Petit
précis d’intolérance à l’usage de tout un chacun
par C’est
Nabum (son
site)
juin 2015
La Ballade nord-irlandaise
Vous n'êtes pas sans savoir que la chanson de Renaud Séchan : la Ballade
nord-irlandaise, fait partie de celles qui sont le plus souvent reprises dans
les chorales de France et de Navarre. Que ce soit dans les écoles ou bien dans
les groupes amateurs, chacun prend plaisir à entonner ce magnifique hymne à la
paix. Hélas, il y a toujours quelques distorsions entre les louables intentions
et la triste réalité d'une société sensible sur bien des points.
De-ci, de-là, il est de notoriété publique qu'un couplet disparaît, subit les
coups de ciseaux de la censure ; la bien-pensance faisant fi du caractère sacré
de la création artistique. Choisir c'est respecter dans l'intégralité ce qu'a
voulu exprimer l'auteur et non pas pratiquer une sélection conforme aux caprices
de son auditoire.
Puisque cette position de principe ne semble pas être générale, j'invite les
intolérants de tous poils, de toutes confessions, de toutes sensibilités à
suivre ce petit précis de l'intolérance afin d'être en mesure de couper, de
tailler, d'éliminer tout ce qui peut porter à controverses, discussions
malsaines, polémiques pénibles dans le brûlot d'un personnage peu recommandable.
Chacun sera ainsi plus à même de pratiquer sans honte l'ignoble geste de la
censure en prétendant se référer à un tiers : une recommandation venant
d'internet. Se laver les mains étant enla matière la plus sûre manière de ne pas
sentir les remugles de l'infâme pratique qui, à n'en point douter, a encore de
beaux jours devant elle.
Examinons chaque couplet sous le regard aiguisé de celui qui cherche la petite
bête. Je pense qu'il y a matière à déclencher les foudres des groupes de
pression, à blesser des minorités et des personnes sensibles à des sujets
précis. Nous devons veiller désormais à respecter le consensus : ce merveilleux
concept qui ne laisse place qu'à la médiocrité si appréciée de la variété. Le
succès toujours plus important des chansons anglo-saxonnes se nourrit de
l'incompréhension presque générale qu'elles suscitent dans le bon peuple
Le
premier n'échappe pas aux bonnes raisons de l'évincer. Les amis des arbres
fruitiers ont souvent émis des réserves sur la confusion entre le fruit « la
grenade » et cette impitoyable arme de guerre. Les biologistes se plaignent,
quant à eux, du fait qu'il paraît absurde de vouloir obtenir des grenades sur un
oranger et que cette chanson trouble des jeunes esprits en pleine découverte des
sciences de la nature. Soyons donc sans pitié pour ce quatrain douteux et si
imprécis.
Le
deuxième semble le moins critiquable de tous. Il faut pourtant entendre les
griefs de l'association des victimes du mal de mer qui reproche le choix peu
judicieux du bateau pour se rendre à Derry. D'autres, au nom de la morale,
aimeraient obtenir des précisions sur la nature exactes de la relation entre le
parolier et sa bien-aimée. Un voyage, dans la promiscuité d'un voilier en-dehors
des liens sacrés du mariage, ne peut être promu au rang d'exemple pour les plus
jeunes. Malgré son aspect consensuel, ce passage devra être retiré.
Le
troisième couplet tombe impitoyablement sous les coupes de la loi Évin.
Prétendre dans une chanson faire l'apologie de la consommation de bière devrait
justifier l'interdiction définitive de cette chanson. Il n'est malheureusement
aucun recours possible contre cette dramatique erreur du créateur. D'autant que
des personnes bien informées feront des gorges chaudes des difficultés de ce
monsieur avec l'alcool. Il convient donc de s'abstenir de cet extrait
délictueux.
Le
couplet suivant est naturellement celui qui est le plus souvent amputé dans les
écoles confessionnelles : ce qui peut se concevoir, mais aussi dans des écoles
publiques, au nom d'une conception absurde de la laïcité. Non seulement nous
comprenons cette démarche qui efface ce qui tombe sous le coup du blasphème,mais
nous serions en droit d'exiger des excuses publiques et un acte de repentance de
la part de ce triste mécréant. Nous espérons tous que Dieu, dans sa très grande
miséricorde, lui pardonnera ce que nous ne saurions tolérer dans cette vallée de
larmes. Ce passage se trouve lui aussi placé à l'index !
Le
dernier quatrain pourrait ainsi constituer un ensemble acceptable, susceptible
de satisfaire tout un chacun. C'est sans compter sur la requête des diabétiques
qui souhaitent que toute incitation à la consommation de produits sucrés soit
désormais prohibée. Nous sommes ici au cœur d'un véritable problème de santé
publique et nous devons entendre leurs plaintes. C'est sans plaisir mais avec le
sentiment d'œuvrer pour le bien de tous, que nous demandons le retrait de ce
dernier passage.
Il ne vous reste plus qu'à fredonner ce magnifique air qui se passe,
reconnaissez-le, de paroles, toutes sujettes à caution. Ainsi, vous ne choquerez
personne et vous passerez une merveilleuse soirée consensuelle. Ne me remerciez
pas, j'ai agi dans le souci louable d'apporter mon aide à tous les chafouins,
les atrabilaires et les ronchons qui ne manquent pas dans notre bel hexagone,
jadis traîné dans la boue par le sieur Renaud. Voilà une belle et douce
vengeance que chacun appréciera à sa juste valeur.
.../... Renaud
Intolérablement sien.