20 h 20, il est là. Et c’est le choc, à cause de sa voix. Tu le savais, mais quand même, à ce point rocailleuse, caverneuse… Elle poigne le cœur cette voix en miettes, cette voix d’outre-tombe - osons le dire - aux propos inaudibles. Elle donne la mesure de la souffrance endurée. Ce type-là revient de loin.
Alors pour suivre les chansons, t’as intérêt à connaître les paroles. Mais bon, si t’es là, forcément, c’est le cas. Alors, ça va. Et tu chantes avec lui dans ta tête. Tu chantes avec lui, pour lui et pour toi. Bientôt, tu chantes pas seulement dans ta tête. T’es venu pour ça.
Deux heures trente de spectacle, quand même...
Il chante, tu chantes, chansons d’hier et d’aujourd’hui, Toujours debout, Les Aventures de Gérard Lambert, Mon HLM, Ce n'est pas l'homme qui prend la mer, J'ai embrassé un flic, etc. Allez, tu ne va pas toutes les rechanter maintenant… Tout le monde les connaît. Et puis deux heures trente de spectacle tout de même !
Le bougre annonce au début qu’il va tout donner, même s’il lui reste peu à donner. Deux heures trente de spectacle... Il semblerait que la renaissance des cendres, ça ne marche pas si mal, au point de s’autoriser une petite clope, sifflée par le public. Il ne veut que son bien.
Retour à l’ambiance, de plus en plus partie, barrée. Les têtes et les corps balancent doucement. La nostalgie monte à la gorge.
Il chante, avec ou sans guitare, accompagnés par ses excellents musiciens. Il chante et il parle, de sa voix de zombie, qui s’améliore à mesure qu’il chante et qu’elle s’echauffe et lui aussi. Il finit par tomber le cuir et montrer ses tatouages, parler de ses tatouages.
Renaud aux Présidentielles ?
Il chante et il réfléchit tout haut. Et s’il se présentait aux Présidentielles ? La salle l’encourage. Il doute mais, quelque part, il jubile. « Je pense que je leur mettrais bien profond », conclut-il. 64 ans ou pas, on ne le changera pas, toujours aussi provoc'. Et le public adore.
C’est bientôt la fin. 22 h, il lâche Morgane de toi, 22 h 30, il en est à Mistral Gagnant. Puis vient La Vie est moche et c'est trop court, chanson récente et sublime. Du grand Renaud, une chanson qui parle de lui, de sa vieillesse qui commence, de la fin qui approche. Il parle de toi, de ta vie, de ta mort, de lui, de toi, de tous, comme il l’a toujours fait. Parlant de lui et des autres, il sort les petites vies de leur anonymat, de leur silence, voix des sans voix, ce chanteur populaire...
Le public, aux anges
Le public est ému, mélancolique, étourdi de chansons profondes ou faussement légères. Il le rappelle et rappelle encore.
22 h 35, ok, encore quelques chansons, 500 connards sur la ligne de départ, Germaine, ambiance bal à papa. Fin ? Encore des rappels. Alors, ok, c’est parti pour une demi-heure de medley, Marche à l'ombre, Laisse Béton, etc. Le public est aux anges.
Ah oui, aussi, tu pourrais parler du décor, des vidéos, somptueuses par moments, ridicules à d’autres. Tu retiens les somptueuses. De toute façon, il n’en avait pas besoin. Tel qu’il est aujourd’hui, un récital, c’était tout aussi bien. Et tu l’as eu ton récital, malgré les 5.999 personnes autour, récital intimiste à entrer dans sa vie, par sa drôle de voix, sa musique. Et les 6.000, touchés, chantent et l’applaudissent debout, comme lui car, c’est sûr, Renaud est carrément debout.
Duo limousin en première partie
La première
partie est assurée par le Creusois Gauvain Sers et
son guitariste, le Corrézien Martial Bort. Depuis le
début de la tournée, ils chantent avant Renaud.
Mais
samedi soir, ils étaient particulièrement heureux de
se produire "chez eux", à Limoges. Gauvain Sers,
chanteur à casquette marron en velours côtelée - ça
vous rappelle quelqu'un ? - est une sorte d'alter
égo de Renaud. Ses textes sont porteurs de messages.
Avec sa
guitare, cet auteur-compositeur-interprète chante
autant l'amour que l'actualité violente, les
attentats, les gosses qui partent faire le djihad.
Depuis octobre, Gauvain Sers et Martial Bort
ont bien pris le truc, d'être complètement à l'aise
devant une salle de 6.000 personnes, voire 10.000
ailleurs...
Renaud
les présente en demandant de les accueillir avec
respect. Ils n'inspirent pas seulement le respect.
Ils ont du talent.