"Quand David Séchan (frère du chanteur) a pensé à moi (pour l'anthologie "Putain d'coffret"), ça m'a fait plaisir, j'ai été touché et j'ai pensé qu'effectivement, c'était cohérent", confie à l'AFP cette figure du 9e art, grand prix du festival de la BD d'Angoulême en 1992. 

Dès les années 1980, Frank Margerin se fait un nom dans la BD avec son personnage emblématique, Lucien (l'album "Radio Lucien" sort en 1982), banane de rockeur, perfecto, qui gravite dans un décor de banlieue parisienne proche de celui des chansons de Renaud période "Laisse béton" ou "Marche à l'ombre".

"On a un peu le même univers: la banlieue, les loubards, des types qui se font braquer leur blouson", poursuit le contemporain du musicien (tous deux ont 70 ans). 

Dans l'album de Renaud "Laisse béton", on trouve même la chanson "La bande à Lucien".

Le chanteur à la "chetron sauvage", un de ses surnoms, évoque même dans ce morceau un certain Riton, nom d'un personnage qu'on croise également dans les BDs de Margerin. 

- "Bon feeling" –

"Gamin j'avais un copain nommé Lucien, c'est comme ça que j'ai pensé à ce prénom pour ce personnage; c'est en réécoutant la chanson plus tard que je me suis aperçu que Renaud avait aussi mis un Riton, mais on ne s'était pas concertés", sourit le dessinateur. 

Margerin tâta aussi de la musique, à un niveau plus modeste, membre dans les années 1980 d'un groupe de rock, Dennis' Twist, composé de dessinateurs.

"On s'est croisés sur les plateaux télé, Renaud était en pleine gloire, nous de pauvres dessinateurs faisant de la musique; et il est venu me voir pour savoir si sa prestation était bien. Ca m'a surpris, il n'était jamais sûr de lui."

Un "bon feeling" passe entre les deux hommes dans les années 1980. Margerin dessinera en 1985 la pochette du maxi 45 tours caritatif "Ethiopie" du collectif "Chanteurs sans frontières", chanson écrite par Renaud. 

Puis, un éditeur de BD a l'idée d'une des premières oeuvres du genre dédiée à un chanteur, Renaud, en 1986, "La bande à Renaud/Les belles histoires d'onc' Renaud". 

"Au départ je refuse, je me dis +c'est un truc opportuniste+", se souvient Margerin. "Puis je me dis +merde, tous les dessinateurs jouent le jeu et je ne suis pas dedans, Renaud va penser que je ne l'aime pas !+ (rires), alors j'y vais et j'ai même fait la couverture."

- "Style +crobard+"

Cette couverture est devenue iconique, avec les jambes arquées de Renaud de dos. C'est cette image que David Séchan demanda à Margerin d'adapter pour l'affiche de l'exposition consacrée à son frère à la Philharmonie de Paris il y a deux ans ("Renaud, Putain d'expo").

Pour "Putain d'coffret, Margerin a pensé à des "illustrations style +crobard+ (croquis)" pour les différentes pochettes (6 albums studios et 3 albums live, un livret de 80 pages avec l'intégralité des paroles, plus de 50 dessins inédits, ainsi qu'un poster de 60 x 60 cm). 

"Les chansons de Renaud sont comme un carnet de croquis", glisse Margerin, qui partage avec le chanteur une belle tendresse pour ses personnages et une dent dure contre les "beaufs".

"Des +crobards+, mais pas avec 36 couleurs, ça n'aurait pas eu de sens, du noir, du blanc et du rouge, couleur de son bandana."

 On voit ainsi un flipper rouge sur la pochette de "Laisse béton" ou une robe rouge pour "Ma gonzesse". On pense aussi évidemment à la chanson de Renaud "Banlieue rouge".

Outre son coffret anthologie, Renaud a sorti au printemps un album de reprises "Métèque", où il revisite de sa voix cabossée Georges Moustaki ou Jean Ferrat.

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