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Il s’agit d’une « Lettre énervée pour chanteur énervant », d’une fan de Renaud née l’année de la parution de l’album Mistral gagnant. Ça fait vingt ans cette année qu’elle a « quatorze ans et demi », et en a beaucoup à raconter sur son amour de Renaud depuis son adolescence !
Un podcast enregistré le 4 décembre 2020 et mis en ligne sur ARTE Radio le 17 décembre 2020
Klaire fait Grr (Claire Fegrinelli) a un chanteur préféré : Renaud. Il est un peu en colère, un peu populaire, un peu picon-bière. Ou plutôt, il l’a été, et puis quelque chose a foiré. Alors elle lui écrit une lettre d’amour au vitriol. Faut dire, peut-être qu’être adulte, c’est brûler ses idoles, mais Renaud était pas obligé de fournir les allumettes et d’avaler un shot de pétrole…
Voici donc ce coup de gueule de Klaire fait Grrr, suivit des crédits. Les paroles peuvent être lues en cliquant ici !
Création, texte,
voix et réalisation : Klaire
fait Grr Voix supplémentaires : Guillaume Meurice (le vieux con) et Sabine Zovighian (la mère de Klaire) Réalisation et mixage : Charlie Marcelet Illustration : Pauline Aubry Production : ARTE Radio Chansons de Renaud : Morgane de toi, Marchand de cailloux, Hexagone, Société, tu m’auras pas !, Le petit chat est mort, Fatigué, La médaille, Chanson pour Pierrot, Il pleut, Où c’est qu’j’ai mis mon flingue ?, C’est quand qu’on va où ?, J’ai raté Télé-foot, Tu vas au bal ? et… Corona Song. Chansons d’autres artistes : Mon vieux (Daniel Guichard), Pour que tu m’aimes encore (Céline Dion), Quand on a que l’amour (Jacques Brel), Avec le temps (Léo Férré), Dis, quand reviendras-tu ? (Barbara), Symphonie nᵒ 40 en sol mineur (Mozart), My heart will go on (Céline Dion) et L’hymne des femmes. |
Copie du texte
d'après le podcast: SVPat
Les ajouts de SVPat sont en Jaune Les chansons de Renaud , vous les reconnaîtrez, j'en suis sûr !
Tu fais chier hein
C’est pas l’homme qui
prend la mer, c’est ceux qui l’aime qui prennent cher
Tintintin mon cul !
Tu fais chier
Moi je passe ma vie à
t’avoir dans ma tête et dans mon cœur. Je t’aime envers et contre tous.
Je brandis mes p’tits poings rageurs tout plein de ta colère pour que tu
me passes au final, le cœur au sanibroyeur
T’étais mon héros
malgré que bon, t’es devenu le mec gênant du réveillon. T’es vraiment un
cas !
(un glas sonne)
Y’en a qui perdent
leurs parents, pour un crabe ou un accident. Y’en a qui en chient, y’en
a qui en pleurent, dans un torrent d’Alzheimer, qui en prennent pour 10
ans de psy, et moi je suis là avec mes conneries. Tu crois que j’peux
débarquer chez le docteur, et dire : « Ca va pas fort. Renaud
est mort ! Enfin juste à mes yeux, pas vraiment mort.»
J’ai un cercueil mais
j’ai pas de corps, je te déteste.
Peut-être qu’être
adulte, c’est brûler ses idoles, mais t’étais pas obligé de fournir les
allumettes et d’avaler un shot de pétrole
Il faut tuer le père,
mais mon père c’est
pas toi,. J’ai un poignard qui
s’enfonce dans du rien, dans du gras.
J’ai un Œdipe qui
serait passé chez Affelou au lieu de se crever les yeux, c’est nul et je
vais te dire pourquoi mon vieux. ,
♫ Mon vieux
(Daniel Guichard) Oui, c’est
Daniel Guichard, rien à voir…
J’ai 10 ans, presque
¾ dans une banlieue même pas dortoir
(Musique
J’ai 10 ans- Souchon )
Ah, nan, nan, j’ai
pas la télé, je suis trop petite et puis j’ai des parents instit, j’ai
des couettes évidemment, mais faut pas croire pour autant j’aime déjà
pas les gens. ‘ y’a des coupes de cheveux tu sais qui disent pas la
vérité). J’ai un manteau que je déteste à mort, sauf
à part qu’il a des grandes poches d’accord. J’ai vachement de
bonnes notes et puis vachement pas beaucoup d’amis. Faut dire que je
suis allergique à tout Elle est
allergique à tout et j’éternue tout le temps, partout.
« Bouuuuuh ! Salade de morve ! Bouillie d’andouille »
J’ai 10 ans ¾ et
c’est clair c’est pas la meilleure panoplie pour devenir populaire, mais
je suis pas Causette pour autant, c’est juste que j’renifle tout le
temps.
Attends, coupe pas la
radio, tu vas voir, t’arrives Bientôt !
Musique
« Joyeux anniversaire »
Eh, c’est éteint
là
… Joyeux
anniversaire »
Le jour de gloire est
arrivé : j’ai enfin un lecteur de CD. Je plonge tête baissée, sans
complexe, dans la chanson française à textes.
« Dans l’effroi, dans
l’effort, je te jette un soooooort… pour que tu m’aimes encore »
(Céline Dion).
Hein, mon premier CD, attend c’est pas toi, t’es marrant, on est
en 96 tu vois, à 11 ans, on te file pas ça. La gamine de 11ans se charge
toute seule d’aller fouiller où les parents rangent leurs CD.
« Quand
on a que l’amour… »
(Brel)
« CHIANT… ! »
« Avec
le temps…. »
(Ferré)
« CHIANT… ! »
«
Voilà combien de jour… »
(Barbara)
« SUPER chiant… !«
CHIANT !!! SUPER chiant… ! »
«
Ils commémorent au
mois de juin
Un débarquement de
Normandie… »
Ils pensent au brave
soldat ricain
Qu’est venu se faire
tuer loin de chez lui… »
J’EMPRUNTE UN TRUC …
Je comprends que
dalle aux références, mais je devine que j’suis d’accord.
« …Ils
oublient qu’à l’abri des bombes
Les Français
criaient : Vive Pétain !
Qu’ils étaient bien
planqués à Londres
Qui avait pas
beaucoup d’ Jean Moulin
»
Bah, je sais pas…Les
gentils s’est des gens moulins, les autres c’est des gens méchants mais
j’suis pas sûre. Ouais, enfin, bon, rappelle-toi qu’à l’époque Internet
c’était ça : «
L’encyclopédie
mutimédia dont vous avez toujours rêvé pour vos enfants, des
cassettes vidéos passionnantes et même un CD-ROM pour travailler
plus facilement, 29 francs seulement ! »
(Pub)
. Donc je
galère, mais camembert ! Je devine que la colère ça va me parler et que
je me sens du côté des enragés
Dans ma chambre, j’ai
un fauteuil. alors j’y écoute ton CD parfois, mais je me prépare à
bondir parce que je sais ce que tu vas dire ;
«
Mais en attendant je
chante, et je te crache à la gueule.
Cette petite chanson méchante
que t’écoutes dans ton fauteuil » Je me lève de mon fauteuil usé pour pas que ça me soit destiné, comme si ça suffisait à me protéger, je veux pas en faire partie, je veux pas attraper la bourgeoisie.
L’équipe de France
est Championne du Monde en battant le Brésil 3/0
J’ai 13 ans…
Je suis déjà pas
jolie, je suis toujours pas populaire mais je commence à comprendre que
mon truc à moi c’est un peu d’humour, beaucoup la colère
et puis souvent les
deux parce qu’on attrape pas les mouches avec du gruyère. Ouais, je
sais, mais ça rimait. J’aime pas les trucs grandiloquent, je trouve que
les textes qui tabassent vraiment, c’est ceux qui pètent pas plus haut
que leur cul. Nan mais, t’ as vu, y’a des comptines pour enfants plus
balèzes que Victor Hugo, mais pour être honnête j’ai
surtout vachement pas lu
Victor Hugo. J’écoute que Brassens et toi en gros et vos
chansonnettes qui peuvent devenir
des brûlots. J’aime qu’il défonce la peine de mort à coup de
gorille en Liberté et que tu te serves d’un petit chat tout mort
pour aller bouffer du curé.
«
Le petit chat est
mort et toi et moi, on va couci-couça.
A cause de quoi ? A
cause qu’on s’demande bien pourquoi
T’as jamais un papa
sur les toits
Etre trop près du
ciel, p’être qu’y’z’aiment. »
J’ai
14 ans et demi…
Je déteste la guerre
et puis je déteste la mort aussi. Je passe donc à ça d’une carrière de
Miss France, oui mais j’t’ai dit, j’suis pas jolie. J’ai de la colère
plein les poches de manteau moche et j’décide d’arrêter de manger du
moineau et puis des autres
animaux. Quand je serais grande et lycéenne hé bah, je serais
végétarienne ! On va se foutre de ma gueule sûrement mais j’ai
l’habitude attend et puis je m’en fous parce que je sais que sur
n’importe quel bout de terre, face à n’importe quel gros con, c’est ceux
qui sont en colère qu’ont raison.
« Fatigué
de parler, fatigué de me taire.
Quand on blesse un
enfant, quand on viole sa mère
Quand la moitié du
monde en assassine un tiers
Fatigué, fatigué.. »
J’ai 20 ans et j’aime
pas ça…
Faut dire que j’aime
pas grand-chose, c’est pas pratique pis le reste je suis allergique.
J’ai mis ma colère dans l’envie
de jouer Phèdre et Andromaque pieds nus sur les planches qui craquent,
le cœur à vif, la place à demi tarif.
Quand je serais
grande et parisienne eh ben je serais tragédienne ! Mais dans la vraie
vie, j’ai passé un casting Nesquik avec une queue de lapin en plastique.
« Songe
aux cris des mourants dans la flamme étouffés sous le fer expirants »
(Racine-Andromaque)
« Ahhhhhh !!! Les
céréales Nesquik qui rendent le lait si chocolaté »
Je vois ma colère
s’émousser et se diluer dans le lait chaud, c’est peut être comme ça
qu’on attrape la bourgeoisie à force de devoir tout diluer dans du
chocolat pourri.
« Société,
société…tu m’auras pas. »
J’deviens adulte à
moitié, je deviens cette fille un peu ratée, un peu à côté de la plaque.
J’pourrais sombrer, j’pourrais couler mais il y’a des mots, souvent y’a
tes mots qui me rattrapent par le colback, qui me disent : ‘’Attends,
c’est pas toi qu’est bizarre, c’est juste le monde qui a une gueule de
cauchemar’’
« Maréchaux
assassins, l’amour ne vous dit rien
A part bien sûr,
celui de la Patrie, hélas !
Cette idée
dégueulasse qu’à mon tour je conchie ! »
Alors parfois, comme
t’as pu le faire, je noie mes peurs dans le Picon-bière. Ca peut pas
être un problème, un truc aussi jolie qu’un Picon-bière !
«
Le jour où tu
t’ramènes, j’arrête de boire promis.
au moins toute une
semaine, ça sera dur mais tant pis. »
J’ai pas encore 30
ans…
Je m’attache à une
gamine pas à moi à qui je file un bout de mon cœur, comme ça, comme on
file un bout de son pain au chocolat, un bout qu’on reverra plus parce
que, bah salut, ton père m’aime plus.
«
Tu peux pas t’casser
il pleut, ça va tout mouiller tes cheveux
Et puis d’abord ça
suffit, on s’casse pas à 6 ans et demi… »
Et cette année-là,
y’a mon monde qui s’écroule dans un boucan d’enfer. Y’a ma valise chez
ma mère, y’a des balles qui volent dans Paris, y’a des balles
qui volent dans
Charlie et toi, sans déc’, dans tout ce boxon, tu trouves pas plus con
que de dire en interview que tu vas voter Fillon.
« Renaud
c’est mort, il est récupéré… »
Pour cette fois, pour
une fois, je ferme les yeux parce que je mets ça sur le compte d’une
provocation gratis, je mets ça sur le compte d’une tournée de pastis.
Eh, c’est pratique de pouvoir mettre des trucs sur le compte des autres.
Dis c’est sympathique quand
la maison fait crédit.
Moi là-dedans, je
suis devenu Écriveuse de trucs grognons et c’est un peu ta faute,
t’façon…
« Quand
j‘s’rais grande, j’ veux être heureuse, savoir dessiner
un peu
Savoir me servir d’une perceuse, savoir allumer un feu… »
T’as pas toujours les
poings serrés, même que souvent t’fais marrer quand tu racontes les
mobylettes, l’amour et les coquillettes et puis des gens qui n’existent
pas, mais vachement ressemblant des fois.
« Jouer
peut être du violoncelle, avoir une belle écriture pour écrire des mots
rebelles à faire tomber tous les murs… »
J’te dois de m’avoir
appris à voir dans les gros mots
de la poésie, puis dans les petits mots aussi.
En fait, j’aime pas
grand-chose dans la vie alors bah, je sais pas….merci ? « Nous qui sommes sans passé, les femmes… » (Hymne des femmes-MLF)
Puis voilà, là ça
fait 20 ans que j’ai 14 ans et demi au moins…
Mes colères ont
rencontrés d’autres mots que les tiens
« Nous n’avons
pas d’histoire…. »
(Hymne
des femmes -MLF)
Des mots de femmes,
les poings battants, des mots puissants
«
Levons-nous
femmes esclaves et brisons nos entraves… »
(Hymne des femmes -MLF)
J’ai peur si je
venais à t’écouter d’être obligée de te détester
« Debout…debout…debout… »
(Hymne des femmes -MLF)
T’étais un peu
anar-gaucho, t’étais à tendance
écolo, même que c’était pas encore la mode et même que La mode ça pue et
c’est moche et c’est plus pratique d’avoir des grandes poches.
Mais j’ai peur que ce
type-là n’existe plus, qu’il ait disparu après ses trois tours de piste.
J’ai peur que t’aies fait le coup du Parti Socialiste. J’ai peur que,
comme beaucoup de types de ta génération, tu sois devenu un vieux con,
un de ceux qui réduisent le #metoo de mes sœurs
« Oh
la la la laaaaaa …»
….au théorème de
l’ascenseur
«
On va plus pouvoir
prendre l’ascenseur avec une femme avec tout ça… »
Alors comme j’ai
peur, pour pas prendre de
risque, je t’oublie, je te dénie, je te range dans un carton de la cave
où je vais pas.
Et puis le temps
passe, sauf que, coup de
grâce, je te vois partout, d’un coup. Tu balances un slip merdique avec
masque sous le nez comme tous les connards trop fiers de sortir sans
slibard avec au fond une gonzesse, un peu sexy, qui sert à rien,
potiche, merci.
T’as passé ta vie à
affûter ta guitare contre ces blaireaux, ces crevards qui nous
refourguent la haine de nos prochains, qui nous refourguent les poings
dans nos projets et là tu nous fais quoi ? Le coup des Chinois ? Mais ça
va pas ? Qui mangent du chien ? T’as honte de rien ?
« T’as
débarqué un jour de Chine, retournes-y qu’on t’y confine
Dans ce pays où l’on
mange du chien…. »
Puis de tout ça, de
tous ceux là-bas qui nous ont zigouillés l’hôpital qui crève, de ceux
qui ont brisés nos grèves que tu aurais pu fracasser, de celles qui
continuent de bosser, des précaires, des qui galèrent, des qui peuvent
plus faire la manche et la révolution, qui peuvent plus bosser comme
putains dans leur camion. T’avais que ça à leur offrir comme chanson ?
Et les BFM de mon cul
qui se gavent de nos peurs et sont jamais repus ? Quoi, ça t’énerves
plus ? Ça t’énervais, attends, quand j’étais petite, pourtant !
« L’information
pour ces mecs là c’est d’effrayer l’prolo, l’bourgeois
A coup de chars
russes, d’Ayatollah.
Demain faites gaffe,
y va faire froid…
A part ça, eh ben ça
va, s’il se passe quelque chose, on vous le dira…»
Et fais pas le coup
de l’âge et du naufrage, 60 balais c’est une excuse pour être pété
d’arthrose, pas finir vieux con.
Moi j’ai des
beaux-parents faut leur faire des mises à jour Windows mais ils ont
toujours le goût de la révolution.
Je suis fâchée parce
que j’aurai voulu encore
t’aimer, mais là c’est trop tard, c’est cramé.
Y’a mon minuit qui
vient de sonner, j’suis là avec une pauvre pantoufle de vair,
de dernier verre.
Il me reste tes
vieilles chansons en bandoulière et je me retrouve comme
une Cendrillon à la con, le rimmel jusqu’au menton !
Tu me laisses en plan
sur le trottoir.
Bon bah voilà, j’t’ai
dit au revoir.
J’aurai bien agité
mon petit mouchoir pour une fin triste et poétique, mais moi j’peux pas.
Point ….Je suis allergique con !
« Bon
ça suffat comme ci, faisez-en des chansons vous… »
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