- HOMMAGE À GEORGES BRASSENS
Parce qu'un poète de génie de meurt pas
De là, je suis parti comme une jolie fleur
Déguisé, pour la cause, en une peau de vache
Malgré les moqueries d'un merle persifleur
J'accélérais mes pas pour accomplir ma tâche
Je fis un premier tour chez les copains d'abord
Puis chez le vieux Léon et chez Bacchus, l'ivrogne
Le mouton de panurge avait viré de bord
Tandis que le grand Pan voyait rougir sa trogne
Dans ma ronde je vis, si vous me pardonnez
Un sujet repenti et même la camarde
Il restait quelques fleurs dans le trou de son nez
Semées par ce voyou, sans doute par mégarde
Je l'ai cherché partout, chez le tonton Nestor
Chez le brave Auvergnat, aux noces de Jeannette
Chez son oncle Archibald, chez la femme d'Hector
Même chez ses maîtresses Hélène et Marinette
Je l'ai cherché en vain, dans les bois de mon coeur
Chez sa Jeanne et auprès de son arbre superbe
Sous le bel amandier et chez le fossoyeur
Dans les près, les lilas et dans la mauvaise herbe
Lui qui n'avait jamais retiré son chapeau
Sauf pour cette poupée qui lui offrit sa bouche
Lui qui passait son temps à jouer du pipeau
Aux filles à cent sous qui partageaient sa couche
Il n'était nulle part ce joueur de flûteau
Ni sur les bancs publics, ni dans l'étroit passage
Où se pressent les gars sur les flancs d'un coteau
Au moment où Margot dégrafe son corsage
En lançant à Vénus ma ronde de jurons
En me mordant les doigts d'avoir raté ma tâche
Je vis passer au loin deux cocasses lurons
Le plus grand exhibait une fière moustache
En l'entendant chanter "Le rut, le rut, le rut !"
Je reconnus la voix de notre joyeux drille
Il tenait par l'oreille un vieux juge en bois brut
Qui en criant "Maman !", hurlait "Gare au gorille !"
Gare au gorille !
Marcel. Fakhoury (2005)