En avant-première, dans l'école maternelle à Paris qu'il a fréquentée gamin,
nous avons écouté les douze chansons de l'album de Renaud "Les mômes et les
enfants d'abord", qui sort le 29 novembre. La verve acidulée ravira les parents
nostalgiques, et peut-être leur progéniture.
"Détrompez-vous, public chéri, ces chansons ne sont pas toutes pour les
marmots." Dans un "avertissement spécial", sur la brochure qui accompagne
l'écoute de son 17ème album, "Les mômes et les enfants d'abord" (Parlophone),
Renaud annonce la couleur. Il chante l'enfance, oui, la sienne en "preum's"
comme il dit, mais avec quelques gros mots. Pas forcément à mettre entre toutes
les petites z'oreilles donc...
C'est dans l'école maternelle de son enfance (fin des années 50), justement, rue
Sarrette, dans le 14ème arrondissement de Paris, que sa maison de disques a
convié des journalistes (dont le groupe EBRA) pour leur faire découvrir les
douze nouveaux titres. Idée originale pour se frotter aux premières années du
"Phénix", 67 printemps et hivers, qui renaît une nouvelle fois de ses cendres.
"On va pas s'laisser pourrir par cet alcool à la con"
Ce Phénix, il y fait d'ailleurs référence dans le premier titre "Les Animals"
qui vient d'être mis en ligne : "Autrefois, on l'appelait Renaud le renard/Mais
depuis qu'il boit du lait/il est bien plus peinard", chante ainsi Renaud, avec
une auto-dérision, et un regard-mea culpa sur son addiction à l'alcool, qui
revient de façon récurrente sur ce disque.
En priorité sur "On va s'laisser pourrir", chanson-étendard de prévention plutôt
efficace contre les addictions. Il chante sans fard : "J'connais un pote
chanteur/Qu'a paumé dix ans d'savie/Dix ans d'errance, de malheur/Dépression,
hypocondrie".
Renaud ne boit plus, ou en tout cas, "que de l'eau, depuis dix mois". C'est ce
qu'il a affirmé dans une interview à RTL mercredi. Il souligne que "la dernière
cure de désintoxication a réussi" et s'en prend aux tabloïds qui donnent un
bulletin de santé alarmant.
Les enfants d'avant les smartphones
Mais avec "Les mômes et les enfants d'abord", Renaud, même si la voix,
forcément, n'est pas toujours au rendez-vous, retrouve une seconde jeunesse. Et
nous fait retrouver la nôtre, celle des malabars et des roudoudous, de la cour
de récré et des copains d'avant smartphone et réseaux sociaux.
Un parfum de nostalgie ? "Renaud parle aux enfants et aux adultes, aux enfants
qui sont en nous", résumait dans le préau couvert de l'école Christophe Palatre,
patron de Parlophone/Warner, la maison de disques du chanteur.
Dans le préau couvert de l'école maternelle de Renaud, dans le 14e
arrondissement de Paris, l'écoute de l'album Photo XF
De "Pinpon", digne de Fernande de Brassens, pour les plus avertis, à "Y z'ont
mis le feu à l'école", le chanteur énervant ne s'interdit rien. Ni un pas de
côté joyeux et salace, ni se raccrocher à l'actualité pour dénoncer les carences
éducatives des "branquignols".
Il se fait forcément sentimental en jouant "L.O.L.I.T.A.", déclaration d'amour à
sa fille Lola version 2019. Le chanteur joue aussi de sa réputation de
bougon-né, d'empêcheur de tourner en rond, à travers "Ca va gueuler" peut-être
la plus authentique, ou la drôlerie "J'aime rien" toujours en auto-dérision :
"J'aime pas les fachos, ni les socialos/ces pauvres écolos qui roulent à
vélo/pis surtout j'aime pas ma chanson/c'est pas Ferrat, pas Aragon".
Toute la promotion de ce nouvel album s'accompagne des dessins de Zep, auteur
entre autres de la BD de "Titeuf". "C'est Renaud qui a eu cette idée", souligne
son entourage. Elle est lumineuse. Zep a croqué un double à Renaud, plus blond,
plus enfantin, marinière et bandana.
Onze titres écrits en trois semaines
Le vrai Renaud n'est pas un cancre quand il s'agit de lâcher les vers. Le thème
de l'enfance - son enfance - l'a inspiré. Les 11 chansons qu'il co-signe (avec
Renan Luce, son gendre, Romane Serda son ex-femme, ou avec Thierry Geoffroy et
Michaël Oyahon) ont été bouclées en deux à trois semaines. "Il se levait tous
les jours à 5 heures du matin", glisse son producteur.
Thierry Geoffroy, lui, quarante ans d'expérience dans la chanson (avec Céline
Dion, Hélène Ségara...), n'avait encore jamais bossé avec Renaud, son ami depuis
une décennie. "Je lui ai dit ''aboule le texte, je te fais la musique", et c'est
parti", a expliqué le musicien face à la presse. "Renaud est un chanteur vrai, à
la gouaille naturelle, nous avons misé sur des arrangements dépouillés pour
mettre en valeur sa voix...".
Musicalement, les cuivres et les instruments à vent, comme les bois, ont été
privilégiés, ce qui donne une tonalité folk/country/rock à cet album. "On a mis
en valeur la narration, les fables de Renaud, c'est un album attendrissant qui
lui ressemble", trace Bertrand Lamblot, le co-réalisateur, qui a travaillé
dernièrement sur l'album posthume de Johnny.
Nouveau carton discographique en vue ?
La dernière apparition publique de Renaud remonte à la remise des prix de la
Sacem. 700 000 spectateurs ont assisté à la tournée-marathon de son dernier
album "Toujours debout".
Des enfants, déjà, étaient présents aux concerts de Renaud, avec leurs parents.
À la fin de la première chanson, l'artiste les invitait d'ailleurs à se glisser
juste devant les barrières de sécurité. Comme si le lien avec ce monde de
l'enfance n'avait jamais été rompu par l'artiste, si sa mélancolie s'avérait
désormais plus joyeuse.
L'ex-loubard, l'ex-mister Renard, va-t-il rééditer avec "Les mômes et les
enfants d'abord" le même exploit qu'avec le précédent "Toujours debout", écoulé
à 800 000 exemplaires, un miracle par les temps qui courent ? Il élargit en tout
cas sa palette et s'adresse avec ce disque à plusieurs générations en même
temps. Il n'est pas prêt à "laisser béton".
14/11/2019