Bordeaux: 6000 personnes

au chevet de la chetron

Le Phénix tour de Renaud fait halte ce week-end à Bordeaux pour deux concerts à la patinoire. Hier soir*, un public vibrant et chaleureux était au soutien du chanteur à la voix moribonde. *18.11.16

(Photos Quentin Salinier)

D’abord une révélation : le clonage humain est en marche et c’est troublant. Annoncée en voix off par Renaud lui-même (" la révélation de ces dix dernières années "), la première partie de l’idole attendue, nous faisait revivre le Gavroche du premier album " Amoureux de Paname ". Casquette en velours côtelé vissé sur le crâne, plume tendre et concernée, jonglant habilement avec les images et les sentiments, Gauvain Sers en cinq chansons (" Pourvu " et "Hénin-Beaumont" en pépites) annonçait que la relève de la " chetron sauvage " était là, jusqu’au mimétisme dans l’attitude et le vocabulaire.

" Dans quel état est-il ? ", allitérait Laurence Dupuy, bandana rouge et inquiétude autour du cou. Les 6 000 spectateurs de la patinoire (pareil ce soir) viennent prendre des nouvelles, déjà ravis de le voir remonter sur une scène après sept ans d’absence anisée. Christ laïc en ombres chinoises, revoilà le bonhomme, aux gestes économes et ventre devenu généreux. " Toujours " debout, scie single du retour puis " Docteur Renaud, Mister Renard ", tube du premier retour en 2002 : le chanteur de 64 ans déclenche une vibrante hystérie, le bonheur du tonton qu’on croyait perdu.
" Une p… de bronchite depuis cinq jours ", annonce-t-il pour excuser une voix d’outre-tombe, fracassée. Oui, bien sûr. Et nous, on est fans de Michel Sardou. Six musiciens aux regards si bienveillants envers le boss soutiennent le revenant mais c’est peine perdue : la merveille " En cloque " en est bousillée.

Les échos de ce début de tournée démarrée le 1er octobre font état d’une voix se faisant potable au fil du concert. Attendons. Et goûtons quand même des vidéos soignées, rarement nunuches (juste sur " Les Mots "), la tendresse déchirante de " La Pêche à la ligne ", la misanthropie inspirée et joyeuse de " Marche à l’ombre ". Renaud ne bouge presque pas, cabotine avec peine, élocution laborieuse et fragilité transpirant par tous les pores. Même  endommagées par des cordes vocales vrillées, " Dans mon HLM ", " Morts les enfants " et le sublime " Manu " nous réconciliera toujours devant ce répertoire qui a pris dans ses bras trois générations au moins.

" Vous préférez les anciennes, comme toujours ", ironise le poulbot balbutiant. La nostalgie n’est pas la seule en cause : que vaut " J’ai embrassé un flic " face à " La Médaille " ? Que vaut " Hyper cacher " face à " La ballade nord-irlandaise " ? Que vaut " La vie est moche et c’est trop court " face à " Mistral gagnant " ? La cohabitation fait mal. Mais les retrouvailles sont aussi et forcément un bonheur, public assurant les chœurs avec ivresse.

 

La voix ne s’améliore que très peu et " Morgane de toi " est douloureuse. On est pourtant ému, de le voir enchaîner " C’est mon dernier bal " et " 500 connards sur la ligne de départ ", mimer à outrance les paroles, vrai timide se frottant comme un chat aux caresses de son public.
Deux heures quinze et un medley plus tard, Renaud est revenu, et même si ça fait mal aux oreilles, ça fait quand même chaud au cœur.

 

SOURCE/ : Yannick Delneste         

Renaud