ce
soir. Voulez-vous la continuation de la grève ? Et, en ce cas, que comptez-vous
faire pour triompher de la Compagnie ?(…)
Ce n’était plus le secrétaire de l’association qui
parlait, c’était le chef de bande, l’apôtre apportant la vérité. Est-ce qu’il se
trouvait des lâches pour manquer à leur parole ? Quoi ! depuis un mois on aurait
souffert inutilement, on retournerait aux fosses, la tête basse, et l’éternelle
misère recommencerait ! Ne valait-il pas mieux mourir tout de suite, en essayant
de détruire cette tyrannie du capital qui affamait le travailleur ? (…) Et il
montrait les mineurs exploités, supportant à eux seuls le désastre des crises,
réduits à ne plus manger, dès que les nécessités de la concurrence abaissaient
les prix de revient. (…) C’était trop, cette fois, le temps venait où les
misérables, poussées à bout, feraient justice.
Il resta les bras en l’air. La foule, à ce mot de justice, secouée d’un long
frisson, éclata en applaudissements, qui roulaient avec un bruit de feuilles
sèches. Des voix criaient :
- Justice ! … Il est temps, justice !
(…) ses coudes rentrés puis détendus et lançant les
poings en avant, sa mâchoire brusquement avancée comme pour mordre, avaient eux
aussi une action extraordinaire sur les camarades.
C’est
après avoir entendu Mélenchon, le Révolutionnaire français du XXIe siècle,
affirmer au JT de France 2 : « l’union populaire est d’abord un réflexe de
rassemblement face à un épisode annoncé de maltraitance sociale aggravée. » que
Renaud, son conscrit, aurait rappelé au leader de la France insoumise sa
prestation d’exception dans le film de Claude Berri. Il aurait alors proposé à
l’Insoumis en chef de le seconder dans ses harangues. Notre Fidèle Castro
français, qui entre nous soit dit, n’est pas, pour sa part, tenté de redescendre
dans la mine (Il ne se présente pas aux législatives.) aurait été, un instant,
séduit par la proposition du chanteur. Malheureusement, il trouva sa voix
devenue trop rocailleuse. Mélenchon déclina alors l’offre faite sur ces mots : «
Laisse béton. ». Il rappela, paraît-il, au chanteur enthousiaste que la révolte
des mineurs fomentée par Lantier s’était soldée par un retentissant échec. Il
aurait même précisé, si mes sources sont exactes : « Tu vas encore nous porter
la poisse : ce coup-ci, c’est pas la mine, mais le ciel qu’on va se prendre sur
la tête. Et toi, tu planteras tout le monde pour regagner Paris et œuvrer à ta
carrière. Or, ça, c’est mon boulot à moi. Alors, s’il te plaît, Marche à
l’ombre. »
Renaud,
résigné lui a répondu :
Dès que le vent soufflera
Je repartira
Dès que les vents tourneront
Nous nous en allerons
Il a alors filé sur la mobylette de Gérard Lambert, non sans avoir abandonné ses santiags et son blouson à Mélenchon.